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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 8.1873

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Nr. 2
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Gonse, Louis: M. Vitet
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https://doi.org/10.11588/diglit.21410#0136

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M. VITET.

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Il voulut donner un pendant à son Eustache Lesueur, en écrivant son
Raphaël à Florence (1850-1862), qui n’est qu’une longue dissertation
sur la fameuse fresque de Sant’Onofrio qui venait d’être découverte sous
le badigeon. Mais ici nous ne saurions louer sans restriction. Il se trompa
sur le compte de cette fresque, disons-le, étrangement, complète-
ment, comme plus tard, en 1863, sur le compte d’un prétendu tableau
de Clouet. Il persista dans cette première opinion toute sa vie, il la con-
serva tranchante et entière. Les bons juges sont aujourd’hui d’accord :
la Cène du couvent de Florence est d’un artiste de l’Ombrie, très-habile,
— très-habile surtout à dessiner les pieds et les mains plutôt que les têtes,
qui sont assez insignifiantes et lourdement péruginesques, —- du Spagna
peut-être, mais de Raphaël, jamais.

M. Vitet fut un heureux de ce monde. Sa sociabilité insinuante, le
charme discret et distingué de ses manières et de sa conversation, l’aris-
tocratie naturelle de son esprit, lui créèrent de hautes et solides rela-
tions. La fortune l’accueillit en souriant, et les circonstances exception-
nelles de ce temps de renouveau au milieu duquel il débuta le servirent au
mieux; mais il est juste de dire qu’il mit au service des circonstances
un remarquable talent d’écrivain, une décision, une lucidité et une élé-
vation de jugement peu ordinaires. En politique, il fut libéral et parle-
mentaire, mais profondément conservateur et religieux, d’une religion
qui inclina dans les dernières années vers les pratiques de la dévotion.
En matière d’art, il resta toujours spiritualiste et plutôt tourné vers
l’idéal chrétien que vers l’idéal païen ; très-dédaigneux des formes vul-
gaires de l’art, il fait preuve d’un éclectisme remarquable pour toutes
ses manifestations élevées, pour toutes les expressions de la beauté noble.
Il admire l’art grec, il en saisit les perfections et les harmonies, il les
décrit magistralement; mais, au fond, il l’aime sagement et sans pas-
sion. Il réserve ses préférences secrètes, ses enthousiasmes les plus com-
municatifs, pour l’art chrétien, pour le moyen âge surtout. Dans ce
sens, il se montra très-Français, affirma et défendit constamment, ce qui
alors n’était pas une vérité indiscutée, la souveraineté artistique de la
France sur l’Europe, depuis Charlemagne jusqu’à la Renaissance. Il se
déclara un des apôtres les plus résolus de l’art gothique ; il ne fut pas
le premier, il est vrai, et nous ne devons pas oublier ceux qui le précé-
dèrent : Alexandre Lenoir et ce grand maître de la critique française,
Émeric David. Cependant il contribua, plus qu’aucun autre peut-être, à
la conservation de nos monuments et de nos richesses historiques ; ce
sera pour la postérité son titre le plus durable. Pour le reste, il a plutôt
fait besogne de critique que besogne d’érudit ; il fut comme un vulgari-

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