Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 27.1883

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Bigot, Charles: Les fresques de Raphae͏̈l à la Farnésine, 2
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.24259#0049

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
40

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

et il semble que pas un d’eux ne s’en soit soucié. De tous ses portraits, il
n’en est pas un seul qui nous ait légué l’image d’un seigneur romain de
ce temps. Des couvents de la Toscane ou de l’Ombrie, de la Sicile, lui
adressèrent des commandes alors qu’il avait conquis la renommée ; des
rois lui demandèrent de travailler pour eux ; nous ne voyons pas qu’un
seul véritable Romain ait fait appel à son pinceau. 11 y a là un signe du
temps bien caractéristique.

Sa gloire était tout entière dans le Borgo, et, hors du Borgo, dans
l’Italie, dans l’univers. La compensation suffisait largement : qu’importait
d’ailleurs à Raphaël, étranger à Rome, l’opinion des Romains? Il possédait
la faveur du pape, il avait les suffrages de tous les juges élégants et délicats,
supérieurs par la culture de l’esprit, l’instruction, la science, le goût et
l’amour des arts, qui avaient fait de la cour pontificale comme une Athènes
nouvelle. Il marchait heureux, confiant et tranquille, dans l’épanouisse-
ment de son génie. A chaque œuvre nouvelle de lui, c’était comme un
murmure flatteur où l’étonnement se mêlait à T admiration. Il suivait pas
à pas la route triomphale, entendant à peine, au milieu des acclamations,
les cris discordants de quelques envieux. Tout entier aux radieuses visions
de la beauté que lui apportait sans cesse son imagination, il poursuivait
la décoration des Stanze, il exécutait ici et là quelque tableau de che-
valet acheté d’avance et chèrement payé, quelque portrait d’un pape, d’un
cardinal, d’un secrétaire de la Curie, d’un prince étranger, d’un ami.
Jamais vie ne fut à la fois plus remplie et plus sereine.

Ce qui manquait en cette cour pontificale, le pape excepté, c’était
quelqu’un qui pût commander à Raphaël de grands travaux vraiment
dignes de lui. La peinture par excellence, l’art magnifique, pour un
artiste de la renaissance italienne, il ne faut pas se lasser de le redire,
c’étaient les fresques. D’aller peindre ici ou là quelque vaste composition
sur les murs d’un couvent ou d’un palais, il n’y avait pas à y songer,
retenu qu’il était à Rome par ses travaux ail Vatican. Cardinaux, secré-
taires de la Curie étaient bien assez riches pour rassembler quelques
collections d’œuvres d’art, d’antiquité, plus ou moins abondantes selon
leurs moyens, pour payer à son prix, s’il le fallait, un portrait signé de
de la main de Raphaël ; ils ne l’étaient pas assez pour lui commander de
superbes décorations. Le seul homme capable de proposer à Raphaël une
telle entreprise et d’y mettre le prix, dans l’entourage pontifical, se
trouva en la personne du banquier Augustin Chigi.
 
Annotationen