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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 27.1883

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Bigot, Charles: Les fresques de Raphae͏̈l à la Farnésine, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24259#0057

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LES FRESQUES DE RAPHAËL A LA FARNÉSINE. û7

qu’aucun portrait^ ne nous ait conservé ses traits ; et c’est à coup sûr un
sujet d’étonnement qu’un homme qui tint une si grande place parmi ses
contemporains en ce siècle de l’art, qui fit travailler tant d’artistes, ne
nous ait laissé sa figure reproduite par aucun d’eux. L’imagination,
réduite à ses seules ressources, aime à se le représenter, au risque
de se tromper, comme un homme robuste, aux puissantes épaules, un
peu trapu, sans rien d’élégant en sa personne, avec un large visage aux
traits vigoureux, où se manifestaient tout à la fois l'épanouissement de
la fortune, la satisfaction de soi-même, une expression de finesse rusée
et de bonhomie un peu sournoise dominant tout le reste.

Heureusement le personnage moral nous est bien connu. Dire qu’il fut
intelligent, laborieux, habile, entendu aux chiffres, aux affaires, et aussi
adroit à se débrouiller parmi les intrigues que parmi les affaires, ce se-
rait perdre son temps; le résultat le démontre assez. Il fut avec cela ma-
gnifique.

Il aimait le plaisir comme il aimait le travail. Il n’eût guère été un
Italien de la Renaissance, s’il ne l’eût beaucoup aimé. Il voulut avoir la
plus belle maîtresse et il choisit la courtisane Impéria. Mais ce qu’il
aima par-dessus tout, ce fut le faste. Il ne lui fallait pas seulement pos-
séder des trésors, il lui fallait les étaler. Il se plut à jeter l’argent avec la
même facilité qu’il le gagnait. A peine fut-il riche qu’il tint à se faire
construire une villa qui effaçât par sa splendeur toutes les villas connues.
Il confia le soin de l’élever à Balthazar Peruzzi, le premier architecte
d’alors après le vieux Bramante. Il lui ordonna de n’y rien épargner. Il
voulut offrir un repas au pape Léon X et il l’offrit dans les écuries mêmes
de la villa, dont les murailles disparaissaient sous de magnifiques tapis-
series. Il y fit servir les poissons les plus monstrueux, les plats les plus
rares et les plus recherchés; lors d’un second repas, après chaque ser-
vice, les valets jetèrent dans le Tibre la vaisselle d’or et d’argent qui
venait de servir. Il mettait dans le luxe même l’insolence du parvenu.
Ç’a de tout temps été le besoin de la puissance de l’argent d’étonner
et d’éblouir.

Ce prodigue comptait pourtant ; l’homme d’argent reste toujours
homme d’argent. Chigi savait, on en peut être certain, ce que lui coûtait
Impéria; on peut être sûr aussi que sa maison était fort exactement
tenue, avec tous les comptes bien en règle. A ce festin qu’il donne au
pape et qui étonna la Renaissance elle-même, on jetait dans le Tibre la
vaisselle d’or et d’argent, mais des filets avaient été disposés par avance
pour les recueillir; un majordome dut s’assurer le soir même, quand elle
eut été repêchée, qu’aucune pièce ne manquait à l’appel. Lorsque Chigi
 
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