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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 27.1883

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Nr. 1
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Bigot, Charles: Les fresques de Raphae͏̈l à la Farnésine, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24259#0058

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

eut chargé Raphaël de peindre pour lui les Sibylle.y de l’église délia Pace,
le peintre reçut, à titre d’acompte, une somme de cinq cents ducats; le
reste, s’il y avait lieu, serait fixé, selon une coutume fréquente alors, à
dire d’experts, après l’achèvement de l’ouvrage. L’ouvrage achevé,
Raphaël demanda quatre cents ducats encore. Malgré le nom de l’artiste
et son amitié, Ghigi, faisant la grimace, trouva que c’était heaucoup.
L’expert choisi fut Michel-Ange ; il déclara qu’une seule des figures valait
l’argent, ce Hâtons-nous de payer, s’écria Ghigi, sans quoi bientôt toute
ma fortune n’y suffirait pas. » Ce financier était en même temps un homme
d’esprit.

Ce qui pourtant dominait bien réellement, chez Augustin Chigi, même
l’amour de l’argent, c’était le goût du faste, le besoin de l'ostentation. Il
y a le financier avare autant qu’avide qui s’enrichit pour s’enrichir, pour
qui le bonheur suprême est de thésauriser, d’entasser les millions sur les
millions, décompter et recompter une fortune qui chaque jour s’amplifie.
Ge qu’il aime avant tout, c’est l’argent. La contemplation de sa richesse
est pour lui la suprême volupté, et parfois peu lui importe l’opinion,
pourvu qu’il possède beaucoup d’or et que l’on sache qu’il en possède
beaucoup. G’est la passion âpre dont l’israélite ou l’homme de l’Eu-
rope du Nord est capable. Elle est rare chez l’homme du Midi, rare sur-
tout chez l’Italien. L’Italien de la Renaissance ne l’a guère connue, pas
plus que ne la connaît, par exemple, l’Américain de notre temps. Celui-là
tenait d’abord à jouir, à briller. Il ne connaissait pas l’avarice. Une
sorte d’impérieux besoin le poussait vers le luxe, la dépense empor-
tée, l’ostentation. Ce à quoi pensait le moins cette race toute ardente et
jeune, c’était le lendemain, c’était l’épargne. Lorsque Ghigi mourut,
en 1520, peu de semaines après Raphaël, peu de mois avant Léon X, ce
banquier, qui avait remué les trésors comme à la pelle, laissa des
affaires embarrassées. La liquidation du bilan se fit dans des conditions
désastreuses. Ecuries, villas, tout dut être vendu; la ruine succéda bien-
tôt à l'opulence. On vit une de ces révolutions de fortune comme l'Ita-
lie en a tant vu. Heureusement le tempérament siennois de la famille
était robuste, ilvec le petit-fils elle se releva. Le banquier Ghigi fit souche
de papes.

On se figure que de tous les habitants du Borgo il n’en était pas un
seul que la vieille Rome dût regarder avec autant de dédains et de colères
que celui-ci. Ainsi de nos jours le faubourg Saint-Germain regarde le
quartier du parc Monceau. Qu’avait-il pour lui, ce parvenu qui offensait
l’aristocratie de son train de maison, de ses laquais, de ses carrosses,
de son faste et de ses fêtes, qui éclaboussait tout le monde, qui forçait
 
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