DÉCOUVERTE DES MOMIES ROYALES DE THÈRES.
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éveiller l’ennui, il est bon, par des analogies, de saisir un moyen d’ini-
tiation rapide.
Admettons que, par suite de traditions immémoriales, nous ayons
tellement adoré, sanctifié nos rois de France qu’ils en soient restés dieux
avant la naissance comme après la mort, en montant sur le trône ou en
l’usurpant. Supposons qu’à la Révolution il se soit trouvé un corps de
gardiens des tombeaux, fonctionnaires supérieurs munis de pouvoirs
suffisants pour prévenir la violation sauvage des tombes royales de Saint-
Denis : destruction ridicule comme toutes celles qui s’attaquent aux choses
de simple souvenir et aux œuvres d’art, objets mille fois plus profitables
aux acquêts de l’humanité que l’existence des êtres ignorants, intéressés
ou grossiers qui les condamnent et les détruisent.
Ainsi donc, les gardiens des tombeaux auraient, sans bruit, caché ces
reliques royales, vrais talismans pour le peuple, dans des retraites inac-
cessibles où, nombre de siècles après, des archéologues exempts de
passion politique viendraient à les retrouver. Descendus dans un souter-
rain sans nom, nos savants se trouveraient au milieu de cercueils entassés
qu’ils prendraient d’abord pour ceux de simples mortels, hobereaux ou
conseillers municipaux, anciens séminaristes, lettrés ou militaires; mais
tout à coup leurs yeux exercés rencontreraient le nom de Hugues-Capet.
Les reportant ailleurs, ils verraient apparaître sans ordre les noms de
Philippe-Auguste, de Louis XI, de François Ier, d’Henri IV, de Louis XIII,
de Louis XIV, des reines de France, des princes et princesses du sang.
Incrédules et se croyant le jouet d’une hallucination, ils regarderaient
ces morts de plus près ; mais devant les marques si connues de l’ancienne
monarchie, les lys, les emblèmes et devises personnelles, les insignes
royaux accompagnant des noms bien lisibles, ils seraient forcés d’ad-
mettre la réalité du fait sans pouvoir l’expliquer encore.
Tel serait l’équivalent de ce qui s’est passé à Thèbes pour les momies
des plus célèbres pharaons, de ceux qu’on peut surnommer les Alexandres,
les Césars, les Louis XIV et les Napoléons de cet immense empire égyp-
tien qui, seize siècles avant notre ère, dominait le monde oriental depuis
le Soudan jusqu’à la Mésopotamie, comme plus tard l’empire romain
domina l’Occident1.
I. Voir le rapport officiel sur cette découverte : La trouvaille de Deïr-el-Bahari.
Vingt photographies par Em. Brugsch bey, conservateur adjoint du musée de Boulaq.
Texte par G. Maspero, directeur général des musées d’Égypte. Le Caire, Mourès, et
Paris, Maisonneuve, '188'!, in-4°. — On pourra aussi consulter les comptes rendus de
MM. Maspero, dans le Congrès des orientalistes à Berlin, 188L, Eug. Lefébure, dans
les Annales du Musée Guimet, Lyon, 4 881 ; Gabriel Charmes, Journ. des Débats des
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éveiller l’ennui, il est bon, par des analogies, de saisir un moyen d’ini-
tiation rapide.
Admettons que, par suite de traditions immémoriales, nous ayons
tellement adoré, sanctifié nos rois de France qu’ils en soient restés dieux
avant la naissance comme après la mort, en montant sur le trône ou en
l’usurpant. Supposons qu’à la Révolution il se soit trouvé un corps de
gardiens des tombeaux, fonctionnaires supérieurs munis de pouvoirs
suffisants pour prévenir la violation sauvage des tombes royales de Saint-
Denis : destruction ridicule comme toutes celles qui s’attaquent aux choses
de simple souvenir et aux œuvres d’art, objets mille fois plus profitables
aux acquêts de l’humanité que l’existence des êtres ignorants, intéressés
ou grossiers qui les condamnent et les détruisent.
Ainsi donc, les gardiens des tombeaux auraient, sans bruit, caché ces
reliques royales, vrais talismans pour le peuple, dans des retraites inac-
cessibles où, nombre de siècles après, des archéologues exempts de
passion politique viendraient à les retrouver. Descendus dans un souter-
rain sans nom, nos savants se trouveraient au milieu de cercueils entassés
qu’ils prendraient d’abord pour ceux de simples mortels, hobereaux ou
conseillers municipaux, anciens séminaristes, lettrés ou militaires; mais
tout à coup leurs yeux exercés rencontreraient le nom de Hugues-Capet.
Les reportant ailleurs, ils verraient apparaître sans ordre les noms de
Philippe-Auguste, de Louis XI, de François Ier, d’Henri IV, de Louis XIII,
de Louis XIV, des reines de France, des princes et princesses du sang.
Incrédules et se croyant le jouet d’une hallucination, ils regarderaient
ces morts de plus près ; mais devant les marques si connues de l’ancienne
monarchie, les lys, les emblèmes et devises personnelles, les insignes
royaux accompagnant des noms bien lisibles, ils seraient forcés d’ad-
mettre la réalité du fait sans pouvoir l’expliquer encore.
Tel serait l’équivalent de ce qui s’est passé à Thèbes pour les momies
des plus célèbres pharaons, de ceux qu’on peut surnommer les Alexandres,
les Césars, les Louis XIV et les Napoléons de cet immense empire égyp-
tien qui, seize siècles avant notre ère, dominait le monde oriental depuis
le Soudan jusqu’à la Mésopotamie, comme plus tard l’empire romain
domina l’Occident1.
I. Voir le rapport officiel sur cette découverte : La trouvaille de Deïr-el-Bahari.
Vingt photographies par Em. Brugsch bey, conservateur adjoint du musée de Boulaq.
Texte par G. Maspero, directeur général des musées d’Égypte. Le Caire, Mourès, et
Paris, Maisonneuve, '188'!, in-4°. — On pourra aussi consulter les comptes rendus de
MM. Maspero, dans le Congrès des orientalistes à Berlin, 188L, Eug. Lefébure, dans
les Annales du Musée Guimet, Lyon, 4 881 ; Gabriel Charmes, Journ. des Débats des