RUBENS.
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Musée national pourrait sans invraisemblance être le n° 2A9 de la col-
lection particulière dn grand peintre. Tel est aussi notre avis, et nous
allons même jusqu’à la certitude. Pour nous, le médaillon central, c’est-
à-dire la "Vierge, l’Enfant et l’ange, sont bien de Rubens; la guirlande
fleurie est bien de Breughel. Cette peinture, d’une exécution si délicate,
est donc antérieure à 1625. Ajoutons, pour en finir sur cette question,
qu’après la mort de sou confrère de la société des Romanistes, Rubens
se complut parfois, mais assez rarement, à peindre amoureusement des
figures de dimensions réduites, et qu’il y réussit toujours.
Mais d’ordinaire son rêve n’allait pas de ce côté. Il l'avait dit : il aimait
à travailler dans le grand, à donner de la marge à sa puissante fantaisie.
11 devait d’ailleurs obéir aux exigences de sa situation officielle. Il venaità
peine de terminer le Saint Bavon de la cathédrale de Gand, qu’il dut faire
les portraits de l’archiduc Albert et de l’archiduchesse Isabelle. Ces deux
portraits, commandés par le souverain, furent envoyés en Espagne au mar-
quis de Siete-Yglesias. Rubens peignit en même temps une madone con
cl nino Jésus. Pour ces trois œuvres il reçut, le 13 octobre 1615, une
somme de 600 florins1. Des copies de ces portraits se rencontrent assez
fréquemment, mais M. Hymans fait observer que la trace des originaux
est aujourd’hui perdue. Ils ont été gravés par Jean Muller, dont les
estampes sont précisément datées de 1615. J’ajouterai que l’exécution
des portraits d’Albert et d’Isabelle correspond, à quelques jours près, avec
les fêtes que Madrid célébrait alors à l’occasion du mariage d’Élisabeth
de France avec l’Infant qui bientôt allait devenir Philippe IV.
Les travaux que nous venons de dire amenèrent Rubens à Bruxelles.
C’est alors, ou du moins en 1616, qu’il peignit, à la demande du duc Charles
d’Aremberg, un important tableau, le Christ mort sur les genoux de la
Viergey qui fut placé à l’église des capucins et que Mensaert, Descamps
et les voyageurs du xvme signalent comme une œuvre d’un rare intérêt.
Nous en avons au Louvre un beau crayon lavé de bistre et d’encre de Chine
et retouché à l'huile. Lors de l’exécution du tableau, Rubens n’a pas lit-
téralement suivi son dessin : il a, pour rendre les capucins parfaitement
heureux, ajouté à la composition une figure de saint François, dont les
traits reproduiraient, dit-on, ceux du donateur, le duc d’Aremberg. L’œuvre
est gravée par Pontius et par Schelte à Bolswert. Quant au tableau, cruel-
lement nettoyé en 1775, il est aujourd’hui au musée de Bruxelles, dans
un état des plus fâcheux. On se rappelle ce qu’a dit Fromentin : peinture
« grave, grisâtre et noire; — la Vierge en bleu triste, la Madeleine en
1. Voir l’ordre de payement dans Pinchart, Archives de l’Art; t. H, p. 172.
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Musée national pourrait sans invraisemblance être le n° 2A9 de la col-
lection particulière dn grand peintre. Tel est aussi notre avis, et nous
allons même jusqu’à la certitude. Pour nous, le médaillon central, c’est-
à-dire la "Vierge, l’Enfant et l’ange, sont bien de Rubens; la guirlande
fleurie est bien de Breughel. Cette peinture, d’une exécution si délicate,
est donc antérieure à 1625. Ajoutons, pour en finir sur cette question,
qu’après la mort de sou confrère de la société des Romanistes, Rubens
se complut parfois, mais assez rarement, à peindre amoureusement des
figures de dimensions réduites, et qu’il y réussit toujours.
Mais d’ordinaire son rêve n’allait pas de ce côté. Il l'avait dit : il aimait
à travailler dans le grand, à donner de la marge à sa puissante fantaisie.
11 devait d’ailleurs obéir aux exigences de sa situation officielle. Il venaità
peine de terminer le Saint Bavon de la cathédrale de Gand, qu’il dut faire
les portraits de l’archiduc Albert et de l’archiduchesse Isabelle. Ces deux
portraits, commandés par le souverain, furent envoyés en Espagne au mar-
quis de Siete-Yglesias. Rubens peignit en même temps une madone con
cl nino Jésus. Pour ces trois œuvres il reçut, le 13 octobre 1615, une
somme de 600 florins1. Des copies de ces portraits se rencontrent assez
fréquemment, mais M. Hymans fait observer que la trace des originaux
est aujourd’hui perdue. Ils ont été gravés par Jean Muller, dont les
estampes sont précisément datées de 1615. J’ajouterai que l’exécution
des portraits d’Albert et d’Isabelle correspond, à quelques jours près, avec
les fêtes que Madrid célébrait alors à l’occasion du mariage d’Élisabeth
de France avec l’Infant qui bientôt allait devenir Philippe IV.
Les travaux que nous venons de dire amenèrent Rubens à Bruxelles.
C’est alors, ou du moins en 1616, qu’il peignit, à la demande du duc Charles
d’Aremberg, un important tableau, le Christ mort sur les genoux de la
Viergey qui fut placé à l’église des capucins et que Mensaert, Descamps
et les voyageurs du xvme signalent comme une œuvre d’un rare intérêt.
Nous en avons au Louvre un beau crayon lavé de bistre et d’encre de Chine
et retouché à l'huile. Lors de l’exécution du tableau, Rubens n’a pas lit-
téralement suivi son dessin : il a, pour rendre les capucins parfaitement
heureux, ajouté à la composition une figure de saint François, dont les
traits reproduiraient, dit-on, ceux du donateur, le duc d’Aremberg. L’œuvre
est gravée par Pontius et par Schelte à Bolswert. Quant au tableau, cruel-
lement nettoyé en 1775, il est aujourd’hui au musée de Bruxelles, dans
un état des plus fâcheux. On se rappelle ce qu’a dit Fromentin : peinture
« grave, grisâtre et noire; — la Vierge en bleu triste, la Madeleine en
1. Voir l’ordre de payement dans Pinchart, Archives de l’Art; t. H, p. 172.