Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 16.1896)

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

nous comme un homme capable d’amitié et d’émotion. N'est-ce
rien que d’apercevoir, sous le peintre classique de la Comédie ita-
lienne, l’ironiste parfois attendri qui a mis tout son cœur, toute sa

vie dans ses ouvrages ?

Watteau mérite mieux que
d’être qualifié le génie des Fêtes
galantes au xviu° siècle, que d’être
classé comme le continuateur de
Gillot et le prédécesseur de Lan-
cret. Ce prestigieux évocateur fut
un misanthrope et un souffrant ; sa
- vie inquiète se passa dans une per-
pétuelle agitation, dans la pour-
suite incessante d’une tranquillité
qu’il ne pouvait rencontrer nulle
part, puisqu’elle n’était pas en lui-
même. Sa seule consolation fut
l’amitié de quelques hommes de cœur, que ne découragèrent pas les
inégalités de son caractère, lis furent à peu près sa seule compagnie,
et il les a nommés à toutes les pages de son œuvre.

Le document essentiel qui nous autorise à rechercher leurs noms
est un passage de la Vie de Watteau, par un contemporain — on
n’ose pas dire un ami — qui l’avait connu et observé : « Sa coutume,
tid Caylus, était de dessiner ses
études dans un livre relié, de façon
qu’il en avait toujours un grand
nombre sous la main. Il avait des
habits galaris et quelques-uns de
comiques, dont ils revêtait les per-
sonnes de l’un et de l'autre sexe, se-
lon qu’il en trouvait qui vouloient
bien se tenir, et qu’il prenoit dans
les attitudes que le nature lui pré-
sentoit, en préférant volontiers les
plus simples aux autres. »

Voilà qui justifie notre entre-
prise, mais ne la rend pas plus
aisée. Arlequin, Pierrot, Géronte, le grand Gillc lui-même, ces
gratteurs de guitares, joueurs de tlûte, pinceurs de mandoline, sont
en réalité ses protecteurs, ses amis, ses confrères, voire même ses

ANTOINE PATER !
(Élude de Watteau)

ANTOINE PATER

D’après le buste de Jacques Saly
(Musée de Valenciennes)