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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 22.1899

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Buisson, Jules: Pierre Puvis de Chavannes, 1: souvenirs intimes
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https://doi.org/10.11588/diglit.24686#0012

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

parler peinture perdirent le Nord et le firent perdre pour longtemps
aux peintres d’Académie.

Fabius vivait deux cent vingt ans avant l’ère chrétienne; il était
plus ou moins consul, peintre renommé, historien, orateur ■—- tous
les historiens l’étaient dans l’antiquité— et il avait écrit les Annales
de Rome depuis Romulus et Rémus jusqu’à son temps1.

Pour nous l’épigraphe empruntée à Fabius est à la fois l’extra-
ordinaire révélation de l’âge de la critique d’art que l’impertinence
moderne croit avoir inventée, et l’une de ces lueurs., de ces
enjambées de primitifs, dans toute l’étendue et la variété du clavier
intellectuel humain, de la naissance à la conclusion des choses.

Qu’ajouterions-nous, en effet, aujourd’hui, à l'idée du grand
Fabius? Rien qu’une toute petite réserve : heureux les arts si les
artistes seuls en jugeaient, chacun dans son compartiment, dans la
veine où il a découvert son or, l’élément spécial des arts de la forme
qu’il est, par nature, appelé à mettre en valeur !

Depuis que j’ai cueilli par hasard, dans une lettre de saint
Jérôme2, cette fleur idéale de la critique d’art, elle n’est pas sortie de
mon jardin. Sa lige élancée se redresse aujourd’hui d’elle-même sur
la tombe à peine fermée de Puvis de Chavannes, pour tenir vivant
devant mes yeux l’engagement queje prends de parler de son œuvre en
peintre. Les lettrés et les poètes se sont mis dès longtemps en règle
avec lui. Ils Font même compromis durant les deux premiers tiers
de sa carrière aux yeux de sa corporation.

Qu’en pourrait-on dire, d’ailleurs, après M. de Vogüé ?

Violemment sollicité à l’intérieur par des circonstances person-
nelles d’amitié de mettre toute mon âme dans une étude que la mort
m'oblige à prendre parla fin, je m’efforcerai surtout d’y mettre tout
mon jugement, assuré que je suis ainsi de satisfaire l’artiste et l’ami.

1. Il ne reste de lui que quelques fragments. Avant les grandes destructions
barbares de bibliothèques en Orient et en Occident, les Annales étaient familières
aux rhéteurs, aux lettrés, à tous les Romains de grande culture. On sait que
Tite-Live s’était beaucoup servi des Annales.

Les anciens ont fait peu de critique d’art. J’ai interrogé à ce sujet un grand
savant, en lui révélant le texte de Fabius qu’il ne connaissait pas ; il m’a
répondu : « Je ne me rappelle qu’une chose intéressante à ce point de vue,
dans les mémoires de Xénophon sur Socrate. »

2. Et saint Jérôme ajoute cette phrase cicéronienne qui est de nature à faire
réfléchir les Français contemporains : « Notre malheur à nous, c’est qu’il faut
compter avec le jugement de la foule et craindre, dans une multitude, celui que
l’on mépriserait s’il était seul. »
 
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