Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 22.1899

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Desjardins, Paul: Les salons de 1899, 3, Peinture
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24686#0044

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
38

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

aspects des choses. La fécondité s’exprime par des corps charnus et
des visages riants; une maigreur triste rend sensible l’épuisement
de la nature. Et les couleurs aussi se correspondent : l’iris des yeux
prend la teinte des eaux qui elles-mêmes reflètent le ciel ; les toisons
et les vêtements sont terreux à l’unisson des champs; ainsi certains
insectes portent sur leurs élytres verts ou bruns la livrée des bois
où ils gîtent.

C’est un des secrets précieux de l'art, que cette accommodation,
et il n’y a que les maîtres subtils qui la rendent complète. Là-
dessus, j’aime à citer celui des poètes qui a le mieux parlé de
peinture comme de musique : l’Anglais Robert Browning. Retenez
ces lignes, qu’il met dans la bouche d’Andrea del Sarto, conversant
avec sa femme :

« ... Vous souriez?... Eh bien, voici mon tableau tout fait;
voici ce que nous autres peintres appelons nôtre harmonie. Un gris
uniforme argente toute chose. Tout décline dans un crépuscule,
vous et moi ensemble. Pour vous, c’est le déclin de la fierté pre-
mière que vous mîtes en moi, — chose passée, n’est-ce pas? —
Pour moi, c’est le déclin de tout ; car ma jeunesse, mon espoir, mon
art se décolorent, à l’unisson de cette sobre et charmante Eiesole
là-bas... Voici la cloche qui tinte, du faite de la chapelle; cette
longue ligne d’un mur de couvent, de l’autre côté du chemin, pro-
tège les arbres dont les feuillages, au dedans, se font plus confus ;
le dernier moine quitte le jardin ; lejour décroît ; l’automne avance,
l’automne partout... Eh oui ! C’est bien l’ensemble qui s’enfonce dans
l’ombre, comme s’il m’apparaissait qu’à la fois mon œuvre et moi,
et tout ce que j’étais né pour être et pour faire s’estompe en un cré-
puscule... Mon aimée, nous sommes dans la main de Dieu1. »

Voyez comme le physique et le spirituel, le dehors et le dedans
s’enchevêtrent l’un l’autre en s'illustrant : c’est un crépuscule absolu.
Personnages, paysage, moment, tout s’accorde, pour l’unité du sen-
timent. Art vraiment symphonique, c’est-à-dire art moderne : car
les esprits ne se sont exercés que lentement à saisir les rapports.
Vinci en est le grand maître; du Pérugin à Turner, le sens des har-
monies s’est, aiguisé ; dès Jan van Eyck les procédés en étaient
trouvés. Mais nulle école ne s’en soucia plus fortement que celle
de Venise ; et, sans doute, il n’est pas de plus belle personnification
des soirs italiens qu’un adolescent en sombre armure aux reflets

1. Andrea dcl Sarto, surnommé ale Peintre sans défauts », dans Hommes et
Femmes. Il faudrait que ces poèmes fussent traduits,
 
Annotationen