Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 22.1899

DOI issue:
Nr. 1
DOI article:
Desjardins, Paul: Les salons de 1899, 3, Peinture
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.24686#0058

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
50

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

toutes, lui suffisent pour tout dire. Les seules cordes qu’il veuille
à sa lyre sont les sept rayons du prisme, et ses tableaux, faits pour
les .yeux, se passent de légendes.

A quoi bon meme en dire les titres ? Je vois dans le catalogue
qu’ils ont varié. Je connaissais deux des dessus de porte sous un
autre nom : c’étaient d’abord La Forme et La Beauté. Ce sont ici
La Pensée et La Rêverie. Ce détail a quelque sens. Observez quel est.
pour un visionnaire, le rapport entre la Forme et la Beauté : la
Beauté n’est qu’un attribut dont participent mille objets divers et
que l’on considère à l’état vague, indéterminé : il y a de la beauté
dans ceci ou cela... Au contraire, ce nom : la Forme, éveille l’idée
d’une chose précisée, construite et différenciée. Pour exprimer par
un moyen pictural la première, on pourra, je suppose, représenter
une belle femme, mais dans l’attitude où la pulpe de la chair s’offre
aux yeux plutôt que le galbe du contour; par exemple, pelotonnée
comme une chatte abandonnée ; on y ajoutera des visions charmantes
et imprécises, une queue de paon irisée et constellée, des floraisons,
des fouillées., des touches lumineuses, de l’eau cristalline qui ruis-
selle, bref, toute la palette de la nature, sans divisions encore, sans
choix... Au contraire, la Forme sera carrément assise; les lignes de
son corps saisiront les yeux plus que n’en fera la substance ; le geste
sera écrit, le profil net; de sa main finement dessinée, elle palpera
le relief d’une sculpture ; de belles architectures s’enlèveront à
l’horizon. Le chaos d’Eden se sera cristallisé en un Cosmos bien
découpé. Tout cela très pictural, encore une'fois, et beaucoup moins
compréhensible ici, par des mots, que, sur la toile, par des images
colorées.

L’admirable souplesse de l’artiste le rendra sensible ; il renou-
vellera sa touche en passant d’un sujet à l’autre ; d’une part, un
travail arrondi de la brosse et des contours noyés ; de l’autre, une
peinture nerveuse et transparente, coloriant à plat un dessin bien
établi d’abord. Eh bien, si maintenant nous cherchons à marquer
le rapport entre la Rêverie, matière amorphe, indéfinie, voluptueuse
de la pensée, pensée dormante encore/ et la Pensée consciente,
arrêtée, qui surgit de la rêverie, la solidifie et la restreint; si nous
essayons de traduire ce rapport aux yeux par des visions, nous
retrouverons la même opposition que tout à l’heure. Peu importe
donc le titre choisi; ce que Besnard a voulu peindre, c’est la beauté
des choses indélerminées avec, en regard, l'autorité d’affirmation des
choses une fois circonscrites. Ainsi vous voyez qu'il est parti, non
 
Annotationen