Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 22.1899)

GUSTAVE MOREAU

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plus d’un esprit d’élite. Patrie des djinns, qui construisent en une
nuit des palais aux mille coupoles, insondable mine de tous les
trésors, cassolette immense où brûlent tous les aromates, cet Orient
sans temps ni lieu appartient en propre aux poètes, et ceux-ci, dans
leur cymbalum mundi ima-
ginaire, y ont centralisé tous
les prodiges, toutes les fasci-
nations. Son nom seul déver-
gonde la raison de l’artiste,
éternel conquérant du my-
thique Eldorado.

Je viens de nommer
Flaubert et de l’opposer à
Moreau. De pareils rappro-
chements sont souvent spé-
cieux; on ne doit pas en user
sans un mot d’excuse. Il n’y
eut, entre les deux artistes,
aucun échange direct d’in-

fiuence ; mais il y a souvent
parité dans leur optique, dans
la percée qu’ils ouvrent sur
le passé reculé, dans les
nobles libertés d’art qu’ils
s’octroient l’un et l’autre.

Dans Salammbô, qui parut
en 1863, l’écrivain ne s’aban-
donnait-il pas tout à l’orgie
plastique de VàRichesse néces-
saire, et n’a-t-il pas fait de
sa Carthage le fabuleux ma-
gasin de tous les mirabilia
du monde antique ? Puis, dans la Tentation de saint Antoine (1874),
ne fait-il pas déliler, au son de vocables rarissimes, l’idéale caravane
des dieux abolis ? Tant il est vrai que mille ondes d’harmonie
s’éveillent dans le cerveau des poètes à la vibration d’un beau son,
à l’euphonie d’un nom qui fait sourire ou trembler !

ÉTUDE POUR «L ELEPHANT SACRE
(Musfe Gustave Moreau.)

Trois œuvres importantes se rattachent à la même époque, aux
mêmes recherches, et furent montrées ensemble à l’Exposition uni-