NOTES SUR BERNARDINO LUINI
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dimensions, le plan formé d’une croix grecque à bras très courts U
Il faut remarquer que l’architecte de Legnano a dû connaître le
modèle de Lonati, achevé dès 15042, puisque c’est en 1516 que
Luini recevait la commande du tableau pour l’église ; et certaine-
ment San Magno devait être à peine achevé quand le tableau fut
mis en place ; l’extérieur de cette église n’a du reste jamais reçu
l’achèvement définitif.
Cadenassé derrière un voile, le précieux tableau n’est pas facile
à découvrir. Et, les négociations diverses une fois terminées, il se
voit très mal, alors qu’il est découvert. Point de recul et point de
jour. L’influence « borroméique », le damnable goût, jésuite qui a
défiguré tant d’édifices, a planté, à deux mètres de distance, devant
l’énorme composition, un autel baroque, à baldaquin doré, flanqué
de courtines vert pomme. Point de lumière : cette église est encras-
sée par les usines et par le peuple des usines. Tout est charbonné.
Il faut rester longtemps, laisser les yeux s’accoutumer à la pénombre,
percer le revêtement de poudre noire. Et peu à peu, l’on reconnaît
que cette œuvre capitale semble expliquer, dans le peintre moins
grand qu’est Bernardino Luini, lorsqu’il peint à l’huile, le pres-
tigieux, l’incomparable maître de la fresque. Il n’a pu se laisser
aller aux mièvreries et aux touches minces, dans un panneau qui
couvre un fond d’abside par sa masse énorme, et ne contient pas
moins de quinze sujets, avec les figures de grandeur naturelle. Au
centre, c’est une Madone tenant l’Enfant Jésus ; à la droite de la
Vierge, un ange touche de Yarpicorclo, et l’Enfant s’incline vers lui.
D’autres anges entourent, à gauche et en bas, le trône de la Vierge.
La prédelle est peinte, en grisaille, de scènes empruntées à la Passion.
Autour du sujet principal, sur l’immense cadre, le peintre a placé,
d’un côté saint Augustin et saint Justin, de l’autre saint Ambroise et
saint Pierre ; des angelots et desputti se profilent sur les paus coupés,
dans le haut, et l’image du Père Eternel bénissant forme l’angle
supérieur de ce cadre pentagonal. Il n’existe aucune reproduction de
ce tableau. M. Tullo Massarani, dans sa brochure sur Legnano, ne
reproduit que les Lanini. Et l’on comprend ce que serait un dessin
fait dans ces conditions.
La composition même d’un pareil tableau rattache très direc-
tement Luini à ses ancêtres milanais. La même formule du groupe
1. Burckardt, Cicerone, 6e éd. rev. par W. Bode. Leipzig, 1893, t. II, p. 117
et 118.
2. Gsell Fels, Ober Italien (coll. des Meyer’s Reisebücher), 1892, p, 96.
XXII. — 3e PÉRIODE.
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dimensions, le plan formé d’une croix grecque à bras très courts U
Il faut remarquer que l’architecte de Legnano a dû connaître le
modèle de Lonati, achevé dès 15042, puisque c’est en 1516 que
Luini recevait la commande du tableau pour l’église ; et certaine-
ment San Magno devait être à peine achevé quand le tableau fut
mis en place ; l’extérieur de cette église n’a du reste jamais reçu
l’achèvement définitif.
Cadenassé derrière un voile, le précieux tableau n’est pas facile
à découvrir. Et, les négociations diverses une fois terminées, il se
voit très mal, alors qu’il est découvert. Point de recul et point de
jour. L’influence « borroméique », le damnable goût, jésuite qui a
défiguré tant d’édifices, a planté, à deux mètres de distance, devant
l’énorme composition, un autel baroque, à baldaquin doré, flanqué
de courtines vert pomme. Point de lumière : cette église est encras-
sée par les usines et par le peuple des usines. Tout est charbonné.
Il faut rester longtemps, laisser les yeux s’accoutumer à la pénombre,
percer le revêtement de poudre noire. Et peu à peu, l’on reconnaît
que cette œuvre capitale semble expliquer, dans le peintre moins
grand qu’est Bernardino Luini, lorsqu’il peint à l’huile, le pres-
tigieux, l’incomparable maître de la fresque. Il n’a pu se laisser
aller aux mièvreries et aux touches minces, dans un panneau qui
couvre un fond d’abside par sa masse énorme, et ne contient pas
moins de quinze sujets, avec les figures de grandeur naturelle. Au
centre, c’est une Madone tenant l’Enfant Jésus ; à la droite de la
Vierge, un ange touche de Yarpicorclo, et l’Enfant s’incline vers lui.
D’autres anges entourent, à gauche et en bas, le trône de la Vierge.
La prédelle est peinte, en grisaille, de scènes empruntées à la Passion.
Autour du sujet principal, sur l’immense cadre, le peintre a placé,
d’un côté saint Augustin et saint Justin, de l’autre saint Ambroise et
saint Pierre ; des angelots et desputti se profilent sur les paus coupés,
dans le haut, et l’image du Père Eternel bénissant forme l’angle
supérieur de ce cadre pentagonal. Il n’existe aucune reproduction de
ce tableau. M. Tullo Massarani, dans sa brochure sur Legnano, ne
reproduit que les Lanini. Et l’on comprend ce que serait un dessin
fait dans ces conditions.
La composition même d’un pareil tableau rattache très direc-
tement Luini à ses ancêtres milanais. La même formule du groupe
1. Burckardt, Cicerone, 6e éd. rev. par W. Bode. Leipzig, 1893, t. II, p. 117
et 118.
2. Gsell Fels, Ober Italien (coll. des Meyer’s Reisebücher), 1892, p, 96.
XXII. — 3e PÉRIODE.
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