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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
il a la garde ont révélé nombre de particularités précieuses concer-
nant van Dyck. Dans son Histoire de l'école d'Anvers — un si
abondant recueil d’informations exigerait une traduction française
qui la rendît accessible aux personnes non initiées à la langue fla-
mande, -—- l’érudit archiviste nous montre le jeune Anvcrsois
peignant, dès avant son entrée chez Rubens, une série de tètes
d’apôtres, les mêmes, sans doute, qui, peu d’années après sa mort,
donnèrent naissance à un procès où nombre d’artistes vinrent
apporter leur témoignage en faveur de l’authenticité des peintures.
La série est actuellement dispersée; on en trouve des fragments
à Paris, à Dresde, à Schleisshcim et ailleurs. L’exposition nous
procure l’occasion de voir une couple de têtes qui, sans doute, en
firent partie ; l’une appartient à M. Léon Bonnat, l’autre à M. Muller,
de Berlin, la même, à peu de chose près, que possède le Louvre.
D’exécution magistrale, bien que sommaire, et d’un puissance de
tonalité rare, la dernière surtout offre cet intérêt spécial d’avoir servi
d’étude pour un des personnages de la Trahison de Judas, appartenant
à lord Methuen, œuvre de jeunesse également, dont, par une bizarre
et heureuse rencontre, sir Francis Cook expose l’esquisse ou, plus
justement, une première pensée, différente sous plus d'un rapport
et, à quelques égards, supérieure au tableau définitif.
Cette vaste composition dont, sans doute, l’agencement préoccupa
fort l’artiste et dont l’exemplaire-type se rencontre au musée du
Prado —- une autre version appartient au musée de New-York, —
fait partie de la série des productions qu’il laissait à Anvers à son
départ pour l’Italie et dont Rubens, dit l’histoire, se plaisait à faire
ressortir les mérites aux yeux des visiteurs de sa maison.
Par son effet de lumière et de vigoureuse opposition, par son
coloris rutilant, le tableau fait d’abord songer à Titien. La superbe
réduction, prêtée par sir Francis Cook, plus mouvementée, s’augmente
d’un groupe représentant la lutte de saint Pierre avec Malchus. Comme
expression et mise en page, c’est Rembrandt ; comme tonalité, c’est
Titien, et l’on a vraiment besoin d’être renseigné pour admettre que
pareille œuvre a précédé et non suivi un séjour à Venise. Mais,
chez van Dyck, l’influence du merveilleux représentant de l’école
italienne, si perceptible à travers tout l’œuvre de Rubens, se fait
sentir de bonne heure, chose inexplicable si l’on ignore cette cir-
constance que, sans sortir d’Anvers, le jeune homme avait pu, dans
la galerie de son maître, galerie extraordinairement riche en toiles
de Titien, de Paul Véronèse, du Tintoret, sans parler des copies
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
il a la garde ont révélé nombre de particularités précieuses concer-
nant van Dyck. Dans son Histoire de l'école d'Anvers — un si
abondant recueil d’informations exigerait une traduction française
qui la rendît accessible aux personnes non initiées à la langue fla-
mande, -—- l’érudit archiviste nous montre le jeune Anvcrsois
peignant, dès avant son entrée chez Rubens, une série de tètes
d’apôtres, les mêmes, sans doute, qui, peu d’années après sa mort,
donnèrent naissance à un procès où nombre d’artistes vinrent
apporter leur témoignage en faveur de l’authenticité des peintures.
La série est actuellement dispersée; on en trouve des fragments
à Paris, à Dresde, à Schleisshcim et ailleurs. L’exposition nous
procure l’occasion de voir une couple de têtes qui, sans doute, en
firent partie ; l’une appartient à M. Léon Bonnat, l’autre à M. Muller,
de Berlin, la même, à peu de chose près, que possède le Louvre.
D’exécution magistrale, bien que sommaire, et d’un puissance de
tonalité rare, la dernière surtout offre cet intérêt spécial d’avoir servi
d’étude pour un des personnages de la Trahison de Judas, appartenant
à lord Methuen, œuvre de jeunesse également, dont, par une bizarre
et heureuse rencontre, sir Francis Cook expose l’esquisse ou, plus
justement, une première pensée, différente sous plus d'un rapport
et, à quelques égards, supérieure au tableau définitif.
Cette vaste composition dont, sans doute, l’agencement préoccupa
fort l’artiste et dont l’exemplaire-type se rencontre au musée du
Prado —- une autre version appartient au musée de New-York, —
fait partie de la série des productions qu’il laissait à Anvers à son
départ pour l’Italie et dont Rubens, dit l’histoire, se plaisait à faire
ressortir les mérites aux yeux des visiteurs de sa maison.
Par son effet de lumière et de vigoureuse opposition, par son
coloris rutilant, le tableau fait d’abord songer à Titien. La superbe
réduction, prêtée par sir Francis Cook, plus mouvementée, s’augmente
d’un groupe représentant la lutte de saint Pierre avec Malchus. Comme
expression et mise en page, c’est Rembrandt ; comme tonalité, c’est
Titien, et l’on a vraiment besoin d’être renseigné pour admettre que
pareille œuvre a précédé et non suivi un séjour à Venise. Mais,
chez van Dyck, l’influence du merveilleux représentant de l’école
italienne, si perceptible à travers tout l’œuvre de Rubens, se fait
sentir de bonne heure, chose inexplicable si l’on ignore cette cir-
constance que, sans sortir d’Anvers, le jeune homme avait pu, dans
la galerie de son maître, galerie extraordinairement riche en toiles
de Titien, de Paul Véronèse, du Tintoret, sans parler des copies