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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de cette hypothèse, dans un document où seraient désignés les
artistes du Nord qui auraient révélé aux capitales artistiques de
F Italie les principes d’un art nouveau ?
M. Reymond, avarjt d’aborder l’étude de Jacopo délia Quercia,
nous fait savoir que (d’influence gothique avait pénétré et s’était
implantée à Sienne, par suite de la construction du dôme, le plus
gothique des monuments de la Toscane ». On prend ici sur le fait ce
malencontreux mot de « gothique », au moment où il établit pour
le lecteur et pour l’historien une nouvelle confusion entre l’architec-
ture et la sculpture. Il a été démontré par M. Enlart que la cathédrale
de Sienne avait été élevée sur le modèle d’un édifice de type français,
l’église des Cisterciens de San Galgano ; deux documents de 1260 et
de 1268 attestent même que des religieux de l’abbaye sont venus à
Sienne diriger les travaux. Mais il ne faut pas oublier, d’abord,
qu’entre l’achèvement de la cathédrale et les premiers ouvrages de
Jacopo délia Quercia, il s’écoula plus d’un siècle, et surtout que les
ateliers des Cisterciens ne pouvaient fournir des sculpteurs de statues
à une ville toscane, puisque les austères églises de l’ordre de Cîteaux,
en Italie comme en France, n’avaient d’autres ornements sculptés
que les feuillages et les « crochets » de leurs chapiteaux.
D’ailleurs, il n’importe, quand on étudie Jacopo délia Quercia
ou Donatello, de savoir si l’art français ou allemand a pu, comme je
le crois, contribuer largement à l’éducation des écoles de sculpture
qui se sont développées dans le cours du xm° siècle à Pise et à
Sienne. Dès le temps d’Andrea Pisano, les éléments étrangers qui
ont nourri la jeunesse de l’art toscan se trouvent assimilés et
perdus, et désormais les traditions que se transmettent les derniers
sculpteurs florentins du xive siècle sont purement italiennes. C’est
avec ces traditions mêmes que rompent successivement un Jacopo
délia Quercia et un Donatello, quand ils semblent se rattacher
« à l’école flamande et bourguignonne, à cette école dont l’influence,
au début du xve siècle, fut prépondérante en Europe ». Il reste
donc à trouver le Flamand ou le Bourguignon.
« Je rappellerai, dit M. Reymond, un fait peu connu et dont on
n’a pas tiré les conclusions qu’il comporte. C’est que Michelozzo, qui
fut pendant longtemps le collaborateur de Donatello, était fils d’on
Français... Il n’y a donc pas lieu de s'étonner que Michelozzo et
Donatello aient été tout particulièrement tenus au courant de Part
bourguignon. » Je crois que, même pour les besoins d’une bonne
cause, il sera difficile d’admettre un lien quelconque entre les maîtres
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de cette hypothèse, dans un document où seraient désignés les
artistes du Nord qui auraient révélé aux capitales artistiques de
F Italie les principes d’un art nouveau ?
M. Reymond, avarjt d’aborder l’étude de Jacopo délia Quercia,
nous fait savoir que (d’influence gothique avait pénétré et s’était
implantée à Sienne, par suite de la construction du dôme, le plus
gothique des monuments de la Toscane ». On prend ici sur le fait ce
malencontreux mot de « gothique », au moment où il établit pour
le lecteur et pour l’historien une nouvelle confusion entre l’architec-
ture et la sculpture. Il a été démontré par M. Enlart que la cathédrale
de Sienne avait été élevée sur le modèle d’un édifice de type français,
l’église des Cisterciens de San Galgano ; deux documents de 1260 et
de 1268 attestent même que des religieux de l’abbaye sont venus à
Sienne diriger les travaux. Mais il ne faut pas oublier, d’abord,
qu’entre l’achèvement de la cathédrale et les premiers ouvrages de
Jacopo délia Quercia, il s’écoula plus d’un siècle, et surtout que les
ateliers des Cisterciens ne pouvaient fournir des sculpteurs de statues
à une ville toscane, puisque les austères églises de l’ordre de Cîteaux,
en Italie comme en France, n’avaient d’autres ornements sculptés
que les feuillages et les « crochets » de leurs chapiteaux.
D’ailleurs, il n’importe, quand on étudie Jacopo délia Quercia
ou Donatello, de savoir si l’art français ou allemand a pu, comme je
le crois, contribuer largement à l’éducation des écoles de sculpture
qui se sont développées dans le cours du xm° siècle à Pise et à
Sienne. Dès le temps d’Andrea Pisano, les éléments étrangers qui
ont nourri la jeunesse de l’art toscan se trouvent assimilés et
perdus, et désormais les traditions que se transmettent les derniers
sculpteurs florentins du xive siècle sont purement italiennes. C’est
avec ces traditions mêmes que rompent successivement un Jacopo
délia Quercia et un Donatello, quand ils semblent se rattacher
« à l’école flamande et bourguignonne, à cette école dont l’influence,
au début du xve siècle, fut prépondérante en Europe ». Il reste
donc à trouver le Flamand ou le Bourguignon.
« Je rappellerai, dit M. Reymond, un fait peu connu et dont on
n’a pas tiré les conclusions qu’il comporte. C’est que Michelozzo, qui
fut pendant longtemps le collaborateur de Donatello, était fils d’on
Français... Il n’y a donc pas lieu de s'étonner que Michelozzo et
Donatello aient été tout particulièrement tenus au courant de Part
bourguignon. » Je crois que, même pour les besoins d’une bonne
cause, il sera difficile d’admettre un lien quelconque entre les maîtres