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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 22.1899

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Nr. 4
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Desjardins, Paul: Les salons de 1899, 6, Sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24686#0308

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292

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

noble, le sentiment est concentré. L’Alsacienne tient son buste droit ;
elle interroge le lointain d’un regard taciturne. Elle se domine elle-
même, et l'artiste a traduit ce beau caractère par des moyens tout
plastiques. Les muscles des bras nus sont au repos. La main gauche
est étendue avec calme sur la main de la Lorraine, la droite s’appuie
délicatement à la taille de celle-ci ; mains merveilleuses de modelé,
plus encore, de précision psychologique. C’est la Patience qui pose
ainsi, sans peser, ses mains adoucissantes sur nous. Et l’expression
franche du visage, le regard droit, complètent cette physionomie
morale, antique par la sérénité, mais bien d’aujourd’hui par la
sourde contention de la volonté, dont cette sérénité est le beau fruit.
— La Lorraine, blottie au giron de sa compagne, est enveloppée
d’une capeline dont l’ombre noie son visage. Elle, ce n’est pas la
contemplation résignée des lois providentielles qui l’occupe ; son
cœur se ronge de regrets et de non-acceptation. Un de ses bras
soutient sa joue, l’autre s’allonge sur les genoux de sa sœur, les
muscles tendus, le poing fermé et frémissant. La diversité des deux
natures, ou mieux des deux façons de souffrir, est tout entière
rendue dans le rapprochement des deux bras, des deux mains ; c’est
une des plus grandes réussites de la sculpture moderne.

Nous disons donc adieu aux œuvres d’art que cette année vit
éclore par cette œuvre-ci, d’une exécution accomplie, d’une pro-
fondeur de pensée vraiment humaine et sans date.

PAUL DESJARDINS
 
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