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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Peut-être le jeune homme a-t-il mis la main, d’après la formule et
suivant la composition du maître, surtout au groupe du fond, à la
Vierge et à saint Jean, à saint Joseph et à sainte Madeleine ; cent
personnages de Luini, et toutes les études que l’artiste conservait
sans doute sous sa main, devaient lui venir en aide ; mais c’est Luini
qui faisait les portraits des douze confrères ; il fallait là des ressem-
blances parfaites, la touche suprême 1.
L’élégant latin de ce cardinal Frédéric Borromée, que Manzoni
combla de gloire2, conserve pour nous une tradition deux fois
précieuse3. Il s’agit d’un ouvrage, à l’huile, cotte fois, de Luini, et
l’on peut voir comment il est vrai de le rattacher à Léonard, non
point en élève, mais en collaborateur et en égal ; ceux qui veulent
réduire Luini au rôle d’un André Salaïno liront ceci avec prolit. Le
cardinal aimait Luini. A propos de la Zingara, de VEgyptienne du
Corrège, il écrivait : « L’artiste même a souillé la gloire de cette
œuvre, en violant les lois des convenances et en donnant à une lur-
ronnesse égyptiaque les dehors d’une vierge. Plus attentif à garder
les bienséances fut ce Luini, dont on a dit : « Il a fait le Sauveur
» dans la tleur de son âge, sans diminuer en rien sa majesté, car il
» se montre dans sa dix-septième année ou dix-huitième, sans que
» sa majesté reçoive nulle atteinte4. »
Après avoir si bien parlé du Christ au milieu des docteurs, que
conserve l'église de Saronno, et, peut-être, de celui qui est présen-
tement à la National Gallery de Londres, le cardinal ajoute : « La
salle, par laquelle on entre, tout auprès, montre et offre aussitôt
l’art admirable de Luini le vieux5 6. C’est un tableau d'assez ample
grandeur, que nous avons acheté à poids d’or assez grand0, elles
peintres estiment que rien de plus parfait ne fut produit par cet
artiste ; néanmoins toute la gloire de ce tableau ne revient pas à Luini,
mais il la partage avec un autre souverain artiste : c’est Léonard.
1. Sur cette fresque, on peut voir l’histoire de la peinture italienne de Rosini
Pise, 1839-1845. La planche 83 la reproduit.
2. 1 Promessi sposi, ch. xxir et suiv. Cf. pour l’Ambrosienne, p. 418-424.
3. Feclerici cardinalis Borromei Archiepiscopi Mediolani (sic). Musæum Medio-
lani. MDCXXV, in-4°. J’ai consulté l’exemplaire, annoté à la main, de la Bibl.
Ambrosienne.
4. Musæum, p. 15.
b. Par différence avec ses fils. V. plus bas.
6. « Satis magno pondéré auri. » Le mot latin satis paraît employé dans le
même sens que le mot italien assai, qui veut dire, non pas assez, mais beaucoup,
très.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Peut-être le jeune homme a-t-il mis la main, d’après la formule et
suivant la composition du maître, surtout au groupe du fond, à la
Vierge et à saint Jean, à saint Joseph et à sainte Madeleine ; cent
personnages de Luini, et toutes les études que l’artiste conservait
sans doute sous sa main, devaient lui venir en aide ; mais c’est Luini
qui faisait les portraits des douze confrères ; il fallait là des ressem-
blances parfaites, la touche suprême 1.
L’élégant latin de ce cardinal Frédéric Borromée, que Manzoni
combla de gloire2, conserve pour nous une tradition deux fois
précieuse3. Il s’agit d’un ouvrage, à l’huile, cotte fois, de Luini, et
l’on peut voir comment il est vrai de le rattacher à Léonard, non
point en élève, mais en collaborateur et en égal ; ceux qui veulent
réduire Luini au rôle d’un André Salaïno liront ceci avec prolit. Le
cardinal aimait Luini. A propos de la Zingara, de VEgyptienne du
Corrège, il écrivait : « L’artiste même a souillé la gloire de cette
œuvre, en violant les lois des convenances et en donnant à une lur-
ronnesse égyptiaque les dehors d’une vierge. Plus attentif à garder
les bienséances fut ce Luini, dont on a dit : « Il a fait le Sauveur
» dans la tleur de son âge, sans diminuer en rien sa majesté, car il
» se montre dans sa dix-septième année ou dix-huitième, sans que
» sa majesté reçoive nulle atteinte4. »
Après avoir si bien parlé du Christ au milieu des docteurs, que
conserve l'église de Saronno, et, peut-être, de celui qui est présen-
tement à la National Gallery de Londres, le cardinal ajoute : « La
salle, par laquelle on entre, tout auprès, montre et offre aussitôt
l’art admirable de Luini le vieux5 6. C’est un tableau d'assez ample
grandeur, que nous avons acheté à poids d’or assez grand0, elles
peintres estiment que rien de plus parfait ne fut produit par cet
artiste ; néanmoins toute la gloire de ce tableau ne revient pas à Luini,
mais il la partage avec un autre souverain artiste : c’est Léonard.
1. Sur cette fresque, on peut voir l’histoire de la peinture italienne de Rosini
Pise, 1839-1845. La planche 83 la reproduit.
2. 1 Promessi sposi, ch. xxir et suiv. Cf. pour l’Ambrosienne, p. 418-424.
3. Feclerici cardinalis Borromei Archiepiscopi Mediolani (sic). Musæum Medio-
lani. MDCXXV, in-4°. J’ai consulté l’exemplaire, annoté à la main, de la Bibl.
Ambrosienne.
4. Musæum, p. 15.
b. Par différence avec ses fils. V. plus bas.
6. « Satis magno pondéré auri. » Le mot latin satis paraît employé dans le
même sens que le mot italien assai, qui veut dire, non pas assez, mais beaucoup,
très.