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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
le style rappelant le Titien, comme c’est d’ailleurs le cas de la plu-
part des Madones de notre artiste. Mais, enfin, les difficultés s’apla-
nirent et dès les premiers mois de 1632, van Dyck s’établit à Londres.
Le portrait de Martin Pepyn dut précéder de peu son départ.
On sait la place considérable que tient dans l’œuvre du grand
artiste l’ensemble des productions de la période qui commence. Il est
certain qu’elle a fait énormément pour sa renommée; sans elle
nous serions privés d’un vaste contingent de productions délicieuses ;
plusieurs comptent parmi les plus attrayantes de l’exposition d’An-
vers. Et pourtant le renom de van Dyck a eu grandement à souffrir
aussi de la trop grande hâte qu’il mit à profiter des avantages de
sa situation. Les galeries anglaises, à côté d’œuvres hors ligne,
en contiennent d’autres, et malheureusement nombreuses, dont, à
ce qu’il semble, la main du maître a, tout au plus, relevé l’effet.
A Anvers, le contingent venu d’outre-Manche est remarquablement
choisi et si, parmi les productions qui le composent, il n’en manque
point qu’on retrouve encore ailleurs, nous avons le plus souvent ici
les prototypes. Sollicité comme il l'était, van Dyck, la diose est
connue, a laissé à ses élèves le soin de répéter beaucoup de ses por-
traits pour l’usage des familles intéressées, préparant à l’avenir des
embarras parfois sérieux par cette absence de scrupule.
Dans son ensemble, la manière dite anglaise de van Dyck offre
vraiment des séductions multiples, et même il n’est pas rare de la
voir signaler comme un progrès. C’est une surprise, en vérité, de
constater en combien peu de temps le peintre se plie aux exigences
du milieu nouveau qu’il s’est choisi. Le portrait de lord Philippe
Wharton, venu de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, date de l’année
de son arrivée à Londres ; même si l’on ignorait le nom du person-
nage, il se classerait tout de suite au nombre des pages caractéris-
tiques de la période anglaise. C’est d’ailleurs un chef-d’œuvre, et,
certes, aucune des faveurs dont le roi Charles pouvait combler son
peintre n’était trop haute pour payer le lustre qu’il assurait à sa cour.
On peut dire que, dans cette toile prestigieuse, tout s’unit pour
nous charmer : la grâce du modèle, le goût parfait dans les ajuste-
ments et, dans l’exécution, une souplesse du modelé qui, véritable-
ment, tient du prodige. On ne pousse pas plus loin l’habileté du
praticien, et l’on songe involontairement à la parole du marquis
Dargens : « On a souvent demandé, et l’on demande encore tous les
jours quel a été le plus grand peintre ; pour moi, je dis sans
balancer que c’est van Dyck. »
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le style rappelant le Titien, comme c’est d’ailleurs le cas de la plu-
part des Madones de notre artiste. Mais, enfin, les difficultés s’apla-
nirent et dès les premiers mois de 1632, van Dyck s’établit à Londres.
Le portrait de Martin Pepyn dut précéder de peu son départ.
On sait la place considérable que tient dans l’œuvre du grand
artiste l’ensemble des productions de la période qui commence. Il est
certain qu’elle a fait énormément pour sa renommée; sans elle
nous serions privés d’un vaste contingent de productions délicieuses ;
plusieurs comptent parmi les plus attrayantes de l’exposition d’An-
vers. Et pourtant le renom de van Dyck a eu grandement à souffrir
aussi de la trop grande hâte qu’il mit à profiter des avantages de
sa situation. Les galeries anglaises, à côté d’œuvres hors ligne,
en contiennent d’autres, et malheureusement nombreuses, dont, à
ce qu’il semble, la main du maître a, tout au plus, relevé l’effet.
A Anvers, le contingent venu d’outre-Manche est remarquablement
choisi et si, parmi les productions qui le composent, il n’en manque
point qu’on retrouve encore ailleurs, nous avons le plus souvent ici
les prototypes. Sollicité comme il l'était, van Dyck, la diose est
connue, a laissé à ses élèves le soin de répéter beaucoup de ses por-
traits pour l’usage des familles intéressées, préparant à l’avenir des
embarras parfois sérieux par cette absence de scrupule.
Dans son ensemble, la manière dite anglaise de van Dyck offre
vraiment des séductions multiples, et même il n’est pas rare de la
voir signaler comme un progrès. C’est une surprise, en vérité, de
constater en combien peu de temps le peintre se plie aux exigences
du milieu nouveau qu’il s’est choisi. Le portrait de lord Philippe
Wharton, venu de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, date de l’année
de son arrivée à Londres ; même si l’on ignorait le nom du person-
nage, il se classerait tout de suite au nombre des pages caractéris-
tiques de la période anglaise. C’est d’ailleurs un chef-d’œuvre, et,
certes, aucune des faveurs dont le roi Charles pouvait combler son
peintre n’était trop haute pour payer le lustre qu’il assurait à sa cour.
On peut dire que, dans cette toile prestigieuse, tout s’unit pour
nous charmer : la grâce du modèle, le goût parfait dans les ajuste-
ments et, dans l’exécution, une souplesse du modelé qui, véritable-
ment, tient du prodige. On ne pousse pas plus loin l’habileté du
praticien, et l’on songe involontairement à la parole du marquis
Dargens : « On a souvent demandé, et l’on demande encore tous les
jours quel a été le plus grand peintre ; pour moi, je dis sans
balancer que c’est van Dyck. »