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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 22.1899

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Nr. 5
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Dilke, Emilia Francis Strong: Chardin et ses œuvres à Potsdam et à Stockholm, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24686#0415

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CHARDIN A POTSDAM ET A STOCKHOLM

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d’un tableau, dont M. Chardin faisait un excellent usage. Laque, terre
de Cologne, cendre d’outremer étaient les couleurs employées, broyées
à l’huile de lin anglaise [stil de grain d’Angleterre) ; et Cochin ajoute :
« J’ay ouï dire à M. Chardin qu’avec ces tons diversement et bien
modifiés il revenait sur touttes les ombres, de quelque couleur
qu’elles fussent. Il est certain que ce peintre a été celui de son
siècle qui a le mieux entendu l’accord magique du tableau 1 . »

Cochin n’était pas peintre, mais il devait avoir appris, par
l’art qu’il pratiquait, qu’il n’y a pas de recette pour Vaccord magique
d'un tableau! —- « Qui vous a dit qu’on peignît avec les couleurs? »
demandait gravement Chardin à un de ses confrères qui vantait
son système pour purifier les couleurs, f—• « Avec quoi donc, mon-
sieur? » répliquait l’autre avec étonnement. — « On se sert de
couleurs, continuait Chardin; on peint avec le sentiment2 »; et
cela ne fut jamais si vrai de personne que de lui-même.

Tout ce qu’il touchait était empreint d’un sentiment aussi pro-
fond que personnel. Les objets usuels, les incidents journaliers de
la vie de famille, observés dans le milieu intime où s’abritaient les
graves et sages bourgeois de Paris, captivent son attention. La mère,
la ménagère affectueuse, prévoyante, attentive à tous soins, les
enfants qui jouent leur petit rôle avec un certain sérieux, comme
s’ils retenaient quelque chose des manières discrètes de leurs
parents, tels furent les personnages qui suffirent à Chardin pour
déployer ses qualités les plus hautes. Il traduisit avec une absolue
simplicité les simples joies de vies simples. Du fond de leur cadre,
tous les acteurs de ces drames innocents, vivant de la vie qu’ils
vécurent dans la réalité, reparaissent aujourd’hui devant nous :
voilà bien leur vêtement, solide et de bon choix; nous apprenons à
connaître chaque pièce de leur strict mobilier, les chaises, la table,
le fourneau, les jouets des petits; on nous montre les parquets cirés,
les couleurs qui avaient la préférence. Monde imbu d’ordre et de
raison, de méthode et de discipline, au point que nous éprouvons
comme une légère surprise à voir le petit écolier mutin qui jette sa
casquette et son volant au pied de sa gouvernante et boude d’impa-
tience, tandis que celle-ci brosse son chapeau et donne à l’enfant
une importune semonce.

On raconte que Descamps, regardant un tableau de Chardin,
s’écria désespéré : « Les blancs de Chardin,... je ne peux pas les

1. Archives de l'Art français, t. II, p. 128.

2. Mémoires inédits, t. II, p. 441.

XXII. — 3e PÉRIODE.

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