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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les œuvres exécutées à Florence peu d’années avant le départ du
maître pour Padoue, il faudra reconnaître que, jusqu’aux environs de
1430, Donatello a semblé ignorer l’antiquité, quand il a eu à dessiner
un détail de décoration architecturale, et s’est tenu fort loin des
modèles antiques, quand il a sculpté une figure de prophète ou
d’apôtre. La niche du Saint Georges, à Or San Michèle, est un bon
travail d’architecture florentine à la mode du xiv° siècle, et c’est à
peine si le Saint Marc ou YEzéchiel rappellent, par un pan de dra-
perie, ces statues romaines qu’un Arétin et qu’un Allemand avaient
copiées avec soin sur les bas-reliefs des deux portes de la cathédrale.
Nicola di Piero Lambcrti, qui fut appelé à Rome en 1400, semble
y avoir regardé les antiques plus attentivement que, trois années
plus tard, Donatello ne devait le faire.
Le premier voyage de Donatello à Rome est donc un fait dont la
réalité est indiscutable et l’importance médiocre. Le sculpteur flo-
rentin n’est point revenu dans sa patrie tout armé, comme Rru-
nelleschi, pour créer, sur des formules empruntées à l’antiquité, un
art nouveau. C’est en Toscane, et c’est en suivant les exemples d’un
autre sculpteur de Florence, que Donatello s’initia aux motifs et aux
formes antiques. Dans l’œuvre du maître, les premiers exemples
d’une imitation scrupuleuse de la décoration et de la plastique
romaines nous sont offerts parles monuments funéraires que Dona-
tello a exécutés en collaboration avec Michelozzo. On peut être étonné
de voir un artiste d’une invention très pauvre, et qui fut toujours à
Florence le collaborateur de quelqu’un, Ghiberti, Donatello ou Lucca
délia Robbia, exercer une action efficace sur le plus robuste et le plus
emporté des maîtres florentins. Mais, à travers les froides traduc-
tions des sarcophages romains qui composent les bas-reliefs du mo-
nument Aragazzi, comme dans les variantes ingénieuses de chapi-
teaux et de consoles antiques que Michelozzo imagina pour le
tombeau de Jean XXIII, Donatello apercevait les ressources d’un art
dont à Rome il n'avait pas encore pénétré les secrets et qui lui
ouvrait tout un monde fermé à ses premiers maîtres, les marbriers
de Santa Maria del Fiore.
A partir de l’année 1427, où le monument du pape exilé fut mis
en place dans le Baptistère de Florence, Donatello oublie les vieux
mo'tifs amollis et flétris du gothique florentin, pour ne plus employer
que patinettes, oves, guirlandes et mascarons. Au-dessus du tombeau
Brancacci, de Naples, au-dessus des fonts baptismaux de Sienne, on
voit se poser ces enfants nus auxquels Jacopo délia Quercia et Michel-
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les œuvres exécutées à Florence peu d’années avant le départ du
maître pour Padoue, il faudra reconnaître que, jusqu’aux environs de
1430, Donatello a semblé ignorer l’antiquité, quand il a eu à dessiner
un détail de décoration architecturale, et s’est tenu fort loin des
modèles antiques, quand il a sculpté une figure de prophète ou
d’apôtre. La niche du Saint Georges, à Or San Michèle, est un bon
travail d’architecture florentine à la mode du xiv° siècle, et c’est à
peine si le Saint Marc ou YEzéchiel rappellent, par un pan de dra-
perie, ces statues romaines qu’un Arétin et qu’un Allemand avaient
copiées avec soin sur les bas-reliefs des deux portes de la cathédrale.
Nicola di Piero Lambcrti, qui fut appelé à Rome en 1400, semble
y avoir regardé les antiques plus attentivement que, trois années
plus tard, Donatello ne devait le faire.
Le premier voyage de Donatello à Rome est donc un fait dont la
réalité est indiscutable et l’importance médiocre. Le sculpteur flo-
rentin n’est point revenu dans sa patrie tout armé, comme Rru-
nelleschi, pour créer, sur des formules empruntées à l’antiquité, un
art nouveau. C’est en Toscane, et c’est en suivant les exemples d’un
autre sculpteur de Florence, que Donatello s’initia aux motifs et aux
formes antiques. Dans l’œuvre du maître, les premiers exemples
d’une imitation scrupuleuse de la décoration et de la plastique
romaines nous sont offerts parles monuments funéraires que Dona-
tello a exécutés en collaboration avec Michelozzo. On peut être étonné
de voir un artiste d’une invention très pauvre, et qui fut toujours à
Florence le collaborateur de quelqu’un, Ghiberti, Donatello ou Lucca
délia Robbia, exercer une action efficace sur le plus robuste et le plus
emporté des maîtres florentins. Mais, à travers les froides traduc-
tions des sarcophages romains qui composent les bas-reliefs du mo-
nument Aragazzi, comme dans les variantes ingénieuses de chapi-
teaux et de consoles antiques que Michelozzo imagina pour le
tombeau de Jean XXIII, Donatello apercevait les ressources d’un art
dont à Rome il n'avait pas encore pénétré les secrets et qui lui
ouvrait tout un monde fermé à ses premiers maîtres, les marbriers
de Santa Maria del Fiore.
A partir de l’année 1427, où le monument du pape exilé fut mis
en place dans le Baptistère de Florence, Donatello oublie les vieux
mo'tifs amollis et flétris du gothique florentin, pour ne plus employer
que patinettes, oves, guirlandes et mascarons. Au-dessus du tombeau
Brancacci, de Naples, au-dessus des fonts baptismaux de Sienne, on
voit se poser ces enfants nus auxquels Jacopo délia Quercia et Michel-