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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
au grand sculpteur le soin de conserver et de restaurer ses antiques,
le chargea de reproduire en bas-relief, sur les murs du palais bâti
pour les Médicis par Michelozzo, les intailles et les camées qui étaient
les plus précieux joyaux du musée naissant. Les huit médaillons de
marbre conservent encore, dans le cortile de la magnifique demeure,
le souvenir des trésors de glyptique aujourd’hui dispersés. Il semble
que le maître ait eu une prédilection pour ces chefs-d’œuvre
accomplis dans leur petitesse, où la pierre dure a gardé le pur
accent du travail grec, émoussé clans les copies romaines des
statues célèbres : un jour qu’il modelait pour le fondre en bronze
le buste d’un adolescent dont le nom reste ignoré, il lui suspendit
au cou une parure singulière qui est un grand camée sur lequel
court un hige. Quant aux antiques de marbre, il est vrai que jamais
Donatello ne s’est astreint à les reproduire, comme faisait Michelozzo,
avec la servilité d’un praticien. Cependant, pour beaucoup d’œuvres
on peut désigner des statues romaines ou grecques dont le sculpteur
florentin s’est souvenu : la statue équestre du Gattamelata a toujours
passé pour une variante du Marc-Aurèle du Capitole ; le David de
bronze, avec sa pose hanchée, son bras gauche plié, son pied gauche
relevé, procède directement d’une statue praxitélienne, au type de
U <c Apollino ».
Sans nous arrêter à l’examen d’œuvres aussi célèbres, notons
seulement les difficultés que déjà ce groupe de statues vient susciter,
par le seul fait de son existence, à la thèse formulée par M. Reymond.
D’abord, quand l’historien se refuse à reconnaître l’influence de
modèles antiques qu'il est aisé de lui désigner un à un, comment
nous obligera-t-il à admettre une influence du Nord, sans avoir cité
lui-même une statue flamande ou allemande qui puisse passer pour
le prototype du Zaccone ou de l’ÉzéchieH Puis, que deviennent les
assertions de l’auteur sur ï « action » que « les prêtres et les évêques1 »
auraient exercée, selon lui, sur l’art de Donatello, comme sur celui
de Ghiberti et de Lucca délia Robbia, quand on se trouve en face
d’une statue équestre élevée à la gloire d’un capitaine par une répu-
blique, ou devant ces statues guerrières ou voluptueuses : le David
et la Judith, qui jamais n'ont été admises dans un lien saint, et qui
ont passé de l’atelier de l’artiste dans le palais d’un Médicis? Peut-on
prétendre encore que l’auteur du David et de la Judith ait été,
jusqu’à la fin de sa vie, le successeur des tailleurs de marbre qui,
pendant tout un siècle, avaient travaillé pour les façades et les portes
i . P. 8,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
au grand sculpteur le soin de conserver et de restaurer ses antiques,
le chargea de reproduire en bas-relief, sur les murs du palais bâti
pour les Médicis par Michelozzo, les intailles et les camées qui étaient
les plus précieux joyaux du musée naissant. Les huit médaillons de
marbre conservent encore, dans le cortile de la magnifique demeure,
le souvenir des trésors de glyptique aujourd’hui dispersés. Il semble
que le maître ait eu une prédilection pour ces chefs-d’œuvre
accomplis dans leur petitesse, où la pierre dure a gardé le pur
accent du travail grec, émoussé clans les copies romaines des
statues célèbres : un jour qu’il modelait pour le fondre en bronze
le buste d’un adolescent dont le nom reste ignoré, il lui suspendit
au cou une parure singulière qui est un grand camée sur lequel
court un hige. Quant aux antiques de marbre, il est vrai que jamais
Donatello ne s’est astreint à les reproduire, comme faisait Michelozzo,
avec la servilité d’un praticien. Cependant, pour beaucoup d’œuvres
on peut désigner des statues romaines ou grecques dont le sculpteur
florentin s’est souvenu : la statue équestre du Gattamelata a toujours
passé pour une variante du Marc-Aurèle du Capitole ; le David de
bronze, avec sa pose hanchée, son bras gauche plié, son pied gauche
relevé, procède directement d’une statue praxitélienne, au type de
U <c Apollino ».
Sans nous arrêter à l’examen d’œuvres aussi célèbres, notons
seulement les difficultés que déjà ce groupe de statues vient susciter,
par le seul fait de son existence, à la thèse formulée par M. Reymond.
D’abord, quand l’historien se refuse à reconnaître l’influence de
modèles antiques qu'il est aisé de lui désigner un à un, comment
nous obligera-t-il à admettre une influence du Nord, sans avoir cité
lui-même une statue flamande ou allemande qui puisse passer pour
le prototype du Zaccone ou de l’ÉzéchieH Puis, que deviennent les
assertions de l’auteur sur ï « action » que « les prêtres et les évêques1 »
auraient exercée, selon lui, sur l’art de Donatello, comme sur celui
de Ghiberti et de Lucca délia Robbia, quand on se trouve en face
d’une statue équestre élevée à la gloire d’un capitaine par une répu-
blique, ou devant ces statues guerrières ou voluptueuses : le David
et la Judith, qui jamais n'ont été admises dans un lien saint, et qui
ont passé de l’atelier de l’artiste dans le palais d’un Médicis? Peut-on
prétendre encore que l’auteur du David et de la Judith ait été,
jusqu’à la fin de sa vie, le successeur des tailleurs de marbre qui,
pendant tout un siècle, avaient travaillé pour les façades et les portes
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