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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 22.1899

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Nr. 5
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Bertaux, Émile: Autour de Donatello, 2: une nouvelle histoire de la sculpture florentine
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https://doi.org/10.11588/diglit.24686#0435

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AUTOUR DE DONATELLO

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glorification de la forme vivante, et qui, séparée de la tradition et
de la pensée chrétienne, n’a représenté les grands drames religieux
que pour y exalter, jusque dans le désespoir et dans l’agonie, l’énergie
et les passions humaines, comme autrefois sculpteurs et peintres
avaient célébré, à propos des Dieux, la force et la beauté mortelles,
avant qu’eût triomphé la religion nouvelle qui devait confier à de
longues générations d’artistes la mission d’enseigner par la ligne et
par la couleur une Révélation et une morale.

Si l’analyse rapide que je viens de tenter n’est point fautive,
elle établit, je crois, contre M. Reymond, qu’il faut faire à Donatello
sa place dans l’histoire, non à la fin du moyen âge et à la suite des
marbriers florentins ou des sculpteurs du Nord, mais bien à l’aurore
d’une ère qui s’ouvre, en tète des ciseleurs de bronze qui semblent
préparer l’œuvre du xvie siècle, tandis que les tailleurs de marbre,
comme Mino et Rossellino, continuent l’œuvre du xive, avec une
tendre dévotion. M. Reymond lui-même n’a-t-il pas avoué, dans un
passage unique, que Donatello cherchait sans cesse « des formes d'art
tout à fait nouvelles » ? Nous pourrions nous contenter d’un témoi-
gnage aussi inattendu. Mais, pour prouver, sans conteste, que le
sculpteur florentin est, comme artiste, le premier et non le moins
audacieux des hérétiques et des impies de la Renaissance, j’ai voulu
trouver un texte qui contînt la condamnation formelle et comme
l'excommunication de son œuvre. Ce texte, le voici : on ne songera
pas, je pense, à en récuser l’autorité, car le passage est de saint
Jean et la traduction de Pascal. C’est la définition la plus tran-
chante qui ait été donnée des actes et des œuvres qui ne sont pas
chrétiens. « Tout ce qui est dans le monde », écrit, d’après l’évangé-
liste, le plus saint des philosophes, — c’est-à-dire tout ce qui reste
hors du christianisme, — « est concupiscence des yeux, et concu-
piscence de la chair, et orgueil de la vie. » Des paroles aussi pro-
fondes pénètrent plus avant dans le sens des œuvres d’art que les
esthétiques les plus curieuses. La double concupiscence, celle des
couleurs opulentes et de la richesse insolente, comme celle des
beaux corps et de la nudité faite pour l’amour, n’est-ce pas tout
l’art vénitien dans la splendeur de sa beauté païenne? Et « l’orgueil
de la vie », n’est-ce pas tout Donatello?

E. BERTAÜX
 
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