ÉTUDES DE CÉRAMIQUE GRECQUE
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piquantes silhouettes du Pêcheur à la ligne et du Maître d'école.
N’est-ce pas l’art même d’un Cimon de Cléonées, d'un Polygnote ou
d’un Mikon, qui transparaît ici sous le voile de la copie industrielle?
N’est-ce pas une révélation imprévue de l’art antique, vu sous un tout
autre aspect que celui de la classique sculpture? L’âme des grands
peintres a passé dans ces œuvres; leur naturalisme puissant, leur
souplesse d’invention, leur simplicité magistrale s’imposent à l'esprit
comme les qualités maîtresses de l’art grec antérieur à Phidias.
Si l’on veut pénétrer davantage dans le détail, on trouvera chez
M. Hartwig une analyse substantielle des maîtres potiers qui, pendant
plusieurs générations, ont perfectionné la forme et le décor de la
coupe. M. ITartwigaraisonde croire,
de banquets, le chef-d’œuvre qui
circulait de main en main, animant la gaieté légère des propos.
Les céramistes rivalisaient à qui augmenterait la finesse de la
pâte, l’ampleur de la vasque, la légèreté du pied, à qui perfec-
tionnerait le galbe onduleux des anses. Leurs inscriptions, tracées
sur les lianes du récipient, étaient souvent un salut à quelque
célébrité athénienne, d’ordinaire à un jeune homme que sa beauté
ou sa naissance distinguaient entre tous : c’était pour le céra-
miste une sorte de réclame qui lui attirait la clientèle du préféré, de
sa famille et de ses amis2. Peu à peu, la coupe devenait un bibelot
de prix, enrichi de retouches d’or, rehaussé des teintes délicates de la
polychromie, véritable réduction de la grande fresque. Les admi-
rables coupes à fond blanc du musée de Londres, la Naissance de
Pandore, Y Aphrodite sur le Cygne, le Jardin des Hespérides et le
1. 2e édition, Vienne, Gerold’s Sohn, 1886.
2. Voy. Klein, Die Lieblingsinschriften, p. 2 et 3,
avec M. Klein, auteur d’un Euphro-
nios1 très goûté, que les progrès de
la peinture céramique, au commen-
cement du ve siècle, se sont en
quelque sorte concentrés et résumés
dans la fabrication des coupes. On
aimait à Athènes cette belle poterie,
son galbe élégant, ses flancs aux
courbes harmonieuses. L’âge pré-
cédent avait perfectionné l’amphore ;
celui-ci s’adonna surtout à la coupe :
c’était le roi des vases sur les tables
UN PÉCHEUR A LA LIGNE
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piquantes silhouettes du Pêcheur à la ligne et du Maître d'école.
N’est-ce pas l’art même d’un Cimon de Cléonées, d'un Polygnote ou
d’un Mikon, qui transparaît ici sous le voile de la copie industrielle?
N’est-ce pas une révélation imprévue de l’art antique, vu sous un tout
autre aspect que celui de la classique sculpture? L’âme des grands
peintres a passé dans ces œuvres; leur naturalisme puissant, leur
souplesse d’invention, leur simplicité magistrale s’imposent à l'esprit
comme les qualités maîtresses de l’art grec antérieur à Phidias.
Si l’on veut pénétrer davantage dans le détail, on trouvera chez
M. Hartwig une analyse substantielle des maîtres potiers qui, pendant
plusieurs générations, ont perfectionné la forme et le décor de la
coupe. M. ITartwigaraisonde croire,
de banquets, le chef-d’œuvre qui
circulait de main en main, animant la gaieté légère des propos.
Les céramistes rivalisaient à qui augmenterait la finesse de la
pâte, l’ampleur de la vasque, la légèreté du pied, à qui perfec-
tionnerait le galbe onduleux des anses. Leurs inscriptions, tracées
sur les lianes du récipient, étaient souvent un salut à quelque
célébrité athénienne, d’ordinaire à un jeune homme que sa beauté
ou sa naissance distinguaient entre tous : c’était pour le céra-
miste une sorte de réclame qui lui attirait la clientèle du préféré, de
sa famille et de ses amis2. Peu à peu, la coupe devenait un bibelot
de prix, enrichi de retouches d’or, rehaussé des teintes délicates de la
polychromie, véritable réduction de la grande fresque. Les admi-
rables coupes à fond blanc du musée de Londres, la Naissance de
Pandore, Y Aphrodite sur le Cygne, le Jardin des Hespérides et le
1. 2e édition, Vienne, Gerold’s Sohn, 1886.
2. Voy. Klein, Die Lieblingsinschriften, p. 2 et 3,
avec M. Klein, auteur d’un Euphro-
nios1 très goûté, que les progrès de
la peinture céramique, au commen-
cement du ve siècle, se sont en
quelque sorte concentrés et résumés
dans la fabrication des coupes. On
aimait à Athènes cette belle poterie,
son galbe élégant, ses flancs aux
courbes harmonieuses. L’âge pré-
cédent avait perfectionné l’amphore ;
celui-ci s’adonna surtout à la coupe :
c’était le roi des vases sur les tables
UN PÉCHEUR A LA LIGNE