UNE POMPÉI HELLÉNIQUE: DÉLOS
9
Diadumène de Polyclète1, l’établissement des Posidoniastes nous
rendait un des groupes dont il était décoré : Aphrodite est surprise
au sortir du bain par Pan qui porte une main hardie sur la déesse;
celle-ci, qui semble moins effrayée qu’amusée de cet hommage
brutal, menace de sa sandale le chèvre-pieds, tandis que le petit
Bros vient en voletant au secours de sa mère et saisit l’agresseur
par une de ses cornes. C’est une œuvre habilement conçue et traitée,
qui, par le caractère anecdotique, spirituel, légèrement sensuel,
rappellerait les grâces libertines de notre xvme siècle plus que la
gravité sereine du grand art grec.
La partie la plus neuve et la plus intéressante de la tâche entre-
prise à Délos est assurément l’exploration et le déblaiement de la
ville même, dont les ruines couvrent les collines autour du téménos
et bordent le rivage sur une longueur de plus de deux kilomètres2.
Nous pouvons, en groupant les renseignements fournis en grand
nombre par les dernières fouilles, nous faire une idée de ce qu’était
à Délos une maison, une rue, un quartier. Dans une ville aussi
étendue, on doit rencontrer bien des constructions différentes, depuis
l’échoppe, simple pièce isolée du reste de Y insu la dont elle fait
partie, jusqu’au grand magasin comprenant vingt-huit chambres.
Toutefois un type prédomine : c’est la maison à péristyle.
Elle semble tourner le dos à la rue et n’offre extérieurement que
des murs pleins, avec une seule baie, la porte d’entrée, qu’ornent de
hauts montants de marbre. Par exception, la « maison du Trident »3
a une fenêtre grillée; ailleurs les ouvertures sont destinées unique-
ment à donner de l’air et de la lumière et placées à une hauteur telle
que les passants ne peuvent jeter à l’intérieur des regards indiscrets,
ni les habitants suivre des yeux le va-et-vient de la rue.
De chaque côté de la porte se dressent deux autels ornés de
peintures; c’est presque toujours le même sujet : au centre des per-
sonnages voilés s’avancent vers un autel, en faisant des gestes
d’adoration, tandis qu'un jeune garçon amène un porc pour le
sacrifice ; sur le côté, deux hommes, les bras jetés en avant, se
1. Monuments Piot, III (1896), p. 137.
2. Avant la reprise des fouilles, des maisons avaient déjà été dégagées par
M. Paris (1883) et surtout par M. Couve (1894). Pour la description détaillée,
plans, photographies, etc., voir le Bulletin de Correspondance hellénique, t. VIII
(1884), t. XIX (1895), t. XX (1896), t. XXIX (1905), t. XXX (1906).
3. Les dénominations conventionnelles des maisons sont empruntées au plan
général des fouilles, paru dans le Bulletin de Correspondance hellénique, t. XXX
(1906).
XXXIX.
3' PÉRIODE.
2
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Diadumène de Polyclète1, l’établissement des Posidoniastes nous
rendait un des groupes dont il était décoré : Aphrodite est surprise
au sortir du bain par Pan qui porte une main hardie sur la déesse;
celle-ci, qui semble moins effrayée qu’amusée de cet hommage
brutal, menace de sa sandale le chèvre-pieds, tandis que le petit
Bros vient en voletant au secours de sa mère et saisit l’agresseur
par une de ses cornes. C’est une œuvre habilement conçue et traitée,
qui, par le caractère anecdotique, spirituel, légèrement sensuel,
rappellerait les grâces libertines de notre xvme siècle plus que la
gravité sereine du grand art grec.
La partie la plus neuve et la plus intéressante de la tâche entre-
prise à Délos est assurément l’exploration et le déblaiement de la
ville même, dont les ruines couvrent les collines autour du téménos
et bordent le rivage sur une longueur de plus de deux kilomètres2.
Nous pouvons, en groupant les renseignements fournis en grand
nombre par les dernières fouilles, nous faire une idée de ce qu’était
à Délos une maison, une rue, un quartier. Dans une ville aussi
étendue, on doit rencontrer bien des constructions différentes, depuis
l’échoppe, simple pièce isolée du reste de Y insu la dont elle fait
partie, jusqu’au grand magasin comprenant vingt-huit chambres.
Toutefois un type prédomine : c’est la maison à péristyle.
Elle semble tourner le dos à la rue et n’offre extérieurement que
des murs pleins, avec une seule baie, la porte d’entrée, qu’ornent de
hauts montants de marbre. Par exception, la « maison du Trident »3
a une fenêtre grillée; ailleurs les ouvertures sont destinées unique-
ment à donner de l’air et de la lumière et placées à une hauteur telle
que les passants ne peuvent jeter à l’intérieur des regards indiscrets,
ni les habitants suivre des yeux le va-et-vient de la rue.
De chaque côté de la porte se dressent deux autels ornés de
peintures; c’est presque toujours le même sujet : au centre des per-
sonnages voilés s’avancent vers un autel, en faisant des gestes
d’adoration, tandis qu'un jeune garçon amène un porc pour le
sacrifice ; sur le côté, deux hommes, les bras jetés en avant, se
1. Monuments Piot, III (1896), p. 137.
2. Avant la reprise des fouilles, des maisons avaient déjà été dégagées par
M. Paris (1883) et surtout par M. Couve (1894). Pour la description détaillée,
plans, photographies, etc., voir le Bulletin de Correspondance hellénique, t. VIII
(1884), t. XIX (1895), t. XX (1896), t. XXIX (1905), t. XXX (1906).
3. Les dénominations conventionnelles des maisons sont empruntées au plan
général des fouilles, paru dans le Bulletin de Correspondance hellénique, t. XXX
(1906).
XXXIX.
3' PÉRIODE.
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