Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 39.1908)

COURBET

GRAVEUR ET ILLUSTRATEUR

Aujourd'hui que les diverses formes de la peinture au xix°siècle,
classique avec David et Ingres, romantique avec Delacroix,
réaliste avec Courbet, sont également loin de nous, les diffé-
rences entre elles, qui ont semblé autrefois si profondes, et qui fai-
saient que celles qui étaient admirées des uns ne pouvaient l’être
des autres, se sont singulièrement atténuées. Les œuvres prennent
toutes ensemble un même air de famille. Les points de ressemblance
les rapprochent plus que les différences ne les séparent. N’a-t-on
pas mis dans la salle des Etats du Louvre les Femmes cl’Atgev de
Delacroix, Y Angélique d’Ingres, et la Remise de chevreuils de Courbet
cote à côte? On a senti, en le faisant, qu’elles devaient se rejoindre.

On avait reconnu dans Courbet, dès son apparition, le robuste
ouvrier, et nous l’y reconnaissons toujours. Ce don de puissante
exécution était si évident, qu’on n’a jamais pu le méconnaître.
Mais maintenant, nous reconnaissons aussi à Courbet les qualités
de sentiment, d’émotion, d’inspiration, que les contemporains lui
niaient. Ses paysages ont une âme profonde. Certes, ils donnent
l’image réelle des sites reproduits. En ce sens, ils sont réalistes;
mais cette épithète, qu’on leur appliquait autrefois comme un déni-
grement, ne saurait être pour nous qu’une louange. Car nous ne
saurions imaginer qu’une scène delà nature, sur la toile, puisse être
douée d’âme, si elle n’a d’abord été saisie dans ses traits exacts et
sa teneur propre.

Courbet prenait les personnages à peindre dans le monde vivant
autour de lui. Il paraissait ainsi se tenir dans une région basse