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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 5
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Duret, Théodore: Courbet: graveur et illustrateur$nElektronische Ressource
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0453

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

4 Ç>2

et privée d’idéal, en comparaison avec les classiques, qui s’atta-
chaient aux; dieux de la mythologie, et avec les romantiques, qui
recherchaient les Orientaux et les chevaliers de la légende. Mais,
est-il encore quelqu’un pour s’imaginer que le choix des êtres
à représenter importe au fond? Ne se rend-on pas compte, main-
tenant, que la valeur des œuvres vient, non pas du genre des per-
sonnages, mais de la puissance avec laquelle ils sont rendus? Quand
on se trouve en présence de Y Enterrement à Oman s de Courbet
au musée du Louvre, les figurants qui s’y voient, pris à une petite
ville de province, traités avec la grandeur de lignes, la fermeté
de gestes, l'intensité d’émotion que l’artiste a su déployer, nous sem-
blent aussi épiques que les héros de l’antiquité ou les paladins du
moyen âge.

J’ai un jour rencontré Mlle Cassatt devant Y Enterrement à.Ornans.
Nous admirions ensemble l’impression de douleur que donne le
groupe des femmes qui pleurent, d’un arrangement si simple,
lorsqu’elle se laissa aller tout à coup à dire : « C’est grec! » A pre-
mière pensée, on ne saurait se figurer rien de plus dissemblable
que les bourgeois d’Ornans et les anciens Athéniens. Cependant
Courbet, par le naturel avec lequel il a traité son sujet, s’est réelle-
ment rapproché de l’art grec, qui a su faire sortir l’expression de
l’extrême simplicité des formes. En effet, je ne découvre rien dans
l’art qui s’apparente aussi bien au groupe des pleureuses de Courbet,
que les pleureuses du sarcophage grec du musée de Constantinople.
Après que Mlle Cassatt m’eut dit : « C’est grec ! » je me suis, en effet,
souvenu d’avoir éprouvé à Constantinople, devant le sarcophage, la
même émotion que me fait éprouver Y Enterrement à Ornans.

J’ai revu l’année dernière, au musée de Dresde, les Casseurs de
pierres de Courbet, qui s’y trouvent maintenant. A Dresde, les
tableaux des maîtres anciens sont placés au premier étage, et les
modernes au second, dans une sorte d’attique. Après m’être tenu
au milieu des anciens, en montant l’escalier pour aller voir les
modernes, je me demandais quelle impression allaient me produire
les Casseurs de pierres, revus après des années, dans un milieu
étranger, et alors que j’avais les yeux éblouis des chefs-d’œuvre du
passé. En arrivant devant eux, ils me semblèrent agrandis, je leur
trouvai une force dépassant celle que je me rappelais leur avoir
autrefois reconnue ; le pathétique qu’ils dégageaient me frappa
comme une révélation. Je me dis que, quand le temps sera venu
où, entrant eux-mêmes dans le cadre de ce qu’on appelle la pein-
 
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