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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 6
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Laloy, Louis: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0549

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CHRONIQUE MUSICALE

Académie Nationale de Musique : HIPPOLYTE ET ARICIE, tragédie en un
prologue et cinq actes, de l’abbé Pellegrin, musique de Jean-Philippe Rameau.

’est le 1er octobre 1733 qu’on donnait la première représentation
d’Hippolyte et Aride. L’auteur était peu connu, car il n’avait
publié alors que deux cantates et trois recueils pour le clavecin,
dont la renommée ne s’était pas répandue au delà d’un petit
groupe d’amateurs; et il avait fallu la protection de La Poupli-
nière pour que l'abbé Pellegrin, celui-là même qui « dînait de
l’autel et soupait du théâtre », consentit à lui brocher un poème, en dénaturant le
Phèdre de Racine. Le public de l’Opéra, ennemi, en ces temps lointains, de toute
nouveauté, faillit bien faire tomber l’ouvrage; mais un petit nombre de partisans
résolus arrivèrent à le sauver; les premières représentations passées, l’orage se
calma ; les applaudissements l’emportèrent, et le succès, plus vif chaque soir,
finit par s’imposer à tous. Le vieux Campra ne s’y était pas trompé; interrogé par
le prince de Conti, il lui déclarait : « Monseigneur, il y a dans cet opéra assez de
musique pour en faire dix. » Renonçant à la prudente parcimonie de Lully et de
ses disciples, Rameau n’avait en effet ménagé ni ses forces, ni celles de ses audi-
teurs. Les récitatifs, soutenus d’harmonies expressives, les airs, où l’exactitude
française se marie à la grâce italienne, les symphonies et divertissements, d’une
couleur et d’une verve inconnues jusque là tout attestait la chaleur d'une ima-
gination longtemps contenue, qui jetait tous ses feux à la fois; et le chroniqueur
du Mercure1 n’était pas trompé par sa bienveillance lorsqu’il louait cette « mu-
sique mâle et harmonieuse, d’un caractère neuf ».

Cette nouveauté lui est restée; elle frappait encore l’autre soir, malgré la dif-
férence des temps, car elle ne tient pas à la nature des accords ou au choix des
instruments, mais à la décision d’une pensée qui ne laisse rien dans l’ombre, et
s’achève jusqu’en son dernier détail. Ce n’est pas cependant une musique impé-
rieuse comme celle de Wagner, qui semble vous prendre àl’épauleet vous mettre
à genoux de gré ou de force. Elle n’a nul besoin de telles violences, car elle gagne
les esprits par une clarté souveraine. Elle a même résisté à une exécution molle
et précipitée tour à tour, dont Rameau eût été mal satisfait, et à une mise en
scène qui, loin de la suivre, semblait prendre à tâche de la contrarier.

Adaptation ou reconstitution ; deux manières de rendre à la vie une œuvre

1. Octobre 1733.

XXXIX.

3e PÉRIODE.

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