DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:Marx, Roger: L.-A. Lepère, 3: peintres-graveurs contemporains
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
512
l’ancienne ville animée et bruyante; sur l’autre rive, s’alignent les
nouveaux quais, les entrepôts, les chantiers... L’aspiration foncière
à la simplicité, qui Unit toujours par prédominer, n’autorise plus
qu’un recours discret à la couleur; en dehors de la gamme des noirs
savamment gradués, qui établissent la succession des plans, ce sont
des rehauts légers, diaphanes : un ton céladon pour le fleuve, un
ton ambré pour le ciel, taché de blancs nuages... Ainsi, à quatre
années d’intervalle, et sur la double initiative d’une même amitié,
la ville de Nantes sut inspirer des ouvrages essentiels dans la pro-
duction de leur auteur et dans les fastes de l’estampe.
A le considérer comme graveur sur bois, — sans faire état, autre-
ment que pour mémoire, des livres par lui illustrés, —Louis-Auguste
Lepère apparaît à la fois comme un artiste d’exception et comme
un chef d’école. Du plus loin que l’on se souvienne, il n’était pas
encore arrivé de rencontrer, ainsi réunies et dans un aussi har-
monieux équilibre, les qualités que la xylographie réclame pour
s’exprimer et prévaloir. Inventeur dont l'inspiration riche, abon-
dante, se formule en dessins admirablement appropriés à la technique
delà gravure sur bois, praticien rompu à tous les mystères de la taille,
Lepère étonne et déroute par le cumul de ses dons. Pas d’art sans
métier, dit l’adage ; ici, vraiment, c’est du métier que l’art pro-
cède ; toutes les variations et tous les progrès qu’on y peut con-
stater trouvent leur origine dans des raisons d’ordre technique.
L’œuvre de Lepère expose la réaction contre les procédés photogra-
phiques et contre le bois de teinte1 qui en dérive; il préconise et
consacre le retour au bois de trait; pour hâter le triomphe de la
bonne cause, l’artiste fait appel aux créations des vieux maîtres et
de l’Extrême-Orient; il propose en exemple la propre évolution de
son talent; on l’entend, on l’écoute; en France et à l’étranger des
disciples le suivent... Au total, il a émancipé son art; il l’a replacé
dans les voies de la tradition, qui sont aussi celles de la raison.
Son savoir, son œuvre et son influence lui assignent le rôle d’un
régénérateur, — et déjà ce rôle appartient à l’histoire.
ROGEIl MARX
[La suite prochainement. '
J. « T.a teinte, fille bâtarde de la photographie, fait disparaître dans son travail
mécanique le nerf, l’accmt, la nature même du bois. » (Bracquemond, op. cit.,
p. 54.)
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l’ancienne ville animée et bruyante; sur l’autre rive, s’alignent les
nouveaux quais, les entrepôts, les chantiers... L’aspiration foncière
à la simplicité, qui Unit toujours par prédominer, n’autorise plus
qu’un recours discret à la couleur; en dehors de la gamme des noirs
savamment gradués, qui établissent la succession des plans, ce sont
des rehauts légers, diaphanes : un ton céladon pour le fleuve, un
ton ambré pour le ciel, taché de blancs nuages... Ainsi, à quatre
années d’intervalle, et sur la double initiative d’une même amitié,
la ville de Nantes sut inspirer des ouvrages essentiels dans la pro-
duction de leur auteur et dans les fastes de l’estampe.
A le considérer comme graveur sur bois, — sans faire état, autre-
ment que pour mémoire, des livres par lui illustrés, —Louis-Auguste
Lepère apparaît à la fois comme un artiste d’exception et comme
un chef d’école. Du plus loin que l’on se souvienne, il n’était pas
encore arrivé de rencontrer, ainsi réunies et dans un aussi har-
monieux équilibre, les qualités que la xylographie réclame pour
s’exprimer et prévaloir. Inventeur dont l'inspiration riche, abon-
dante, se formule en dessins admirablement appropriés à la technique
delà gravure sur bois, praticien rompu à tous les mystères de la taille,
Lepère étonne et déroute par le cumul de ses dons. Pas d’art sans
métier, dit l’adage ; ici, vraiment, c’est du métier que l’art pro-
cède ; toutes les variations et tous les progrès qu’on y peut con-
stater trouvent leur origine dans des raisons d’ordre technique.
L’œuvre de Lepère expose la réaction contre les procédés photogra-
phiques et contre le bois de teinte1 qui en dérive; il préconise et
consacre le retour au bois de trait; pour hâter le triomphe de la
bonne cause, l’artiste fait appel aux créations des vieux maîtres et
de l’Extrême-Orient; il propose en exemple la propre évolution de
son talent; on l’entend, on l’écoute; en France et à l’étranger des
disciples le suivent... Au total, il a émancipé son art; il l’a replacé
dans les voies de la tradition, qui sont aussi celles de la raison.
Son savoir, son œuvre et son influence lui assignent le rôle d’un
régénérateur, — et déjà ce rôle appartient à l’histoire.
ROGEIl MARX
[La suite prochainement. '
J. « T.a teinte, fille bâtarde de la photographie, fait disparaître dans son travail
mécanique le nerf, l’accmt, la nature même du bois. » (Bracquemond, op. cit.,
p. 54.)