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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 1
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Bénédite, Léonce: J.-J. Henner, 5: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0061

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J.-J. HENNER

« Si c’était possible, je cueillerais une rose clans mon jardin et
vous l’enverrais dans la lettre, pour Madame. Mais cela ne peut se
faire comme pour les médailles. Mon jardin est superbe. La ver-
dure s’étale, les arbustes bourgeonnent, les lauriers remplis de
graines et les roses sont dans tout leur épanouissement; quelques
figuiers sauvages mêlent leurs grandes feuilles jaune d’or à tout
cela. C’est un coup d'œil charmant! Et les merles et les oiseaux qui
gazouillent de tous côtés, jusque sous ma porte! Je leur jette du
pain. Vous savez que mon atelier a l’air cl’une maison de garde
forestier tellement il est perdu dans les massifs d’arbres. J’y ai une
vigne. Si la peinture ne me donnait pas tant de fil à retordre, je
passerais beaucoup de temps à soigner tout cela. Mais, en somme,
j’aime mieux le voir dans l’abandon. Les ronces passent par-dessus
le chemin et les personnes qui viennent me voir restent accro-
chées de tous côtés. »

Nous qui connaissons la carrière de Henner et qui pouvons
l’embrasser dans son ensemble, devons-nous être surpris de l’im-
pression profonde que produisit immédiatement la femme italienne
sur l’imagination du jeune pensionnaire? Elevé par des femmes,
au milieu de femmes : mères, sœurs, parentes, voisines, sa nature
réservée, mais aimante et confiante, recherchait volontiers la société
de la femme, et ses rêves de jeune homme et de jeune artiste
s’étaient égarés autour de lui vers tout ce qui était la jeunesse, la
grâce, le charme et peut-être la beauté. Mais s’il avait rencontré la
beauté, ce n’était qu’exceptionnellement jusqu’alors, comme phéno-
mène individuel et isolé. Il ne l’avait pas découverte encore comme
caractère commun de race, comme privilège naturel de la condition
de la femme. Le jeune pensionnaire était d’ailleurs un homme de
trente ans, en arrivant à Rome, un homme dans toute l’ardeur de
la virilité, tandis que l’existence nouvelle qui lui était faite le por-
tait à chercher dans la vie ces voluptueuses contemplations aux-
quelles s’étaient livrés avant lui les maîtres aimés et qu’ils avaient
fixées par des chefs-d’œuvre.

Dès ses premières lettres à Goutzwiller, il exulte. La splendeur
de la vie lui découvre à fond le mystère de l’art. H est alors en plein
carnaval. « U faut voir le carnaval de Rome », écrit-il, « pour avoir
une véritable idée des beaux portraits du Titien... Je ne vous racon-
terai pas le carnaval, vous savez ce qu’il est. Mais je vous en par-
lerai au point de vue artistique, quoique j’aie pris une bonne part à
 
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