ETUDES DE TITIEN POUR LES « BACCHANALES ». 137
Londres, la rencontre de Bacchus et d’Ariane, pourrait être
emprunté à l’épithalame Thétis et Pélée, de Catulle. Le cortège du
dieu s’approche avec fracas juste au moment où le désespoir d’Ariane
atteint au paroxysme. Effrayée par le bruit, elle fuit vers la mer,
lorsque Bacchus, d’un saut, s’élance sur son chariot attelé de pan-
thères et poursuit la fugitive. Le dessin s’écarte du tableau sur plus
d’un point. L’attitude d’Ariane est plus tranquille. Elle ne fuit pas
encore, ne lève, dans sa frayeur, que les bras au ciel. Les panthères
sont calmes comme dans le tableau. Le dieu a le même mouvement
impétueux. Le flottement, plein d’effet, de la draperie n’est indiqué
que très légèrement sur le dessin. Le petit satyre du premier plan y
figure comme dans le tableau; de même à peu près la nymphe et le
gros satyre. Par contre, on remarque dans le dessin une femme les
bras en l’air, un tambourin en main, qui ne se trouve pas dans la
rédaction définitive.
Nous avons donc ici, en traits légers, la première inspiration du
célèbre tableau. Plus tard, comme on l’a vu, des changements eurent
lieu et plusieurs figures s’y ajoutèrent.
La Bacchanale du Prado présente les mêmes rapports avec le
dessin. Le groupe de la femme endormie et de l’Amour a passé dans
le tableau presque sans variante. Par contre, le groupe du milieu
à l’avant-plan, comme aussi les figures du fond, ont été modifiés.
On peut même admettre que la figure nue et sensuelle endormie au
premier plan représente Ariane, et qu’il soit légitime de regarder
le tableau de Londres, dans son contenu, comme le pendant et —
je vais le montrer — la continuation de celui du Prado1. C’est ainsi
que dans une ivresse de vin et d’amour s’ébattent des femmes demi-
nues et d’ardents jeunes hommes, comme dans l’attente du dieu.
Dans le dessin ce groupe sort du fond en poussant des cris de joie,
et avec tant de frénésie qu’on pourrait le prendre pour l’avant-garde
du thiase lui-même. Le paysage, quelques arbres à gauche, n’est
indiqué que légèrement. L’esquisse respire la même grâce légère,
peut-être surpasse même à cet égard, le premier dessin mentionné.
On ne peut cependant soutenir que ce tableau soit une illustra-
1. Le groupement Bacchus et Ariane avec un Amour se présente déjà dans
des œuvres antiques: par exemple sur un sarcophage du Musée des Thermes, à
Rome, où un Amour soulève la draperie d’Ariane endormie pour montrer sa
beauté à Dionysos. Lemaître a probablement emprunté à un sai’cophage antique
le personnage d’Ariane, qui se distingue déjà par son style classique des autres
figures. Crowe et Cavalcaselle, de même que le catalogue du Prado, recon-
naissent aussi Ariane dans la femme endormie.
xxxix. — 3e PÉRIODE.
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Londres, la rencontre de Bacchus et d’Ariane, pourrait être
emprunté à l’épithalame Thétis et Pélée, de Catulle. Le cortège du
dieu s’approche avec fracas juste au moment où le désespoir d’Ariane
atteint au paroxysme. Effrayée par le bruit, elle fuit vers la mer,
lorsque Bacchus, d’un saut, s’élance sur son chariot attelé de pan-
thères et poursuit la fugitive. Le dessin s’écarte du tableau sur plus
d’un point. L’attitude d’Ariane est plus tranquille. Elle ne fuit pas
encore, ne lève, dans sa frayeur, que les bras au ciel. Les panthères
sont calmes comme dans le tableau. Le dieu a le même mouvement
impétueux. Le flottement, plein d’effet, de la draperie n’est indiqué
que très légèrement sur le dessin. Le petit satyre du premier plan y
figure comme dans le tableau; de même à peu près la nymphe et le
gros satyre. Par contre, on remarque dans le dessin une femme les
bras en l’air, un tambourin en main, qui ne se trouve pas dans la
rédaction définitive.
Nous avons donc ici, en traits légers, la première inspiration du
célèbre tableau. Plus tard, comme on l’a vu, des changements eurent
lieu et plusieurs figures s’y ajoutèrent.
La Bacchanale du Prado présente les mêmes rapports avec le
dessin. Le groupe de la femme endormie et de l’Amour a passé dans
le tableau presque sans variante. Par contre, le groupe du milieu
à l’avant-plan, comme aussi les figures du fond, ont été modifiés.
On peut même admettre que la figure nue et sensuelle endormie au
premier plan représente Ariane, et qu’il soit légitime de regarder
le tableau de Londres, dans son contenu, comme le pendant et —
je vais le montrer — la continuation de celui du Prado1. C’est ainsi
que dans une ivresse de vin et d’amour s’ébattent des femmes demi-
nues et d’ardents jeunes hommes, comme dans l’attente du dieu.
Dans le dessin ce groupe sort du fond en poussant des cris de joie,
et avec tant de frénésie qu’on pourrait le prendre pour l’avant-garde
du thiase lui-même. Le paysage, quelques arbres à gauche, n’est
indiqué que légèrement. L’esquisse respire la même grâce légère,
peut-être surpasse même à cet égard, le premier dessin mentionné.
On ne peut cependant soutenir que ce tableau soit une illustra-
1. Le groupement Bacchus et Ariane avec un Amour se présente déjà dans
des œuvres antiques: par exemple sur un sarcophage du Musée des Thermes, à
Rome, où un Amour soulève la draperie d’Ariane endormie pour montrer sa
beauté à Dionysos. Lemaître a probablement emprunté à un sai’cophage antique
le personnage d’Ariane, qui se distingue déjà par son style classique des autres
figures. Crowe et Cavalcaselle, de même que le catalogue du Prado, recon-
naissent aussi Ariane dans la femme endormie.
xxxix. — 3e PÉRIODE.
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