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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 4
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Marcou, Paul Frantz: Le chef-reliquaire de l'église de Sainte-Fortunade (Corrèze)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0323

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302

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

cela aussi disparaissait sous la douloureuse tristesse d’un visage
« où le fondeur a réussi à montrer la puissance de la beauté morale
transformant la laideur physique. » N’était-ce vraiment pas aller un
peu loin, et, pour faire gloire à la sainte, faire peu d’honneur à
l’artiste, au sculpteur qui en modela la représentation? Car il s’agit
ici non d’un travail d’orfèvrerie, d’un repoussé, mais bien d’une
œuvre de fonte de bronze, donc de sculpture; et ce petit chef dolent
et souffreteux, dont nous sommes porté à faire descendre l’exé-
cution jusqu’à l’extrême fin du xve, ou même jusqu’aux premières
années du xvic siècle, nous paraît s’apparenter avec certaines
figures de la statuaire de pierre contemporaine, non des moins
séduisantes, telles, entre autres, une Vierge du musée Rolin, à Autun,
une encore de l'église d’Auxonne, et une petite Sainte Marthe de
l’église de Souvigny. Avec plus de gaîté et plus de santé, le type s’y
rencontre des deux côtés le même.

Si Fortunade fut, au temps des lointaines persécutions, ce que
nous la voyons aujourd’hui, l’on peut être tenté de s’imaginer
que cette petite personne, au front étroit et au menton résolu, dut
être une douce entêtée : elle voyait en dedans, fermait les yeux au
monde extérieur, et, puisqu’il le fallait ainsi, abandonnait sans
colère et sans révolte une gorge docile au bourreau, car, sûre de
son fait, « le reste ne la regardait pas ». Et ici nous signalerons
combien peu il a fallu de chose à l’artiste pour nous donner cette
impression de victime passive et résignée qui fait, à proprement
parler, tout le charme de ce visage enfantin, et que M. Majeur a
si bien sentie et fixée; il lui a suffi de tendre un cou qui paraît
s’offrir et s’incliner une tête qui déjà paraît tomber. C’est là une
nouveauté. Petite martyre, dont la vie terrestre ne semble pas
avoir réalisé les espérances que ton nom présageait, infortunée
Fortunade! Peut-être eusses-tu épargné à ta jeune enveloppe de
chair les meurtrissures du chevalet, du feu, des fauves, et le reste,
— car on nous dit que ce ne fut pas tout, — si l’orgueil de ton
petit front têtu avait pu songer « qu’il y a quelque impertinence à
se faire brûler pour une opinion !1 » — Mais nous y aurions perdu
un petit chef-d’œuvre.

P. FRANTZ MARCOU

1890, p. 454, üg. 506-507. -— Émile Molinier, Roger Marx etFrantz Marcou, Expo-
sition rétrospective cle l'art français à l’Exposition Universelle de 1900 : I. Des Ori-
gines à 1800, Paris, 1901, in-4 av. pl.

1. Anatole France (Le Temps, 20 avril 1889).
 
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