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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 6
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Bruel, François-Louis: L' exposition de dessins et d'eaux-fortes de Rembrandt à la Bibliothèque Nationale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0475

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

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Louvre en présence des Pèlerins cVEmmaüs ou du Bon Samaritain.
Et ce don qui n’appartient qu’à lui d’avoir, par delà les enveloppes,
pénétré et su rendre l’âme des êtres et des choses, vous en connaîtrez
la grandeur pour peu que vous prêtiez attention au langage surpre-
nant que vous parlent les dessins exposés ici; car c’est là le secret
de notre émotion, que Rnmbrandt ait tant mis de lui-même dans le
moindre trait sorti de sa plume, abandonnant naïvement, écrit
encore Fromentin, son extraordinaire sensibilité à l’impression du
modèle qu’il copie, de la liction née de son cerveau. Que nous
importe après cela que, refusant de se plier à une discipline, il ait
« péché par le défaut des proportions », ignoré ce que Mariette
appelle la « noblesse des expressions », connu même la trivialité!
Ces défauts que, les premiers, ses contemporains lui reprochèrent,
s’en serait-il défait, étudiant l’antique à l'école des maîtres italiens,
sans perdre du même coup son libre essor et cette imagination
« déréglée » qui font partie inhérente de son génie? Et n’est-ce pas
un attrait de plus chez ce maître que cet idiome bien à lui, si
expressif en dépit de son étrangeté et de ses incorrections, que cette
libre interprétation du sujet, résultante de son inconsciente habitude
de poétiser tout ce qu’il touche?

Cette poésie, qui va de la simple intimité au pathétique, Rem-
brandt a découvert un sublime moyen d’ajouter encore à son expres-
sion : ce clair-obscur dont la magie troublante est peut-être la seule
originalité qu’on ne lui ait pas contestée. Ses dessins au simple trait
en conservent comme le reflet, et je n’en sais d’aucun maître qui soient
à ce point lumineux; car c’est encore en peintre qu’il dessine, en
peintre qui, a-t-on dit, peignait avec de la lumière. 11 voit l’ensemble
par masses d’ombre et de jour, et dans cet ensemble il n’est point
frappé du détail, mais du mouvement, du geste, de l’attitude, de
l’expression qui traduisent le plus suggestivement un état d’âme.

Arrêtez-vous devant cette émouvante Pêche miraculeuse de la
collection Walter Gay (n° 347), simple croquis jeté sur un chiffon de
papier large de deux mains. A droite, deux pêcheurs dont l’artiste
s’est uniquement préoccupé, semble-t-il, de traduire l’effort surhu-
main à lever un filet trop pesant; à l’avant de la barque, le Maître,
debout, se soutenant négligemment de la main droite au cordage,
dominant la scène de sa divinité radieuse et calme, tandis qu’au
centre la ferveur d’humilité qui prosterne Pierre, misérable, chétif,
joignant les mains, presque replié sur lui-même, rend avec sublimité
le sens de cette parole que lui prêtent les Evangiles : « Maître, je
 
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