Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 40.1908)

PAYSAGE, PAR F. GUARDI
(Appartient à MM. Steinmeyer et Bourgeois, Paris.)

FRANCESCO GUARDI

(1712-1793)

C’est à Venise que ses yeux s’ouvrirent à la lumière; son œuvre,
considérable entre toutes celles des paysagistes duxvnF siècle,
s’inspire, presque en entier, de sa ville natale, et cependant
Guardi n’est pas d’ascendance vénitienne, comme Tiepoloou Canale,
par exemple. Mais l’esprit de clocher peut-être incita les Vénitiens
à se parer de la gloire de Guardi, quitte à reconnaître plus tard
qu’elle ne leur appartenait pas.

L’origine réelle de Francesco Guardi a son importance; elle est
suggestive et révélatrice. Son père Domenico venait du Tyrol; il
était né àMasteliina, village blotti au creux d’une pittoresque vallée,
le Val di Sole dans le Trenlin. Après avoir étudié la peinture à
Vienne, Domenico s’installa à Venise où il ouvrit un atelier; il y
mourut quatre ans après la naissance de Francesco. Sa femme,
Claudia Pichler, était Viennoise. Sans contredit, Venise a nourri
les facultés du peintre, développé sa psychologie, Venise l’a amené
à être le plus intéressant interprète qui ait reconstitué la vie
de l’auguste cité, mais il reste fils d'un montagnard, et de là vient
peut-être sa fécondité artistique et le souffle vivifiant qui circule à
travers ses loiles, pareil à une brise venue des sommets. Guardi
n’est pas le seul artiste que Venise doive à la province de Trente.
Alessandro Vittoria, élève célèbre du célèbre Jacopo Sansovino, en
était également originaire. À l’occasion du troisième centenaire de
la mort de Vittoria, la ville de Trente s’apprête à lui consacrer un
monument, et le même témoignage d’admiration sera rendu à Guardi