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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 9.1913

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Nr. 2
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Dorbec, Prosper: L' œuvre de Théodore Rousseau aux salons, de 1849 à 1867
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https://doi.org/10.11588/diglit.24886#0124

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

redire, encore qu’on ne pût se faire tout à fait, dès cette premièrè
réapparition du peintre, au sacrifice des plans les plus rapprochés,
ce parti qu’il adoptait pour reporter vers le centre le point captivant
du tableau.

A une seconde toile tout crédit fut, par exemple, catégorique-
ment refusé, celle où le peintre ne s’était proposé d’autre thème que
d’évoquer à nu d’humides Terrains d’automne. Le jury lui-même ne
Lavait admise qu’à son corps défendant. Des deux zones horizon-
tales en lesquelles elle se partageait, l’une disparaissait dans une
obscurité presque complète et pouvait communiquer pourtant, au
témoignage de Théophile Gautier, la sensation « de ces mousses
desséchées, de ces feuilles rougies qui s’entassent ou que le vent
d’octobre promène, de ces herbes flétries qui penchent, de tout ce
détritus de la brillante végétation de l’été qui va former une croûte
de plus à la croûte terrestre ». Mais personne ne voulait surmonter
la peine qu’on avait à faire sortir une image distincte de ces tons
sombres et cuivrés. Comment encourager une tendance dont le péril
était aussi manifeste! C’est l’objection que dut faire le ministre de
l’intérieur Dufaure à Ch. Blanc et à Jeanron, l’ami de Rousseau,
alors directeur du Louvre, quand ils l’eurent amené vers la petite
salle pour s’efforcer, mais vainement, de le convaincre des titres du
paysagiste à la dignité de chevalier1.

Quant au troisième tableau, c’était cette Allée de sous-bois
à TIsle-Adam que le legs Chauchard a introduite au Louvre, et qui
y est apparue dans toute son humide luxuriance printanière avivée
de jaillissements de soleil, avec sa vache rousse presque portée au
rouge par le contraste de ce foisonnement de jeune verdure illu-
minée. Son mode d’exécution brillant, papilloté, tranchait sur les
tons assombris de ses congénères. Rousseau y avait travaillé deux
années, laissant peut-être déjà pressentir cette touche tapotée,
inquiète, dont il devait abuser dans ses œuvres dernières.

A l’exception de Théophile Gautier, qui conserva toujours
quelque faible pour ce paysage2, on ne voulut voir dans sa végé-
tation pléthorique qu’un chaos d’autant plus indéchiffrable que
l’ombre en était absolument exclue et n’y venait ménager à l’œil
aucun repos. Rousseau avait poursuivi la solution d’un difficile
problème qui le hanta jusqu’au terme de sa carrière : montrer la
nature sous cet éclairage perpendiculaire du jour quand il est par-

1. Souvenirs de Th. Rousseau, par Alfred Sensier.

2. Voir Gazette des Beaux-Arts, 1860, t. I, p. 286.
 
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