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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 9.1913

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Nr. 6
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Hautecoeur, Louis: Les Salons de 1913, 2, La peinture aux salons de la Société Nationale et de la Société des Artistes Français
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https://doi.org/10.11588/diglit.24886#0538

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LES SALONS DE 1913

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conception du portrait. Son ensemble familial est d’une admirable
composition; le père, de son bras, entoure le fauteuil de la mère,
contre qui se pressent les tilles et qui tient le dernier-né, tandis
que, derrière elle, les garçons se dressent souriants. Qu’on compare
ce tableau h celui de M. Gabriel Ferrier, et l’on sentira toute la dif-
férence. Ici on ne voit involontairement que la robe de bal de la
mère, les cols de dentelle des enfants, l’uniforme du père; là on ne
considère, à travers cette atmosphère d’intimité, que les regards,
les expressions. Les modèles de M. Ferrier nous restent indifférents;
nous croyons connaître ceux de M. E. Laurent. Mêmes qualités dans
le portrait de jeune femme : l’attitude, le sourire des yeux et des
lèvres, tout cela est indiqué sans prétention, en demi-teintes; fous
les modèles élus par M. Laurent participent à sa subtilité.

Ces recherches d’intimité, nous pouvons les signaler chez
d’autres peintres, chez M. Cottenet, Mme Howe ou M. Renaudot. Sans
aller, comme M. G. Plasse, jusqu’à composer le portrait en tableau de
genre, ils estiment que les fonds de M. Donnât, ces dégradés éter-
nellement bruns, sont insuffisants et que le décor judicieusement
choisi peut compléter la physionomie. N’y a-t-il point des affinités
entre le caractère d’une personne et ses couleurs favorites, entre les
sentiments habituels et les objets familiers? Nous sentons que notre
personnalité nous dépasse et que la frontière est incertaine entre
notre être et les choses. « Le domaine de l’âme », a dit M. Maeter-
linck, « s’étend chaque jour davantage. » Ges peintres trouvent aussi,
et peut-être surtout, en ces combinaisons de figures et d’accessoires
des effets qui satisfont leur goût de la décoration.

Peintres de paysages, de scènes ou de portraits ne montrent donc
pas en ces Salons les mêmes désirs de renouvellement technique
que les Indépendants; ils nous intéressent parce qu’ils tentent avec
des procédés éprouvés de rendre des sentiments qui depuis plusieurs
siècles émeuvent nos âmes. Classiques, ils se plaisent aux harmonies
de composition; romantiques, ils voient dans la nature les tragédies
de la lumière et de l’ombre, de l’eau et du vent, ou bien ils s’amusent
aux étrangetés pittoresques de l’Orient ; décorateurs, ils simplifient
les couleurs, atténuent les tonalités, balancent les masses, courbent
les lignes, et toujours leurs efforts méritent l’estime quand ils tendent
non pas à obtenir une médaille ou des applaudissements de mauvais
aloi, mais à dire leurs émotions d’hommes et leursjrêves d’artistes.

LOUIS TIAUTECOEUR

[La suite prochainement.)
 
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