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N* 3.

15 Février 1883.

Vingt-cinquième Annee.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M AD. SIRET.

MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROY. DE BELGIQUE, ETC.

PARAISSANT DEUX FOIS PAR MOIS.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS

ÉTRANGER : 12 FR.

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a st-nicolas (Belgique).

SOMMAIRE. Beaux Arts : Le-manuscrit de Dante
illustré par Botticelli. — Exposition du cercle
des beaux-arts de Gand. — Artistes précoces :
Jeanne Martin. — Dictionnaire des opéras de
Clément. ■ - Nécrologie française. — Chronique
générale. •— Cabinet de la curiosité. — Diction-
naire des peintres. — Annonces.

Beaux-Arts.

LE MANUSCRIT DU DANTE,

ILLUSTRÉ PAR SANDRO BOTTICELLI,

provenant de la collection HAMILTON.

Le gouvernement prussien en se rendant
acquéreur delà collection des manuscrits du
duc de Hamilton, est devenu en meme temps
le propriétaire heureux et envié d'une véri-
table perle : je veux parler du manuscrit de
la Divine Comédie du Dante, illustré par un
des maîtres les plus en renom de la première
renaissance florentine : Alessandro Botti-
celli.

Ce trésor bibliographique, indépendam-
ment de sa valeur artistique, constitue encore
une véritable découverte au point de vue de
l'histoire des arts : il fournit de précieux do-
cuments chronologiques et jette de la lumière
sur plusieurs points obscurs, notamment sur
le rapport qui existe entre les dessins origi-
naux de Botticelli et les gravures sur cuivre
que la tradition attribue à Baccio Baldini et
qui ornent l'édition florentine du Dante,
parue en 1481.

L'authenticité du précieux manuscrit est
surabondamment prouvée : non seulement
le style et le caractère du maître se recon-
naissent au premier coup-d'œil, mais même
sa propre signature se trouve apposée au des-
sin qui se rapporte au XXVIIIe chant du
Paradis. L'artiste a choisi le. moment où
Dante contemple les neuf chœurs des anges
et où Béatrice lui explique cette vision. Un
des anges des groupes intérieurs porte une
tablette sur laquelle on lit : Sandro di Ma-
riano, en caractères pareils à ceux des notices
qui sont écrites sur quelques autres feuilles
du Codex. Or, le maître était connu sous le
nom de Alessandro de Mariano Filipepi.
Une nouvelle preuve, s'il en était besoin,
nous serait fournie par une sorte de compila-
tion d'un anonyme de la fin du XVIe siècle.
Dans sa : Notizie de pittori fiorentini da Ci-

mabue a Michelangelo (Ms. Gaddiano n° 17,
cl. XVII), conservée à la Bibliothèque na-
tionale de Florence, il dit, par rapport à
Botticelli : Dipinse et storio un Dante in
cartapecora (peau de mouton) alarenzo di
piero lrancesco Modici, il che fu cosa mera-
vigliosa tenuto.

Il ne peut y avoir de doute que cette no-
tice se rapporte à notre manuscrit. Ce Lo-
renzo était le fils de Pierfrancesco, d'une
ligne collatérale des Médicis. Il naquit en
1456 et mourut et i5o3. La question de sa-
voir s'il entra vraiment en possession de
l'oeuvre ou s'il en attendit l'exécution jusqu'à
sa mort, demeure sans réponse. La dernière
hypothèse est toutefois la plus vraisemblable
et s'appuie sur le fait que les dessins de Botti-
celli ornent le manuscrit, achevé quant ait
texte, seulement jusqu'au XXXe chant du
Paradis, il aurait donc négligé les trois der-
niers chants. Cela donne le champ libre à
toute espèce de conjectures, mais dont aucune
ne nous conduirait à un but certain.

On pourrait plutôt encore attacher quelque
valeur à une notice de Vasari, dans laquelle
il dit que « Botticelli commenta une partie
du Dante et en illustra l'Enfer de dessins
qu'il fit graver; il perdit beaucoup de temps
en s'occupant de cela, négligeant ses autres
travaux, ce qui fut la cause de grandes per-
turbations dans sa vie. »

Comme d'ordinaire, même dans les don-
nées les plus confuses de Vasari, se trouve
un grain de vérité; nous pouvons en conclure
que le souvenir de l'œuvre de Botticelli, re-
gardée dès lors aussi bien qu'aujourd'hui
comme très considérable, s'était conservé
parmi les artistes florentins. Il est, du reste,
très vraisemblable que Botticelli ait négligé
ses travaux ordinaires pour une œuvre qui
l'intéressait personnellement au plus haut
point, d'autant plus que l'exécution des des-
sins constituait un travail long et difficile. Si
vraiment il n'est pas parvenu à livrer son
œuvre à celui qui la lui avait commandée, ou
bien si elle avait été interrompue par la mort
de Laurent de Médicis (le jeune), ces deux
circonstances concourraient à nous expliquer
le mauvais état des finances de l'artiste. Pro-
fondément absorbé dans la contemplation
habituelle des mystères de la Divine Comé-
die, son esprit naturellement spéculatif peut
s'être trouvé disposé par là à recevoir les doc-

trines de Savonarole. Il se rencontrait là avec
son protecteur, ce Lorenzo de Médicis, qui,
après le bannissement de sa famille en 1494,
était resté à Florence, comme adhérent du
parti populaire et y vivait sous le nom de
Popolani. Ce Lorenzo joua aussi le rôle de
Mecène à l'égard de Michel Ange, ce qui
nous est prouvé par une lettre de ce dernier,
qu'il écrivit le 2 juillet 1496 à Lorenzo, sous
le couvert de Botticelli. La statue de Saint-
Jean-Baptiste, actuellement au Musée de
Berlin, et que Michel-Ange dédia à son bien-
faiteur, ne laisse subsister aucun doute à cet
égard.

Ainsi le Dante de Botticelli présente un
puissant intérêt, non seulement biographique,
mais encore au point de vue de l'histoire des
Beaux-Arts : il nous apparaît comme le pro-
duit de ce puissant mouvement à la fois civil
et religieux qui se fit sentir à cette époque et
que les hommes de génie suivirent avec
ivresse. C'est précisément à cela et non ail
hasard, qu'il faut attribuer la grande diffé-
rence que l'on remarque dans le caractère des
dessins illustrant les divers chants : pendant
que ceux de l'Enfer et du Purgatoire se bor-
nent à rendre la pensée du poète sous une
forme réaliste et purement matérielle, les
compositions du Paradis s'élèvent au con-
traire à une hauteur de conception," à une
largeur d'exposition et décèlent une profon-
deur de sentiment que le seul caractère de
l'œuvre poétique ne suffirait pas à expliquer.

Une autre question qui se rattache à ces
compositions dantesques de Botticelli est
leur rapport avec la série des gravures bien
connues, attribuées au florentin Baccio Bal-
dini. Elles ont paru dans l'édition du Dante,
publiée à Florence en 1481, laquelle était
pourvue d'un commentaire par Cristoforo
Landino. Vasari dit expressément que Botti-
celli illustra l'Enfer du Dante et qu'il fit ré-
pandre ces illustrations au moyen de la gra-
vure. On avait admis jusqu'ici que l'œuvre
de Baldini reproduisait les dessins de Botti-
celli. la réapparition du fameux manuscrit
original ne laisse plus de doute à cet égard,
et c'est là une de ses conséquences les plus
importantes. C'était l'intention de l'impri-
meur de cette édition du Dante d'orner le
poème tout entier de gravures sur cuivre. A
cet effet, des pages blanches avaient été mé-
nagées aux endroits indiqués afin de pouvoir
 
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