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_ 10 —

ma marchandise sous le pavillon dont vous
a couvert M. l'avocat. Et maintenant en-
trons.

On en pensera ce que l'on voudra, mais
j'aime ces jeunes tout plein. J'étais arrivé de
Francorchamps à Bruxelles tout d'une traite,
seul cette fois, mon neveu Porphyre gardant
la maison avec mon vieux Piro; j'étais arrivé,
dis-je, avec l'idée que j'allais avoir affaire à
d'incorrigibles gamins ainsi que je l'avais lu
dans un papier public bien pensant et voilà
que pas du tout, ces gamins sont pour la
plupart des hommes avec lesquels il faudra
compter, non pas plus tard mais tout de suite.
Ah! mais c'est ainsi. (Tiens, justement Ha-
messe est un de ceux-là.)

Si j'avais eu l'intention, cher Directeur,
de faire cet atroce calembourg, je vous en
demanderais pardon, mais comme je suis
aussi innocent qu'un juge de paix en fonc-
tions, je ne m'en accuse ni ne m'en excuse ;
il y a comme cela des fatalités de rencontre
qu'on ne peut éviter, c'est le sort.

J'ai parcouru les deux salons y compris le
couloir-purgatoire de rigueur où gémissent
les œuvres de blanc, de noir et d'eau colorée.
Oui, je les ai parcourus avec une satisfaction
que je voudrais transfuser dans votre esprit.
Ces mêmes salons témoignent en ce moment
d'un retour très accentué vers les oeuvres
fortes et j'y trouve, à côté de choses légères
et blâmables, des choses d'une santé de fer
dont nous allons parler.

D'où vient cela? Il y en a qui me disent
que L'Essor s'est épuré par la scission. Car
vous savez qu'il y a eu scission et que les
vingt sortis de la communauté vont faire
ménage à part. Je ne pense pas qu'il faille
attribuer à cette cause l'amélioration que je
signale, car en supposant que les vingt qui
ont entonné la Marseillaise eussent participé
à cette exposition ci, en quoi l'importance en
eut-elle été diminuée?

Quoiqu'il en soit, me voici tout d'emblée
attiré par un immense triangle en plâtre re-
présentant le fronton de l'hospice d'Uccle,
par M. Julien Dillens. Je suis tout d'abord
frappé du caractère intime de cette composi-
tion. Une femme assise reçoit des orphelins
que lui présente une autre femme. Celle ci,
je le veux bien, n'a rien de sculptural, mais
elle est dans le génie de l'ensemble et ne
heurte en rien le bon goût. La femme assise
est une création noble et grande qui a toute
la signification d'un poème Les enfants sont
magistralement traités et il y a là des élance-
ments géniaux qui donnent une très haute
idée du tempérament de M. Dillens. Ce
fronton n'a rien d'absolument académique ni
de réaliste, il tient des deux et, ainsi com-
prise et exécutée, la fusion se comprend. A
mon sens c'est ce que M. Dillens a fait de
mieux, et, chose bizarre, c'est ce que ses
amis maladroits exaltent le moins. J'ajou-
terai que, dans les enfants surtout, j'ai ren-

contré un dessin facile et correct.

J'ai aussi été soudainement ému d'une
peinture d'un M. Toorop. C'est étrange. Son
Enterrement présente un groupe d'ouvriers
parfaitement saisis et très expressifs. Je ne
parle que du groupe principal, le reste est
lâché à l'excès et n'a, en vérité, qu'une valeur
très discutable ; mais ce qu'il y a d'ému dans
le groupe essentiel est intraduisible ; j'aime
beaucoup moins les autres productions de
cet artiste et je ne m'y attarderai guère ; Yen-
terrement me suffit. Je n'ose encore me pro-
noncer sur le coup de pinceau de ce jeune
homme, c'est le côté faible, me semble-t il
malgré le chic voulu que j'y remarque. Poul-
ie moment je n'ai voulu signaler que les
qualités d'expression. On verra plus tard pour
le reste.

M. Frédéric (Léon) dans ses Femmes à
loques a fait un progrès sérieux. Son coloris
est plus corsé et sa pâte plus travaillée. Le
dessin est faiblot encore. Je m'imagine que,
si cet artiste voulait s'enfermer pour de bon
et ne point céder au côté faible de sa nature,
il parviendrait à un résultat inattendu.
Quant à lui demander des sujets plus dignes
de l'art qu'il professe, c'est inutile pour le
moment. La mode est aux ouvriers ou
aux travailleurs, comme on voudra. C'est
tout à fait insensé, mais c'est ainsi. Le neveu
Porphyre me disait un jour avec un semblant
de raison que c'était à la mode parce que c'est
plus facile et que sous la misère des haillons
les artistes cachaient les misères du talent.
Eh! Eh! il se pourrait qu'il y eût dans cette
remarque une poignée de vérités. Si ces mes-
sieurs du bastianisme étaient francs, ils en
conviendraient peut-être. Attendons que la
mode change et nous verrons. Il y a dans les
autres tableaux de M. Frédericq de bons
passages, mais généralement c'est peu inté-
ressant et certains effets à la Daubigny, à la
Corot, sont trop visiblement cherchés pour
ne point faire sourire le véritable amateur.

L'un des plus forts d'entre tous ces jeunes
gens est évidemment M. Georges Lemmen,
qui ne cherche pas, mais qui trouve. Son por-
trait de femme regardant à droite est une
petite perle. C'est peint serré, dessiné nette-
ment et colorié sainement. Le sang, la vie et
la pensée s'agitent dans ce petit morceau qui
semble compris à la façon des Durer et des
Holbein. Tant il est vrai de dire que c'est
toujours par la simplicité vraie qu'on arrive
à empoigner son public. Je ne sais ce qui
adviendra de M. Lemmen, mais à supposer
qu'il ne franchisse même pas l'horizon qu'il
a devant lui, il sera bientôt la coqueluche
des gens sérieux.

M. Léon Herbo qui n'est plus absolument
un jeune que de nom, se présente avec un
contingent de portraits où de nouveaux pro-
grès s'accentuent carrément. On croirait
même assister à l'éclosion de facultés nou-
velles qui sont de véritables surprises. C'est

décidément un portraitiste très habile et qui
fait allègrement sa trouée.

Beaucoup de naturel dans Y Abandonnée
de M. Laboulaye. C'est une scène où le dé-
tail l'emporte sur le sujet obscur par lui-
même. Les personnages qui meublent le ta-
bleau sont très vivants et peints dans la
gamme voulue. A dire vrai le coloris semble
ici un accessoire dont on n'a cure que parce
qu'il doit représenter la nuance des objets,
mais aucun calcul, aucun effet, aucune loi
n'a été observée à cet égard. Je dirai même
plus, l'absence de toute pondération a jeté
dans la masse une tache rouge très désagréa-
ble à l'œil Je veux bien que, dans un sujet
de ce genre, l'absence des conventions de
couleur soit de mise, mais c'est à la condi-
tion que le peintre ne rompra par lui-même
l'inharmonie de son système.

Voici encore un artiste d'une belle force et
d'une telle souplesse qu'il me trouble. C'est
M. Halkette. J'ai admiré, c'est le mot, ses
copies. 11 y a dans la façon dont celles-ci
sont exécutées un tact prodigieux sans comp-
ter que toute une école, tout un siècle, s'y
manifeste et que, pour en arriver à ce point
d'assimilation, il faut une nature exception-
nellement douée. Ce Botticelli est renver-
sant, et ce Watteau, et ce Ve'lasquez! Je n'ai
que de l'estime vis à vis de la parfaite hono-
rabilité de M. Halkette, mais si j'en avais
l'autorité je voudrais que tous les gouverne-
ments se cotisassent pour faire à notre
homme une rente colossale pour l'empêcher
d'exécuter des copies dont il est clair, comme
deux et deux font quatre, que l'avenir tirera
parti un jour au profit des voleurs dont vous
avez, ô cher et aimable vieillard, entamé
l'histoire l'autre jour.

Les autres tableaux du même sont inté-
ressants et laissent voir l'étonnante flexibilité
de son pinceau, mais ils font voir aussi que
l'invention n'est pas dans les cartes de son
jeu.

M11'' Georgette Meunier gagne beaucoup
d'acquit. Elle devient coloriste et nous pro-
met une individualité tranchée. M. Bellis
acquiert un pinceau de maître et marche à
grandes emjambées. M. Clarys s'annonce
comme un artiste sérieux que la peu près ne
contente pas. M. Crespin est encore incom-
pris, mais il se formera. M. De Greef se
contente d'indications sommaires qui ont du
charme à l'atelier, mais qui devraient y res-
ter. C'est dommage; il y a là de sérieuses
qualités qu'une plus sévère observance de
soi même rendraient saillantes. M. Franck
voit juste, mais rend trouble. M. Hoeterickx
n'a pas encore fait son chef-d'œuvre, mais,
qu'on retienne ceci, il y va. M. Omer Di-
rickx est un peu dur ; c'est égal, encore un
jeune qu'il faudra surveiller. M. De Greef a
de la verve et du sentiment; il est de l'école
de Fritz dont il a presque les rêveuses mé-
lancolies. M. Evrard donne lui aussi dans
 
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