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N° 18.

3 Octobre 1884.

vin&t-sixième annee.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR : M. AD. SIRET.

MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROY. DE BELGIQUE, ETC.

SOMMAIRE. Beaux-Arts : Le salon de Bruxelles.
Peinture, sculpture, gravure, etc. — Grand con-
cours d'architecture. — Congrès littéraire et ar-
tistique. — Annonces.

Beaux-Arts.

LE SALON DE BRUXELLES.

(Deuxième article).

— Puisque nous voilà au haut de l'esca-
'ier, en face de la Salle N° i (on a bien fait
de substituer les chiffres aux lettres), arrê-
tons-nous. Que vois-je? les Lutteurs de delà
Laing, le lion du jour. Tubleu! mon cher
Gervais, qu'en dites-vous?

— Je dis que voilà un jeune homme dont
ta virilité éclate de partout. Cette bronzaille
(Pourquoi pas? on dit bien grisaille.) où l'on
Pourrait signaler des incorrections, vous em-
poigne par son étrangeté. Quelque chose de
sombre et de grand se dégage de cette mêlée

deux chevaux et de deux hommes. On
dirait qu'un artiste antique a essayé d'assou-
pir dans cette coulée ce qui bouillonnait en
toi. Est-ce un peintre? Est-ce un sculpteur?
Voyez quel dédain du détail, quel besoin
d'oser. Il y a là un Titan, vaincu par sa pro-
pre audace. Mais passons, nous allons le re-
trouver plus loin.

— J'aime assez l'étrangeté d'ensemble de
ta grande toile d'Abry. Je trouve ces trois
Malades d'hôpital très naturellement posés
dans leurs lits sous des couvertures dont les
Plis sont d'un dessin très fort et d'une irré-
prochable exécution. Ces malades ont des fi-
gures en situation. Seule, la physionomie de
Gilbert est un peu effacée. Le parti pris de
ta lumière venant du fond, donne lieu à de
Mystérieuses pénombres—

-- Méthode empruntée à François Fla-
^eng dans ses Girondins et son Camille Des-
nioulins.

— Peut-être, mais je dois vous faire ob-
server que Flameng a pris lui-même cette
disposition à pas mal de ses prédécesseurs,
Notamment Rembrandt Quoiqu'il en soit,
v°ilà une œuvre comprise dans le goût du
)°ur, Roll, Gervex et Cormon ont recom-
mencé à nous doter de ces grandes tartines
ePisodiques où foisonne le talent, mais, en-
c°re une fois, que faire de tant de richesses?
^os musées sont bien petits...

PARAISSANT DEUX FOIS PAR MOIS.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS

ÉTRANGER : 12 FR.

— N'avons-nous pas nos hôpitaux, nos
maisons communales, nos palais de justice,
nos écoles?...

— Oui, mon cher Gervais, je sais tout
cela. Pour le moment fermez le robinet de votre
faconde bien connue sur ce sujet et passons à
M. Broerman qui me paraît vouloir imiter
maladroitement la sculpture antique. Cette
charette sans ressort est bien certainement
construite pour ne rouler jamais ou soumettre
la prêtresse, mère des deux jeunes naïfs qui
poussent quand même, à une torture com-
promettante. Et puis c'est peint dans des tons
peu réjouissants. Bref, vous serez de mon
avis quand j'aurai conclu en engageant
M. Broerman, qui a du talent, à se surveiller
un peu mieux.

— Parfait. Venez donc voir cette jolie
baigneuse.

— Dites donc, Gervais, vous souvenez-
vous de ce personnage de Renaudin de Caen
qui rabache à tout moment; ne me prenez
pas pour ce que je ne suis pas...

— Honni soit qui mal y pense, mais enfin,
la voilà la jolie baigneuse et puisque le jury
l'a admise vous serez sans doute aussi gra-
cieux que lui. Qu'en dites-vous?

— Très jolie, très bien en chair et en ton,
c'est tout à fait la ballade de Hugo en action.
Vraiment cette baigneuse est très bien. L'au-
teur a peint cela très naturellement,sans cher-
cher midi à quatorze heures. C'est plus vrai
que Bouguereau, c'est moins poétique que
Lefèvre, c'est intelligemment fait. L'auteur,
s'il vous plaît?

— Mademoiselle Arosa, de Paris.

— Une demoiselle! vous m'étonnez. Et
Arosa encore. — Gervais, vous plaîrait il de
venir voir avec moi ce Claus qui me fait de
la peine? Je le croyais plus fort. La dernière
fois que je vis quelque chose de lui c'était un
Combat de coqs où se devinait quelqu'un.
Cette Ferme en Flandre me donne envie de
dormir.

— Claus tombe dans l'excès de l'exacti-
tude objective. Je veux bien que les domes-
tiques et les gens même de la ferme vous
aient des airs lourds et stupides, mais pour-
quoi chercher à donner, par esprit d'harmo-
nie, le même air aux choses et à ce mois de
juin si touffu du xr au 3o? Il faut que
cet artiste y prenne garde : à force de vouloir
être vrai, il finira par être froid.

ADMINISTRATION ET CORRESPONDANCE

A S ^NICOLAS (BELGIQUE).

— Ne trouvez-vous cet Assassinat de
Guillaume le Taciturne, de Vinck, un peu
bourgeois ? C'est presque un tableau de genre.
A la décharge de cet excellent artiste, je con-
viendrai qu'il y a dans cette manière de com-
prendre la peinture d'histoire,un compromis
entre la routine académique et le débraillé
moderne.

— C'est égal, mon cher maître, cette œuvre
peinte avec soin, élégance et discrétion, n'est
nullement un tableau d'histoire. Cette ser-
vante qui se désole un peu à froid, ce fond
agrémenté d'une sorte de scène de ménage,
ce je ne sais quoi qui fait ressembler la scène
à une vengeance de mari, ne donne au-
cune satisfaction à la logique de l'événement.
Il y a des choses qui veulent de l'espace et de
la mise en scène.

— Vous avez raison, Gervais, mais con-
venez que c'est de la peinture venue à point
et qu'on s'étonne de rencontrer chez un ar-
tiste qui a laissé de nombreuses preuves des
rutilances de sa palette. —• Ah! voici presque
un nouveau; M. Godding, avec un Beetho-
ven et Léonore au-dessus de ses forces. C'est
honnêtement peint, mais cela manque d'âme.
Le lion de la musique a l'air d'un doux clave-
ciniste et rien n'indique une situation quelcon-
que.—Le Nymphae lotus est encore une de ces
études de couleur que M.Richter fait éblouis-
santes et plus curieuses que sympathiques. Je
veux bien que cet artiste soit un maître et il
l'est, mais cela n'est pas une raison pour être
bien reçu de la foule généralement composée
de ce que les rapins appellent des épiciers.
M- Richter a eu le tort très grand de bien
peindre jadis un tableau mauvais intitulé
Ribauds et ribaud.es que le musée de Gand
a fait la bêtise d'acheter...

— Vous retrouverez ce tableau ici.

— Je suis fâché de l'apprendre et je lui
tournerai le dos à la première occasion. Dites
donc, voici un Marais à Genck d'Assel-
berghs. Trouvez-vous cet artiste en progrès?

— Comme facture, oui. Mais ce marais
n'est pas la meilleure part de son exposition.
Vous le retrouverez ailleurs. Ceci est fait
d'une main sûre et un peu à la diable. Je
vous l'ai déjà entendu dire, mon cher Ger-
vais, nos paysagistes cherchent trop la petite
bête et gâtent les qualités qu'ils ont pour
celles qu'ils veulent avoir. Il y a une fable
là-dessus où l'ombre et la proie. .
 
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