Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
N° 21.

15 Novembre 1884.

Vingt-sixième Annef,

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET.

membre de l'academie roy. de belgique, etc.

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : g FRANCS

étranger : 12 fr.

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a anvers (Belgique) rue albert, 32.

SOMMAIRE. Beaux-Arts : Le Salon de Bruxelles,
peinturef— Le musée archéologique de Gand.
- Un livre de M. Trôltsch. — Chronique géné-
rale et programmes. — Annonces.

Beaux-Arts.

LE SALON DE BRUXELLES.

PEINTURE.

(Suite).

—- MIle Beernaert est à coup sûr parmi
nos femmes artistes la plus sensée et la plus
experte. Quand elle a vu lecole du paysage
a la suite des imitateurs de Corot, se lancer
dans l'à peu près sous prétexte de naturalisme
elle s'est bien gardée de suivre ce mouve-
ment comme tant d'autres. Son sens lui in-
diquait que cela ne pouvait durer et qu on
reviendrait à Rousseau, à Dupré, à Troyon et
aux autres qui seront l'éternel honneur de
l'art moderne. Elle a eu raison; la tourmente
a passé et le bénéfice réel qui en est résulté
c'est qu'elle a balayé une certaine quantité
de recettes adoptées par la routine La vérité
Y a considérablement gagné, mais au fond
la science est restée la même : bien voir, bien
sentir, bien rendre. Mllc Beernaert, elle aussi
s'est débarrassée de poncifs voulus et s'est
mise à profiter des erreurs des autres. Au-
jourd'hui la voilà arrivée à un talent qui ne
se discute plus. Ses paysages ont grand air
et qui plus est, de l'air. Elle n'accepte point,
comme certains, le motif tel qu'il est, elle
choisit et son choix a toujours un ensemble
très harmonieux. Elle a dans la minutie de
la touche moins de talent que Mme Marie
Collart, mais elle a bien plus que celle-ci le
réel sentiment de la nature. Elle regarde de
haut, elle s'étend, elle plane, Mad. Collart
s'irnmobilise et se fige dans un éternel même
tableau. Telles sont les réflexions que me
sUggère le contingent de Mlle Beernaert.
Etes -vous de mon avis, Gervais?

— Parfaitement. En manière de conclu-
sion j'ajouterai que jamais les femmes pein-
tres n'ont autant brillé au Salon de Bruxelles
comme aujourd'hui. Voyez...

■—Très-bien, mais hâtons-nous. La route
est longue encore et j'ai beaucoup à dire. Je
vais tâcher d'enrayer mon verbiage et de lui
ltïiposer des formules de brièveté en harmo-
nie avec les circonstances. — Neuckens : ne
trouve pas encore sa voie. — Toorop : Après

Venterrement, un peu imité d'Israels, un peu
négligé, un peu vide et pourtant il y a là un
talent qui devrait s'observer. — Mayné, trop
trivial de composition et de touche. —
L. Frédéric. Les Jumeaux, un des plus
mauvais tableaux du Salon. Ce n'est pas moi
qui l'ai dit le premier. — Uhde, les Tam-
bours, original, mais sec, transparent, bleuté.
— Petit, genre Plumot, moins précieux. —
Van Biesebrouck, excellent portrait à tous
égards. —■ Herbo, portrait très ressemblant,
un peu froid de lumière. — P. Oyens, Ger-
ritje, femme de pêcheur, peu digne du pein-
tre. — Van Gelder, la Complainte, du der-
nier... Craesbeek. — Terlinden, Après 1793,
peinture lâebée qui prouve du talent, mais
je ne comprends pas, mais là pas du tout, le
sujet. - - Beraud, jolie petite Brasserie, prise
sur le fait au moral comme au physique. —
Stallaert, Tête de femme, charmante, d'un
galbe exquis et d'une peinture habile. —
Serrure, plus moelleux que d'ordinaire, ta-
bleau agréable et finement touché. Seulement
la dame du piano a l'air très ennuyée de don-
ner le la-, il faut croire qu'il y a longtemps
que cela dure. ■—• Van Havermaet. Il serait
vivement à désirer que cet artiste eût une
pratique moins monotone et apportât plus
de distinction dans ses poses et ses airs de
tête.

Parmi les dames fleuristes je remarque
Mad. Boch pour l'audace tintamaresque de
son talent qui gagnerait à plus de mesure;
Mlle Alice Brouwer, d'une rare vigueur dans
ses Fleurs et Fi-uits, bien posés ; MUe De
Vigne qui abuse de son succès jaune et qui de-
vrait modeler davantage ses fraîehes poseuses.
Dans cette Salle M. De Keghel se fait parti-
culièrement remarquer par un brassée d'aza-
leas où le jeu de l'ombre et de la lumière est
délicieusement rendu... Eh bien, Gervais, où
donc êtes-vous?

— Ici, maître, je me délecte à ce tableau
d'Albert De Vriendt : Le Pape Paul III de-
vant le portrait de Luther. Quel poème dans
ce regard et ce rictus amer qui plise la lèvre
du pontife! M. De Vriendt nous donne ici
une preuve saillante de la manière dont il
comprend le grand art : en effet, n'est-ce pas
une oeuvre géniale que celle qui vous met
sous les yeux et dans l'âme, par une merveil-
leuse synthèse, l'histoire la plus émouvante
qui ait remué les dix-huit siècles de notre

ère? L'Eglise et la réforme en présence, Paul
et Luther. Quel écroulement social n'entre-
voit-on pas dans cette page? que de sang!
que de larmes ! que de cataclysmes encore
enfouis dans les ténèbres de l'avenir! Ce ta-
bleau est un livre effrayant. Et comme tout
concourt à la puissance de la scène. Ce calme
au milieu duquel on croit entendre battre le
cœur du pontife lutteur, ce jour mystérieux
correspondant si intimement aux préoccupa-
tions songeuses du chef responsable de la ca-
tholicité, cette sobriété de détails qui ramène
l'œil et la pensée à la question et, au milieu
de cette pénombre vague et chaude, dans ce
milieu de silence et de recueillement, ce por-
trait de 1 homme qui remue le monde... Ah !
cher maître, tenez, c'est pour moi la véri-
table perle du Salon,par sa simplicité comme
par sa signification, par sa parole muette
comme par l'étrange éloquence de sa com-
position.

M. Charlet me fait l'effet d'un jeune Her-
cule qui veut hâtivement soulever des poids
trop forts pour ses muscles. Sa Forge est un
essai, je le veux bien, mais ce n'est que cela.
Cet artiste se place d'emblée devant des dif-
ficultés de tout genre. Quand il les aura
vaincues nous applaudirons de bon cœur. —
Le Bandit de M. Linden est superbe dans
toutes ses parties. Combien il est regrettable
qu'une chose si bien exprimée ne vous dise
rien ! — M. Nys dans son Jour de paie a des
réminiscences éloignées de l'école de De
Groux. - M,le de Villermont fait de grands
progrès...

— Remarquez vous, Gervais, qu'à l'ex-
ception d'une seule, toutes ces dames habi-
tuées de nos expositions, sont en progrès,
tandis que le sexe fort, ainsi appelé de sa
puissance à satisfaire ses passions, dans beau-
coup de ses représentants marche à reculons.
Qu'est-ce à dire? Est-ce que l'homme serait
en décadence?

— En douteriez-vous, maître? La femme
compte dans la civilisation une place de
plus en plus prépondérante et si la gent
à barbe n'y prend garde... mais où nous
égarons-nous? Rentrons dans notre chemin
et venez avec moi admirer ce fin portrait
d'une jolie femme, en pied, d'une tonalité si
fine et si distinguée que je ne trouve nulle
part sa pareille. Voyez donc quelle simplicité
élégante ! comme ce satin est merveilleuse-
 
Annotationen