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ET DE LA LITTÉRATURE.

DIRECTEUR: M. Ad. SIRET.

membre de l'académie roy. de belgique, etc.

SOMMAIRE. Beaux-Arts : Un nouvel Isme. —
Avis. — Histoire de voleurs, les armes. — Gilde
de St-Thomas et de St-Luc : monographie de
St-Christophe. — Supplément au dictionnaire des
peintres. — Le buste de Rubens au jardin du
musée d'Anvers. — Collection Landtsheer, à
Amsterdam (vente). — Collection Ravestein. —
Chronique générale. — Cabinet de la curiosité.
— Annonces.

Beaux-Arts.

Un nouvel ISME.

Cher Directeur,

J'ai eu à me rendre à Paris à la fin du mois
dernier pour me pourvoir chez Vilmorin des
nouveautés florales de la saison. Passant ave-
nue de l'Opéra, je vis une affiche annonçant
une exposition des œuvres de Jean-François
Raflaelli. On vendait à la porte 1111 catalogue
illustré suivi d'une étude des mouvements de
L art moderne et du Beau Caractériste. \ous
comprenez que je tombai en arrêt devant cet
fléchant menu. J'achetai donc le catalogue,
i entrai, m'assis et, avant de regarder, je lus.

Jamais, cher Directeur, jamais compote
Philosophique plus roide à avaler ne fut servie
au public.

Le Caractérisme, voilà le nouveau mot et la
nouvelle chose inventés par M. Raflaelli (rien
de Sanzio).

Le Caractérisme! Voici comment M. Raf-
faelli explique la chose que le mot désigne :

« Le beau Caractériste est un mode d'action
Judiciaire de toutes les manifestations de la
'iberté. »

0 mon Dieu ! nous avions déjà le réalisme,
'R naturalisme, l'expressionisme, le sensibi-
"sme , l'impressionisme, l'émotionisme, le
Cl'étinisme, voici venir le caractérisme.

Demain ce sera le gâtisme.

A moins que ce ne soit aujourd'hui.

Donc, le beau caractériste est un mode
d action judiciaire de toutes les manifestations
de la liberté.

G est évident. Ceux qui ne comprennent
t)ils n'ont qu'à lire la brochure de M. Raflaelli.

qu'il y a de plus clair dans tout cela c'est
Jlue l'auteur nie tout. Les corps, le modèle,
es membres, le contour, le galbe, rien de tout
Cela n'existe. Nous le savions déjà bien un peu,
''la's combien ces niaiseries sont mieux
1 énoncées depuis que M. Ralfaelli s'en mêle.

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : 9 FRANCS.

étranger : 12 fr.

0 Manet, du haut du ciel, ta dernière de-
meure, tu dois être... vexé, car enfin tu n'es
qu'un bien petit garçon à côté de ce diable
d'homme qui caractérise toutes (?) les mani-
festations (?) de la liberté (?) par 1111 mode (?)
d'action judiciaire (??).

Que vos lecteurs me pardonnent si je me
vois forcé de donner quelques extraits de
cette brochure. 11 est nécessaire qu'on ait une
idée suffisante du degré d'anarchie auquel on
est arrivé au xixe siècle, où dans le domaine
de la pensée, malgré tant de progrès réalisés,
on tombe de plus en plus bas.

Le caractère est le beau essentiel, à une épo-
que positiviste.

Le beau caractériste doit être en même temps
le beau naturel, le beau intellectuel, et le beau
artistique, menant comme fin au beau moral. —
Le beau caractériste doit être un mode d'action
judiciaire de toutes les manifestations de la li-
berté.

Dans une démocratie, l'homme, participant à
la législation, en puissance de son libre arbitre,
de sa libre pensée, est libre, autant que le temps
le veut; nous devons tout attendre de lui. Lui
seul est progressiste désormais, et, s'il est vrai
« qu'on ne fasse rien de bien, que ce qu'on fait
librement» nous avons tout à attendre de ce
mouvement dans notre société. — Cet état social
de liberté constitue et entraîne un développe-
ment de plus en plus puissant de Y Individu.
c'est-à-dire de l'homme abstrait. La liberté, la
sécurité publique, permettant aux hommes de
s'abstraire, crée des individus. L'individualité,
donc, est le fruit même de la liberté. L'individua-
lité, entièrement comprise, est un tout conscient,
dans le développement de son unité; cette idée
suppose un entendement large des choses et des
idées.

Il faut absolument comprendre cela avant
de comprendre M. Raflaelli. Seulement c'est
difficile. Pour ma part je ne saisis pas l'en-
chaînement des idées. Je remarque que l'au-
teur a une philosophie très individuelle et
qu'il semble vouloir que chaque individu ait
la sienne. Que devient dans tout cela l'unité
de la logique générale?

Les sociétés en civilisation donnent à l'homme
dès aujourd'hui une justice et une protection
suffisante à l'étude; l'étude a conquis des lois. Le
temps des moralistes, civilisateurs d'hier, est

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE
a s ^-Nicolas (Belgique).

passé. Le temps des légistes commence, parce
qu'il n'en est pas parmi nous qui ne connaisse ou
ne puisse connaître par des études, de grandes
séries de lois établies déjà scientifiquement.

Le temps des légistes? Mais alors nous
allons aboutir à un océan de gendarmes!

La recherche, par les arts, des caractères, doit
être la recherche des lois morales et physiques
déterminant les individualités et les phénomènes
de la nature.

Ce rôle des arts est nouveau. Si c'était
encore celui des sciences annexées à la litté-
rature, celtf se comprendrait. Mais les arts ont
une autre mission, par exemple celle de char-
mer et de plaire. Jusqu'à présent du moins on
l'avait compris ainsi. J'avoue que l'art de
M. Raffaelli, semblable à celui de Manet, est
loin de charmer et de plaire. Après cela, le
public est si bête !

Voici une description de M. Ingres. Je vous
la recommande.

Homme naïf et violent; grand artiste dans ses
admirables caricatures du duc d'Orléans et de
M. Bertin; artiste ambigu dans Madame Moites-
sier, Cybêle par la tête et soiries de Lyon par la
robe; disciple de David et romain dans le Por-
trait de Barthotini ; absurde d'invention, dans
les proportions qu'il s'était données, et de fac-
ture, dans celui de Cherubini; d'un bon grec
dans son Apothéose d'Homère; de l'école de
David dans son Saint-Symphorien ; statuaire
grec dans sa Source ; d'art académique dans ses
dessins pour la Chapelle de Dreux et son Vœu
de Louis XIII; d'art tout à fait insupportable
dans son Saint-Pierre, son Angélique au goître
ou sa Jeanne d'Arc en fer blanc, Ingres, qui ne
fut qu'un esprit malade des traditions dont il
s'était bourré en provincial et qui ne laisse pas
un morceau d'art qui soit vraiment français; in-
quiet et aigre de la poussée des idées qu'il sen-
tait gronder autour de lui, ne laisse, de ses hési-
tations et de ses colères entêtées, que le souvenir
d'un homme qui aima passionuément son art et
fit des portraits à la mine de plomb....

Qu'en dites-vous? Voyez la contradiction :
Ingres est à coup sûr le caractère le plus indi-
viduel de l'école française. Qu'on ne l'aime
pas, soit, mais c'est un caractère. A ce titre
il devrait être l'enfant chéri de l'auteur, mais
 
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