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— 34 —

Pepinster, Spa, Vanne et une foule d'autres
localités dont plusieurs en Prusse. Nous y
avons des points de vue du plus radieux effet
sans compter ceux dont nous jouissons dans
les personnes de MM. Jottrand et Bouvier
que nous avons rencontrés plusieurs fois cette
année sur la belle route de Vieilsalm à Sta-
velot. Nous avons aussi de vertigineux effets
de soleil couchant et levant, à la Claude Lor-
rain C'est le nom d'un vieux, Mademoiselle,
qui a peint ces deux moments du jour avec
une perfection inouïe, mais il faut croire que
de son temps le soleil avait une autre façon
d'éclairer la terre car aujourd'hui on nie
Claude Lorrain, comme, du reste, tout ce
qu'on ne comprend pas. Le vent dans nos
contrées est âpre, l'aspect solennel, austère,
immense, sauvage; il est impossible dans ces
vastes, parfumées et sombres solitudes, de ne
pas sentir une âme en soi et un Dieu au de-
hors.... Je vous demande pardon, Made-
moiselle, de vous parler de ces choses; je
tâcherai que cela ne m'arrive plus. Il faut se
montrer indulgente pour ces pauvres vieux
que leurs parents ont fanatisés à ce point
qu'ils ont encore des croyances. Or, la femme
est l'être indulgent par excellence et je compte
que vous voudrez bien vous en rappeler, et
maintenant et plus tard, si je retombais dans
les mêmes fautes.

Nous sommes trois ici, (mon petit Bastien
est en pension) tous amateurs d'art jusque
dans les moelles ; mon neveu Porphyre, un
statuaire de grand talent qui travaille en ce
moment à une allégorie de la Jeune Bel-
gique sur laquelle nous ne sommes pas
d'accord, à cause du costume; mon jardinier
Piro (autrement dit Pirotte), un paysagiste
de première force. (Vous saurez son his-
toire un de ces jours); et enfin moi, moi
qui après une vie agitée, active et peut-être
utile, me repose et jouis dans un bien-
être immense de la beauté des œuvres du
Créateur (hum !) et de la créature. Ma mai-
son est bondée d'œuvres d'art. Dans mon
salon j'ai un portrait en médaillon peint
par un nommé Ingres; une esquisse repré-
sentant un dragon blessé, par un autre artiste
du temps passé, appelé Géricault; une jolie
aquarelle de Paul Delaroche, puis d'autres
œuvres encore dont je ne vous parle pas parce
que vous n'en connaîtriez pasles auteurs. Ah !
j'ai aussi unTrouillebert que Piro, (le finard !)
m'a rapporté de Paris pour me prouver que
rien n'est plus facile à manipuler qu'un Corot.
Entre nous, j'ai comme un pressentiment
que ce paysage a été fait par Piro. Dessins,
eaux-fortes, bibelots, constellent mes murs et
mes étagères et des portefeuilles baillent dans
tousles coins et derrière tous les meubles. Les
parois des vestibules sont striées de vieilles es-
tampes. (Mais pardon! vous rougissez? j'ou-
bliais que l'art moderne seul existe.) Bref,
notre maison est un musée et nous n'avons
pour nous réfugier que la grande cuisine,

mais quelle cuisine ! C'est là qu'en hiver après
que Porphyre a tripoté sa maquette,que Piro,
excellent légumiste, a perfectionné ses plates
bandes dans les serres et que votre respec-
tueux interlocuteur a chassé, péché et circulé
uu peu partout, c'est là que nous nous réu-
nissons le soir, autour d'une vaste table sau-
poudrée des journaux d'art venus dans la
journée, que nous discutons avec une indé-
pendance sans frein et des mouvements ora-
toires dignes d'une tribune publique, que
nous constituons des mondes de tout genre,
art, philosophie, médecine, sociologie, pisci-
culture, chasse, religion, politique, biologie,
sciences naturelles, chimie, que sais-je, tout
en culottant des tronçons de pipe et en bu-
vant du grog chaud jusqu'à ce queTantêche
(ma robuste et sanguine cuisinière) vienne
poser, au milieu de nos conversations, une ou
deux douzaines de grives cuites à la cocotte
et flanquées d'un boisseau de coenes de gattes
pétées à la namuroise. Après quoi on redis-
cute, on reboit du grog et on reculotte des
pipes. Porphyre avec son couteau taille des
bonshommes qui doivent représenter Jot-
trand et Bouvier dans l'épanouissement de
divers sentiments intimes et politiques ; il y
en a une banse toute pleine. Piro peint les
fleurs qu'ils voudraient inventer et moi je
regarde voleter les mouches en songeant au
passé, car il y a un passé, Mademoiselle,
soyez-en sûre, vous le sentirez un jour à vos
larmes. Vers minuit on va se reposer. Moi je
rêve à mes rêves, Porphyre au costume de la
Jeune Belgique et Piro étudie le moyen de
modifier, par une culture méthodique et rai-
sonnée, les principes gazeux du haricot, sou-
vent indigeste.

Si jamais, Mademoiselle, la destinée, ou
toute autre influence à votre choix, vous con-
duisait par ci, comme nous disons, veuillez
vous rendre de Liège à Pepinster où vous
prendrez le train du Luxembourg qui vous
déposera soit à Trois-Ponts, soit à Grand-
Halleux, soit à Vieilsalm. Là, si vous me
prévenez, vous trouverez ma carriole attelée
de ma belle jument Augusta, une Ardennaise
fieffée de sept ans. Vous serez cahottée pen-
dant 2 à 3 heures en gravissant la voie cail-
loutée fraîchement par Vanne, en côtoyant
les rochers du Diable et vous arriverez au
Trieu-Thomas reconnaissable à une tour
carrée surmontée d'une girouette qui est un
coq en or. Et là, Mademoiselle, soyez-en
persuadée, vous trouverez à qui parler.

Pour votre gouverne, si vous m'honoriez
d'une visite, veuillez en informer l'aimable
vieillard de St-Nicolas, qui à son tour me
préviendrait. Cette information est prudente:
je suis parfois en chasse, à la pêche ou en
voyage, pendant des semaines entières, selon
la saison. En ce moment, je tire la bécasse.

Je termine ici la rédaction de ce certificat
d'identité que je dépose entre vos mains avec
votre gracieuse autorisation, comme dirait

M. Louis Hymans, et veuillez recevoir, Ma-
demoiselle, l'assurance des sentiments dont
la nature dépendra de la manière dont vous
accueillerez la présente.

PIERRE GERVAIS
Ex-dragon, Ex-professeur, Ex-époux,
Propriétaire et Compte-rendiste du
Journal des BeauxArts.
Du Trieu-Thomas (aux Fagnes).
io Mars 1884.

LA. PEINTURE FLAMANDE
pau À. J. Wadters.

(Fin).

LeglorieuxRubens forme le chapitre XVII.
Je n'y trouve rien de neuf, mais j'y rencontre
tout ce qu'il faut. Notre grand maître y est
toisé à sa taille et je pense que, sous le rap-
port du peintre, nous n'avons plus rien à
apprendre de plus. Un jour peut-être les ar-
chives nous révéleront-elles le mystère de
sa naissance et quelques secrets diploma-
tiques, mais ce seront là choses alléchantes
pour le patriotisme de clocher et auxquelles
l'art ne devra rien. Les 8000 lettres écrites
par Rubens (chiffre énoncé par M.Ruelens)et
dont 150 seulement sont publiées, ne nous
diront guères plus que ce que nous savons
du gran 1 Anversois qui, après avoir écrit,
rentrait à l'atelier, saisissait ses brosses et.
suivant la belle(??) expression d'Henri Taine,
soulageait sa fécondité en créant des mondes.

Sans doute il est très flatteur pour notre
amour propre de voir reproduire l'opinion
des meilleurs écrivains français sur Rubens,
mais il me sera permis de dire à M.Wautei'S
qu'il a suffisamment compris et analysé Ie
talent du maître pour ne pas devoir appelé''
à son secours d'autres apologies. A ce compta
il aurait dû faire la part plus grande
l'étranger et remonter très haut dans les
appréciations prononcées sur Rubens pal'
l'Europe artiste. Il eût été curieux et instruc-
tif, en effet, de voir quand a commencé ce'
enthousiasme avant d'aboutir à Fromentin*
Le chapitre suivant consacré à Van Dyc»
résume au mieux cette vie si courte et gl
occupée.Seulement, comme l'étude à laquel'6
nous nous livrous ici a aussi pour objet
mettre les choses à leur place, je dois dire
à M. Wauters qu'il se trompe s'il croit
c'est M. J. Guiffrey qui a fait bonne justice
le premier,des commérages débités à prop°s
des travaux alchimiques auxquels se sera'1
livré Van Dyck. Je sais fort bien que noti'e
auteur ne dit pas que Guiffrey soit leprem$
qui ait fait bonne justice de ces commérages*
mais en ne citant que lui, le lecteur est o?
turellement incité à croire qu'il en est ains1;
or c'est du vivant même de Van Dyck,s
notre mémoire ne nous fait défaut, ou bje
à l'occasion de sa mort que la bonne justfe
en question a été faite. Personne plus
nous n'a en profonde estime M. Jules Gl'1
 
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