PLANCHE PREMIÈRE, NOUVELLE ALLIANCE. 89
épuisé leur mission; et la religion d'attente n'est plus qu'une écorce aride qui tombe à la maturité
du fruit. Elle a conservé l'empreinte du germe précieux qui s'y tint abrité longtemps avant d'éclore;
mais la sève l'abandonne^ parce que ses fonctions ont cessé.
Nous pourrions indiquer ailleurs la source ou la reproduction de ce symbolisme, soit exactement
et presque dans les mêmes termes, soit avec des modifications légères qui laissent subsister tout le fonds.
L'importance de la Glose peut nous en dispenser : c'était une sorte de manuel qui répandait au loin,
durant le moyen âge, certaines idées mises en valeur par sa recommandation.
La double croix et d'autres détails pourraient nous entraîner trop loin en ce moment; il a paru
plus convenable de les ajourner, et même de supprimer tout à fait certaines explications dont la por-
tée ne pouvait être grande (1), ou dont le sens ne se présentait pas avec un caractère de certitude
suffisamment prononcé.
§ XV. JONAS.
49. Jusqu'à présent nous avons rencontré deux significations réunies, mais bien distinctes, dans tous
les souvenirs de l'histoire sainte qui accompagnaient les trois médaillons où apparaît Notre-Seigneur.
Ce n'étaient pas uniquement des prophéties montrant le Messie dans l'avenir, c'étaient en même temps
la réprobation des Juifs et la vocation des Gentils, que les écrivains ecclésiastiques lisaient dans ce chiffre
mystérieux de l'Ancien Testament. Cette marche ne pouvait se démentir cette fois. Jésus-Christ lui-
même, dans l'Evangile, indique Jonas non-seulement comme figure du Fils de l'homme triomphant
de la mort (2), mais comme devant confondre l'aveuglement des Juifs par la docilité qu'avaient ren-
contrée ses paroles dans une cité des Nations(3). Cette mission vers un peuple infidèle, donnée, dès le
temps de l'ancienne alliance, au prophète-type de la résurrection du Sauveur, était une occasion bien
naturelle d'exposer les vues de la. providence divine sur les Gentils; et les SS. Pères n'ont point fait
faute à cette lâche. Us ont montré comme à l'envi l'aveugle présomption des derniers docteurs de
l'ancien peuple, qui se reposaient imperturbablement sur les promesses faites à leurs ancêtres; promesses
dont ils restreignaient le sens au gré de leur orgueil, pour étouffer les terreurs de la conscience et
se rassurer contre les menaces expresses de celui qui était Yattente et le désiré des nations (4). Cette
annonce de la conversion du monde est proclamée de bonne heure par les interprètes primitifs de
l'Écriture et de la tradition. Saint Justin(5) la développe avec cette mâle énergie qui lui est propre;
et quand il nous fait lire dans cette histoire prophétique la réprobation de la Synagogue, il indique
surtout pour cause de cet arrêt l'incrédulité de Jérusalem après la résurrection du Sauveur. C'est qu'il
n'est pas besoin de recourir au caractère poétique du moyen âge pour expliquer comment ce trait de
l'histoire sainte a pris place près du tombeau où triomphe le Premier-né d'entre les morts (6).
Aussi bien, nous l'avons dit, alléguer la poésie qui vit dans les âmes à cette époque, comme une
explication de l'exégèse alors en vigueur, c'est montrer soi-même beaucoup moins de raison que de
préjugé; c'est résoudre par une voie expéditive, mais superficielle et fausse, une question dont l'exa-
men sérieux amènerait un résultat vaste et grandiose(7). Car cette poésie, ou, pour parler plus simple-
corpus non invenitur, sed vivum evangelizatur. >< — Cs. Bed., in guliers du Saint-Sépulcre en Flandre, en Allemagne, en Pologne,
Luc. XXIV, 2 (t. V, 5o4). en Angleterre, etc. Cs. Helyot, Hist. des Ordres monastiques, t. II,
On reconnaît ici de quel usage pourrait être l'étude de la Glose 114 — l36. — Torelli, Armamentar. ordinum equestr. t. II, P. If,
pour la vérification de certains faits d'histoire littéraire. Ces trois p. 410, sq.
passages montrent combien était grand le respect du compilateur (2) Matth. XVI, !\. XII, 3(), sq. — Luc. XI, 29__Cs Juvene.,
pour les écrits de Bède; et rien n'indique qu'il ait fait usage du Evangel.hist., lib. II, v. 694—708 (ed. Arevalo, p. 227).
commentaire sur saint Matthieu qui porte le nom du docteur (3) Matth. XII, 41. —Luc. XI, 3o, 32.
saxon. (4) Gen. XLIX, 10—Agg. II, 8.—Cs. Matth. XXI, 33-45. III,
(1) Ainsi pour la draperie que Jésus-Christ foule aux pieds, Cs. 7—10.—Luc. III, 8. — Etc.
Hilar. Pictav., in Matth., cap. 33 (t. 1, 809, sq.). (5) Justin. M., Dial. c. Tryph. 107—110 (Galland, I, 56o—563).
Quant à la croix double, pour n'en dire cette fois qu'un seul (6) Coloss. I, 18. — Apoc. I, 5. —I Cor. XV, 20.
mot, elle apparaît ici tout naturellement, puisque c'était la croix (7) Il faudrait être bien étranger à toute étude grave sur l'his-
du saint sépulcre. Peu importe la croix potencée et cantonnée de toire littéraire, pour n'avoir pas remarqué que cet élan des âmes
quatre croisettes, qui est censée caractériser (à tort ou à raison) qui donne aux écrivains ecclésiastiques une allure si fière, maigre
l'ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Voici comme l'entendait l'imperfection relative de leur langage, est aussi ancienne que la
J. Nauclerus au xvic siècle {Chronic. ap. Molan., de Hist. ss. imag., littérature du christianisme. En Grèce même, où la forme a tou-
ed cit. p. 517) «......Fuerunt plerumque cruces simplices, ali- jours été d'un si grand poids, quelle empreinte protonde distingue
quando tamen duplices, informa signi sepulcri Domini. » Et dans la littérature chrétienne des premiers siècles! Non-seulement les
le fait c'est une croix patriarcale que portaient les chanoines ré- idées, mais la partie la plus matérielle du style s écarte singulière-
45
épuisé leur mission; et la religion d'attente n'est plus qu'une écorce aride qui tombe à la maturité
du fruit. Elle a conservé l'empreinte du germe précieux qui s'y tint abrité longtemps avant d'éclore;
mais la sève l'abandonne^ parce que ses fonctions ont cessé.
Nous pourrions indiquer ailleurs la source ou la reproduction de ce symbolisme, soit exactement
et presque dans les mêmes termes, soit avec des modifications légères qui laissent subsister tout le fonds.
L'importance de la Glose peut nous en dispenser : c'était une sorte de manuel qui répandait au loin,
durant le moyen âge, certaines idées mises en valeur par sa recommandation.
La double croix et d'autres détails pourraient nous entraîner trop loin en ce moment; il a paru
plus convenable de les ajourner, et même de supprimer tout à fait certaines explications dont la por-
tée ne pouvait être grande (1), ou dont le sens ne se présentait pas avec un caractère de certitude
suffisamment prononcé.
§ XV. JONAS.
49. Jusqu'à présent nous avons rencontré deux significations réunies, mais bien distinctes, dans tous
les souvenirs de l'histoire sainte qui accompagnaient les trois médaillons où apparaît Notre-Seigneur.
Ce n'étaient pas uniquement des prophéties montrant le Messie dans l'avenir, c'étaient en même temps
la réprobation des Juifs et la vocation des Gentils, que les écrivains ecclésiastiques lisaient dans ce chiffre
mystérieux de l'Ancien Testament. Cette marche ne pouvait se démentir cette fois. Jésus-Christ lui-
même, dans l'Evangile, indique Jonas non-seulement comme figure du Fils de l'homme triomphant
de la mort (2), mais comme devant confondre l'aveuglement des Juifs par la docilité qu'avaient ren-
contrée ses paroles dans une cité des Nations(3). Cette mission vers un peuple infidèle, donnée, dès le
temps de l'ancienne alliance, au prophète-type de la résurrection du Sauveur, était une occasion bien
naturelle d'exposer les vues de la. providence divine sur les Gentils; et les SS. Pères n'ont point fait
faute à cette lâche. Us ont montré comme à l'envi l'aveugle présomption des derniers docteurs de
l'ancien peuple, qui se reposaient imperturbablement sur les promesses faites à leurs ancêtres; promesses
dont ils restreignaient le sens au gré de leur orgueil, pour étouffer les terreurs de la conscience et
se rassurer contre les menaces expresses de celui qui était Yattente et le désiré des nations (4). Cette
annonce de la conversion du monde est proclamée de bonne heure par les interprètes primitifs de
l'Écriture et de la tradition. Saint Justin(5) la développe avec cette mâle énergie qui lui est propre;
et quand il nous fait lire dans cette histoire prophétique la réprobation de la Synagogue, il indique
surtout pour cause de cet arrêt l'incrédulité de Jérusalem après la résurrection du Sauveur. C'est qu'il
n'est pas besoin de recourir au caractère poétique du moyen âge pour expliquer comment ce trait de
l'histoire sainte a pris place près du tombeau où triomphe le Premier-né d'entre les morts (6).
Aussi bien, nous l'avons dit, alléguer la poésie qui vit dans les âmes à cette époque, comme une
explication de l'exégèse alors en vigueur, c'est montrer soi-même beaucoup moins de raison que de
préjugé; c'est résoudre par une voie expéditive, mais superficielle et fausse, une question dont l'exa-
men sérieux amènerait un résultat vaste et grandiose(7). Car cette poésie, ou, pour parler plus simple-
corpus non invenitur, sed vivum evangelizatur. >< — Cs. Bed., in guliers du Saint-Sépulcre en Flandre, en Allemagne, en Pologne,
Luc. XXIV, 2 (t. V, 5o4). en Angleterre, etc. Cs. Helyot, Hist. des Ordres monastiques, t. II,
On reconnaît ici de quel usage pourrait être l'étude de la Glose 114 — l36. — Torelli, Armamentar. ordinum equestr. t. II, P. If,
pour la vérification de certains faits d'histoire littéraire. Ces trois p. 410, sq.
passages montrent combien était grand le respect du compilateur (2) Matth. XVI, !\. XII, 3(), sq. — Luc. XI, 29__Cs Juvene.,
pour les écrits de Bède; et rien n'indique qu'il ait fait usage du Evangel.hist., lib. II, v. 694—708 (ed. Arevalo, p. 227).
commentaire sur saint Matthieu qui porte le nom du docteur (3) Matth. XII, 41. —Luc. XI, 3o, 32.
saxon. (4) Gen. XLIX, 10—Agg. II, 8.—Cs. Matth. XXI, 33-45. III,
(1) Ainsi pour la draperie que Jésus-Christ foule aux pieds, Cs. 7—10.—Luc. III, 8. — Etc.
Hilar. Pictav., in Matth., cap. 33 (t. 1, 809, sq.). (5) Justin. M., Dial. c. Tryph. 107—110 (Galland, I, 56o—563).
Quant à la croix double, pour n'en dire cette fois qu'un seul (6) Coloss. I, 18. — Apoc. I, 5. —I Cor. XV, 20.
mot, elle apparaît ici tout naturellement, puisque c'était la croix (7) Il faudrait être bien étranger à toute étude grave sur l'his-
du saint sépulcre. Peu importe la croix potencée et cantonnée de toire littéraire, pour n'avoir pas remarqué que cet élan des âmes
quatre croisettes, qui est censée caractériser (à tort ou à raison) qui donne aux écrivains ecclésiastiques une allure si fière, maigre
l'ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Voici comme l'entendait l'imperfection relative de leur langage, est aussi ancienne que la
J. Nauclerus au xvic siècle {Chronic. ap. Molan., de Hist. ss. imag., littérature du christianisme. En Grèce même, où la forme a tou-
ed cit. p. 517) «......Fuerunt plerumque cruces simplices, ali- jours été d'un si grand poids, quelle empreinte protonde distingue
quando tamen duplices, informa signi sepulcri Domini. » Et dans la littérature chrétienne des premiers siècles! Non-seulement les
le fait c'est une croix patriarcale que portaient les chanoines ré- idées, mais la partie la plus matérielle du style s écarte singulière-
45