CHAPITRE DOUZIÈME.
PLANCHE DOUZIÈME. — SAINT MARTIN ET SAINT DENIS.
ARTICLE PREMIER.
SAINT MARTIN.
« Vere fatebor : non si ipse, ut aiunt, ab inferis Homerns
« emergeret, posset exponere; adeo omnia majora in Martino
« sont quam ut verbis concipi queant. »
Sulpic. Sevcr., de Fit. B. Mari.,
cap. 26 (ed. cit., t. I, p. 35).
i5g. La gloire du grand saint Martin qui, dès le ve siècle, avait rempli toute l'Église (i), n'a point
sauvé son vitrail des atteintes de Fimpéritie ou de l'insouciance (2). Il n'a pas seulement perdu plusieurs
médaillons qui devaient évidemment faire partie de l'œuvre primitive (3); la similitude d'ossature et
de mosaïque a fait mêler ensemble les deux verrières de Saint Martin et de Saint Denis, en sorte que
plusieurs médaillons ont passé de l'une dans l'autre à la suite de quelque radobage inintelligent quelles
auront eu à subir en commun.
Pour commencer par une revue sommaire qui élimine tout d'un coup les éléments étrangers de
part et d'autre, je distingue dans chacun des deux vitrages quatre groupes bien saillants, à chacun
desquels j'assignerai son numéro d'ordre, en partant du pied de la verrière. Dès le second groupe de
la lancette A nous trouvons une fournaise qu'il faut faire passer dans la lancette B, comme appar-
tenant à la légende de saint Denis (4)- La nécessité d'une élimination est bien plus visible encore dans
le troisième groupe, où nous rencontrons le nom de saint Denis écrit en toutes lettres.
Si nous cherchons maintenant dans la lancette B les médaillons qui pourraient avoir été détachés
du vitrail de Saint Martin, je n'en reconnais qu'un seul : c'est au troisième groupe, celui où deux
hommes paraissent se disputer une hache. Cette scène me semble avoir appartenu au premier groupe
de la lancette À; et c'est par elle que doit commencer notre explication, pour se conformer à la
marche de l'histoire. On y reconnaît, d'ailleurs, au costume laïque du personnage nimbé, qu'il s'agit
d'un fait antérieur à l'épiscopat de saint Martin.
160. Après avoir quitté la profession des armes, Martin (5), retiré à Poitiers auprès de saint Hilaire,
(1) Sulpic. Sever., Dial. I, 26 (ed. Veron., t. I, p. 94). «... Hoc
^Egyptus fatetur, hoc Syria, hoc iEthiops comperit, hoc Indus
audivit; hoc Parthus et Persa noverunt, nec ignorât Armenia;
Bosphorus exclusa cognovit, et postremo si quis aut fortunatas
insulas, aut glacialem fréquentât oceanum, etc.»
(2) Pour ne point prêter à l'injustice ou à l'exagération, il faut
dire que la cathédrale de Bourges a été en proie au fanatisme
calviniste, lorsqu'en i5Ô2 Montgomerry se rendit maître de la
ville. Ce serait plus qu'il n'en faut pour expliquer bien des dé-
sastres ; il y a même de quoi s'étonner après cela de voir tant de
restes des âges de foi subsister encore dans cette vieille basilique.
Cependant, il est probable que les réformés ne s'amusèrent pas à
des dévastations de détail : ils avaient formé un plan beaucoup
plus simple et plus fécond, c'était de saper les piliers pour faire
crouler les voûtes. Ce projet avait déjà reçu un commencement
d'exécution dont les traces se voient encore (Cs. Romelot, p. i34,
sv.—La Thaumassière, p. 10); mais comme ces dévastateurs furent
délogés après trois mois de séjour, et comme la spoliation des
trésors ou le bannissement des catholiques les plus fidèles avaient
occupé leur première ardeur, ils ne trouvèrent point tout le loisir
nécessaire pour consommer une destruction qui ne devait point
les enrichir. Aussi, sauf les arquebusades, qui endommagèrent les
sculptures extérieures, il ne parait pas qu'ils aient laissé autant de
dégâts qu'on aurait pu en attendre de leur zèle accoutumé.
(3) Quand nous n'aurions pas pour renseignement le défaut de
bordure inférieure et les signes & arrachement que l'on a conservés
dans la lithographie, il est hors de doute que l'on avait dû peindre
la fameuse aumône de saint Martin partageant son manteau avec'
un pauvre. Nous en retrouverions encore la trace dans l'appari-
tion de Jésus-Christ, qui se montre couvert de ce vêtement, pour
récompenser la charité du jeune catéchumène. Mais le médaillon
perdu, pour ainsi dire, qui représente ce songe, a été jeté avec plu-
sieurs autres débris dans une rose où très-peu de curieux sauraient
le reconnaître. Nous l'avons abandonné à son malheureux sort .
(4) Je ne m'occupe pas de rechercher à quelle place précisément
devront être renvoyées les scènes que j'écarte en ce moment. La
série des faits pourra donner plus tard quelque lumière sur ce
point. Peut-être aussi que l'une d'elles aura été retournée; et, dans
ce cas, la fournaise pourrait bien prendre la place (dans la lan-
cette B, troisième groupe)du médaillon où l'on voit deux hommes
tenant une hache. Je n'ai pas songé à m'en assurer sur les lieux.
(5) Bien des auteurs ont célébré à l'envi les glorieuses actions
de saint Martin; l'Eglise grecque aussi bien que l'Eglise latine,
la poésie aussi bien que l'histoire, ont reproduit sa vie et ses mi-
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PLANCHE DOUZIÈME. — SAINT MARTIN ET SAINT DENIS.
ARTICLE PREMIER.
SAINT MARTIN.
« Vere fatebor : non si ipse, ut aiunt, ab inferis Homerns
« emergeret, posset exponere; adeo omnia majora in Martino
« sont quam ut verbis concipi queant. »
Sulpic. Sevcr., de Fit. B. Mari.,
cap. 26 (ed. cit., t. I, p. 35).
i5g. La gloire du grand saint Martin qui, dès le ve siècle, avait rempli toute l'Église (i), n'a point
sauvé son vitrail des atteintes de Fimpéritie ou de l'insouciance (2). Il n'a pas seulement perdu plusieurs
médaillons qui devaient évidemment faire partie de l'œuvre primitive (3); la similitude d'ossature et
de mosaïque a fait mêler ensemble les deux verrières de Saint Martin et de Saint Denis, en sorte que
plusieurs médaillons ont passé de l'une dans l'autre à la suite de quelque radobage inintelligent quelles
auront eu à subir en commun.
Pour commencer par une revue sommaire qui élimine tout d'un coup les éléments étrangers de
part et d'autre, je distingue dans chacun des deux vitrages quatre groupes bien saillants, à chacun
desquels j'assignerai son numéro d'ordre, en partant du pied de la verrière. Dès le second groupe de
la lancette A nous trouvons une fournaise qu'il faut faire passer dans la lancette B, comme appar-
tenant à la légende de saint Denis (4)- La nécessité d'une élimination est bien plus visible encore dans
le troisième groupe, où nous rencontrons le nom de saint Denis écrit en toutes lettres.
Si nous cherchons maintenant dans la lancette B les médaillons qui pourraient avoir été détachés
du vitrail de Saint Martin, je n'en reconnais qu'un seul : c'est au troisième groupe, celui où deux
hommes paraissent se disputer une hache. Cette scène me semble avoir appartenu au premier groupe
de la lancette À; et c'est par elle que doit commencer notre explication, pour se conformer à la
marche de l'histoire. On y reconnaît, d'ailleurs, au costume laïque du personnage nimbé, qu'il s'agit
d'un fait antérieur à l'épiscopat de saint Martin.
160. Après avoir quitté la profession des armes, Martin (5), retiré à Poitiers auprès de saint Hilaire,
(1) Sulpic. Sever., Dial. I, 26 (ed. Veron., t. I, p. 94). «... Hoc
^Egyptus fatetur, hoc Syria, hoc iEthiops comperit, hoc Indus
audivit; hoc Parthus et Persa noverunt, nec ignorât Armenia;
Bosphorus exclusa cognovit, et postremo si quis aut fortunatas
insulas, aut glacialem fréquentât oceanum, etc.»
(2) Pour ne point prêter à l'injustice ou à l'exagération, il faut
dire que la cathédrale de Bourges a été en proie au fanatisme
calviniste, lorsqu'en i5Ô2 Montgomerry se rendit maître de la
ville. Ce serait plus qu'il n'en faut pour expliquer bien des dé-
sastres ; il y a même de quoi s'étonner après cela de voir tant de
restes des âges de foi subsister encore dans cette vieille basilique.
Cependant, il est probable que les réformés ne s'amusèrent pas à
des dévastations de détail : ils avaient formé un plan beaucoup
plus simple et plus fécond, c'était de saper les piliers pour faire
crouler les voûtes. Ce projet avait déjà reçu un commencement
d'exécution dont les traces se voient encore (Cs. Romelot, p. i34,
sv.—La Thaumassière, p. 10); mais comme ces dévastateurs furent
délogés après trois mois de séjour, et comme la spoliation des
trésors ou le bannissement des catholiques les plus fidèles avaient
occupé leur première ardeur, ils ne trouvèrent point tout le loisir
nécessaire pour consommer une destruction qui ne devait point
les enrichir. Aussi, sauf les arquebusades, qui endommagèrent les
sculptures extérieures, il ne parait pas qu'ils aient laissé autant de
dégâts qu'on aurait pu en attendre de leur zèle accoutumé.
(3) Quand nous n'aurions pas pour renseignement le défaut de
bordure inférieure et les signes & arrachement que l'on a conservés
dans la lithographie, il est hors de doute que l'on avait dû peindre
la fameuse aumône de saint Martin partageant son manteau avec'
un pauvre. Nous en retrouverions encore la trace dans l'appari-
tion de Jésus-Christ, qui se montre couvert de ce vêtement, pour
récompenser la charité du jeune catéchumène. Mais le médaillon
perdu, pour ainsi dire, qui représente ce songe, a été jeté avec plu-
sieurs autres débris dans une rose où très-peu de curieux sauraient
le reconnaître. Nous l'avons abandonné à son malheureux sort .
(4) Je ne m'occupe pas de rechercher à quelle place précisément
devront être renvoyées les scènes que j'écarte en ce moment. La
série des faits pourra donner plus tard quelque lumière sur ce
point. Peut-être aussi que l'une d'elles aura été retournée; et, dans
ce cas, la fournaise pourrait bien prendre la place (dans la lan-
cette B, troisième groupe)du médaillon où l'on voit deux hommes
tenant une hache. Je n'ai pas songé à m'en assurer sur les lieux.
(5) Bien des auteurs ont célébré à l'envi les glorieuses actions
de saint Martin; l'Eglise grecque aussi bien que l'Eglise latine,
la poésie aussi bien que l'histoire, ont reproduit sa vie et ses mi-
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