CHAPITRE TROISIÈME.
PLANCHES TROISIÈME ET DIX-NEUVIÈME. — JUGEMENT DERNIER.
&ot ri? stcdfs frt foire, et l'autre ert paionritt.
La Chantepleure (ap. Jubinal, Rutebeuf, I, 400).
g5. L'homme n'a jamais été si abandonné que d'ignorer entièrement cette tâche réservée à l'avenir:
la justification du silence que garde le Ciel sur tant d'événements de la vie présente. Mais cette
solution future du problème de la vie, la Grèce païenne se l'entendit annoncer sous une forme sin-
gulièrement rapprochée de l'Evangile. Celui que la sagesse romaine a proclamé le Dieu de la philosophie
antique (i), Platon, après avoir médité longtemps sur la réalisation de l'ordre ici-bas, avait bien com-
pris que le Législateur souverain n'avait pas tout confié aux lois et aux constitutions humaines. C'est
pourquoi, et cette fois il ne cache pas la source orientale de son enseignement, il veut que nous
songions au tribunal qui doit, après la vie, statuer sans appel sur le mérite de nos actes (2). Ce
suprême lit de justice qu'il nous montre au delà du tombeau, a cela surtout de remarquable dans un
écrivain profane, que c'est la droite et la gauche qui établissent le partage définitif entre les bons et
les mauvais. Or nous savons, nous, qu'il avait bien dit; mais il paraît n'avoir pas songé que la justice
divine réclamait une réparation publique au scandale de tant de vies parcourues comme en dépit de
Dieu. Pour nous, il nous a été donné une leçon plus complète : une autorité plus haute que celle du
Dieu des philosophes s'est chargée de nous en instruire; celui-là môme qui doit convoquer et présider
ces assises de l'humanité entière a voulu nous en tracer le tableau d'avance. Nous en connaissons les
préliminaires dans ces fléaux combinés qui doivent porter à la terre les dernières sommations de la
clémence divine, dans cet écroulement de la nature qui cessera d'être asservie au vouloir des ennemis
de Dieu (3). La forme même de la convocation nous a été déclarée, pour que nous nous tinssions
prêts à cet appel; et nous savons que déjà bien avant nous, le son de la trompette fatale a troublé des
nuits plus innocentes que ne sont les nôtres (4). Le juge a voulu en outre nous apprendre jusqu'à
l'énoncé de cette sentence qui doit tout consommer sans retour; tant il avait à cœur de diminuer le
nombre des condamnés! Car, comme parle un Père de l'Église, Qui désire atteindre, ne dit point : Prends
garde.
Ainsi tout l'appareil de ce grand jour nous a été dévoilé; tout, excepté seulement la question la plus
grave, savoir pour chacun de nous, le sort qui doit l'y atteindre. Mais il nous a été dit que nos œuvres
en décideraient, et qu'ainsi notre avenir était en nos mains.
Dans cette formidable perspective, quel intérêt ne doit point exciter le tableau de cette journée
suprême! Aussi, quoiqu'aux premiers siècles de l'Eglise on interdît encore à l'art religieux un certain
développement d'action, de peur de trop s'assimiler à une civilisation tout asservie aux choses visibles,
et d'émanciper trop tôt une puissance équivoque (puisque l'art avait fortement contribué au dévelop-
pement et à la séduction du paganisme), les chrétiens d'alors n'avaient pas moins présente à l'esprit,
avec une vivacité singulière, la peinture de ce fait décisif. Si les païens parlent de spectacles et de
grandes émotions produites par les fêtes mondaines, Tertullien leur répond que le chrétien a bien
(1) M. T. Cicerv de Nat. Deor. II, 12.— Cs. Tusc. quœst. I, 10,
7; Orat., 3; de Opt. gen. oral., 6; etc., etc.
(2) Plat., de Rcpubl. X (ed. Bipont., t. VII, 322, sq.).
Cs. Jos. de Maistre, Délais de la justice div., Not. XXII, XXV,
XXI, XXVIII.—Justin. M., ad Grœc., 27; de Monarch., 3 (ed.
Maran, p. 26, 38), etc.—Athenagor., Légat, pro christ., 12 (Ibid.
288).—Etc.
(3) Matth. XXIV, 14—31 ; XXV, 31—46; XXVI, 64; XVI*, 27.
— Marc. XIII, 24—27.—Luc. XXI, 25—28.
Cs. Apoc. ï, 7; VI, 12—17; XX, 11 —15.—Joël. II, 3o—32;
III, 12—16. — I Cor. XV, 5i—56. —II Cor. V, 10. —IThess.
IV, 14—16. — II Thess. I, 5—10. —I Petr. IV, 4—7; II Petr.
III, 7, 10—12.—Rom. II, 3—8; VIII, 19—22. — Etc.
(4) Ephrœm, Serin, ascet. (P. gr., t. I, p. 53); in secund. D. N.
adv. (Ibid., t. II, 192, 212, sq.); de Charitat. (Ibid., p. 254, sq0-—
Agath. Arsen., Amm., Evagr., etc., ap. Rufm.(?), Pelag., etc. Vil.
PP. (ed. Rosweyd., 1615, p. 523, 524, 565, etc.).
Cs. Augustin., Confess. IX, 10; VI, 16 (t. I, 166, i3i). — Hiero-
nym., ad Florent, (t. IV, P. II, p. 4).—Basil. M., Homil. in Ps. XXXIII
(t. I, p. 151). — Etc., etc.
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PLANCHES TROISIÈME ET DIX-NEUVIÈME. — JUGEMENT DERNIER.
&ot ri? stcdfs frt foire, et l'autre ert paionritt.
La Chantepleure (ap. Jubinal, Rutebeuf, I, 400).
g5. L'homme n'a jamais été si abandonné que d'ignorer entièrement cette tâche réservée à l'avenir:
la justification du silence que garde le Ciel sur tant d'événements de la vie présente. Mais cette
solution future du problème de la vie, la Grèce païenne se l'entendit annoncer sous une forme sin-
gulièrement rapprochée de l'Evangile. Celui que la sagesse romaine a proclamé le Dieu de la philosophie
antique (i), Platon, après avoir médité longtemps sur la réalisation de l'ordre ici-bas, avait bien com-
pris que le Législateur souverain n'avait pas tout confié aux lois et aux constitutions humaines. C'est
pourquoi, et cette fois il ne cache pas la source orientale de son enseignement, il veut que nous
songions au tribunal qui doit, après la vie, statuer sans appel sur le mérite de nos actes (2). Ce
suprême lit de justice qu'il nous montre au delà du tombeau, a cela surtout de remarquable dans un
écrivain profane, que c'est la droite et la gauche qui établissent le partage définitif entre les bons et
les mauvais. Or nous savons, nous, qu'il avait bien dit; mais il paraît n'avoir pas songé que la justice
divine réclamait une réparation publique au scandale de tant de vies parcourues comme en dépit de
Dieu. Pour nous, il nous a été donné une leçon plus complète : une autorité plus haute que celle du
Dieu des philosophes s'est chargée de nous en instruire; celui-là môme qui doit convoquer et présider
ces assises de l'humanité entière a voulu nous en tracer le tableau d'avance. Nous en connaissons les
préliminaires dans ces fléaux combinés qui doivent porter à la terre les dernières sommations de la
clémence divine, dans cet écroulement de la nature qui cessera d'être asservie au vouloir des ennemis
de Dieu (3). La forme même de la convocation nous a été déclarée, pour que nous nous tinssions
prêts à cet appel; et nous savons que déjà bien avant nous, le son de la trompette fatale a troublé des
nuits plus innocentes que ne sont les nôtres (4). Le juge a voulu en outre nous apprendre jusqu'à
l'énoncé de cette sentence qui doit tout consommer sans retour; tant il avait à cœur de diminuer le
nombre des condamnés! Car, comme parle un Père de l'Église, Qui désire atteindre, ne dit point : Prends
garde.
Ainsi tout l'appareil de ce grand jour nous a été dévoilé; tout, excepté seulement la question la plus
grave, savoir pour chacun de nous, le sort qui doit l'y atteindre. Mais il nous a été dit que nos œuvres
en décideraient, et qu'ainsi notre avenir était en nos mains.
Dans cette formidable perspective, quel intérêt ne doit point exciter le tableau de cette journée
suprême! Aussi, quoiqu'aux premiers siècles de l'Eglise on interdît encore à l'art religieux un certain
développement d'action, de peur de trop s'assimiler à une civilisation tout asservie aux choses visibles,
et d'émanciper trop tôt une puissance équivoque (puisque l'art avait fortement contribué au dévelop-
pement et à la séduction du paganisme), les chrétiens d'alors n'avaient pas moins présente à l'esprit,
avec une vivacité singulière, la peinture de ce fait décisif. Si les païens parlent de spectacles et de
grandes émotions produites par les fêtes mondaines, Tertullien leur répond que le chrétien a bien
(1) M. T. Cicerv de Nat. Deor. II, 12.— Cs. Tusc. quœst. I, 10,
7; Orat., 3; de Opt. gen. oral., 6; etc., etc.
(2) Plat., de Rcpubl. X (ed. Bipont., t. VII, 322, sq.).
Cs. Jos. de Maistre, Délais de la justice div., Not. XXII, XXV,
XXI, XXVIII.—Justin. M., ad Grœc., 27; de Monarch., 3 (ed.
Maran, p. 26, 38), etc.—Athenagor., Légat, pro christ., 12 (Ibid.
288).—Etc.
(3) Matth. XXIV, 14—31 ; XXV, 31—46; XXVI, 64; XVI*, 27.
— Marc. XIII, 24—27.—Luc. XXI, 25—28.
Cs. Apoc. ï, 7; VI, 12—17; XX, 11 —15.—Joël. II, 3o—32;
III, 12—16. — I Cor. XV, 5i—56. —II Cor. V, 10. —IThess.
IV, 14—16. — II Thess. I, 5—10. —I Petr. IV, 4—7; II Petr.
III, 7, 10—12.—Rom. II, 3—8; VIII, 19—22. — Etc.
(4) Ephrœm, Serin, ascet. (P. gr., t. I, p. 53); in secund. D. N.
adv. (Ibid., t. II, 192, 212, sq.); de Charitat. (Ibid., p. 254, sq0-—
Agath. Arsen., Amm., Evagr., etc., ap. Rufm.(?), Pelag., etc. Vil.
PP. (ed. Rosweyd., 1615, p. 523, 524, 565, etc.).
Cs. Augustin., Confess. IX, 10; VI, 16 (t. I, 166, i3i). — Hiero-
nym., ad Florent, (t. IV, P. II, p. 4).—Basil. M., Homil. in Ps. XXXIII
(t. I, p. 151). — Etc., etc.
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