CHAPITRE DIXIÈME.
PLANCHE DIXIÈME. — IOSEPH.
i44- La touchante histoire cle Joseph n'a pas besoin d'être exposée en détail. Qui pourrait ignorer
une seule des circonstances du simple et pathétique récit que la Genèse (i) consacre à ce patriarche?
Nous n'aurons qu'à les rappeler en quelques mots pour faire comprendre les scènes du vitrail; et le
symbolisme pourra fixer notre attention plus utilement.
Dans la signature on reconnaît sans peine les tonneliers, les charpentiers, les cercliers, etc. Puis
l'histoire commence par les songes de Joseph (2). Onze gerbes s'inclinent devant la sienne, et le soleil
avec la lune, accompagnés de onze étoiles, s'abaissent comme pour lui rendre hommage : source des
jalousies qui causèrent ses malheurs, et figure prophétique en même temps de l'élévation qu'il devait
atteindre. Car Dieu conduit les événements à ses fins, par les voies môme que prennent les hommes
pour démentir la Providence divine. — Joseph est envoyé vers ses frères; il est chargé de pains qu'il
doit leur porter; mais, tandis qu'il s'approche, on l'a reconnu, et d'odieux projets s'élèvent déjà dans
les cœurs(3).
Le petit médaillon central, qui domine actuellement tout ce premier groupe, pourrait bien avoir
été déplacé. Si l'on admettait qu'il eût été échangé contre celui de l'étage supérieur, ce pâtre qui
garde des béliers et des chèvres me représenterait l'homme que Joseph rencontra tandis qu'il cherchait
ses frères, et dont l'indication dirigea ses poursuites vers Dothaïn(4). Ou bien ce pourrait être Joseph
lui-même, témoin de quelque indigne action de ses frères pendant qu'il les accompagnait aux pâtu-
rages (5). L'Écriture nous apprend qu'ayant informé son père de ce crime, il s'était ainsi attiré la
haine des coupables. Près de nous montrer leur vengeance perfide, le peintre aura voulu rassembler
toutes les causes qui avaient envenimé les cœurs : jalousie occasionnée par les songes du jeune homme
en même temps que par la tendresse particulière du vieux Jacob, et colère excitée par une censure
incommode. C'est, du reste, la marche qu'a suivie la Genèse dans son récit (6).
i45. Le centre du second groupe accuse bien plus clairement encore une méprise des rhabilleurs
modernes. Si, par la pensée, vous échangez le losange qui occupe aujourd'hui le centre contre celui
du groupe supérieur, tout se rejoint et se complète en un instant. Joseph est jeté dans la citerne pour
y être abandonné aux horreurs de la faim; mais, sur la représentation de Judas, on profite du pas-
sage des marchands ismaélites pour se défaire de ce jeune frère par quelque chose d'un peu moins
odieux qu'un fratricide. On le vend donc au lieu de le faire périr, et l'on porte sa tunique à Jacob
pour lui laisser soupçonner un horrible accident (7).
Cependant Joseph, conduit en Egypte par les marchands qui l'avaient acheté, est revendu à
Putiphar(8), l'un des principaux officiers du royaume. Dieu lui concilie la faveur de son nouveau
maître; mais sa chasteté le fait accuser par sa maîtresse, et Putiphar le fait jeter dans les fers(9).
Ici, en tenant compte du déplacement que nous avons supposé dans les petits médaillons circu-
laires, nous avons à rendre compte de la scène qui se trouve actuellement entre le premier groupe
et le second. Je crois y voir une allusion aux paroles de Jacob, lorsque, bénissant son fils Joseph, il
rappelle les premières années de cet enfant de prédilection, où sa beauté le faisait regarder avec des
yeux d'envie (10) en quelque endroit que le conduisissent ses pas. C'était réunir merveilleusement
tout ce qui peut concourir à un éloge accompli de ce vertueux jeune homme : la force de l'âge, un
extérieur plein de grâce qui attire tous les regards, des sollicitations pressantes, l'impunité à espérer
pour le crime, et la certitude d'une implacable animosité contre la vertu.
(1) Gen. XXXVII, XXXIX—XLVII.
(2) Gen.XXXVM, 5—n.
(3) Gen., IbicL, 11—14, 18—20.
(4) Ibid., /. cit., i5—17.
(5) Ibid., /. cit., 1.
(6) Ibid., /. cit., 1—11.
(7) Ibid., /. cit., 10—35.
(8) Ibid., /. cit., 36; XXXIX, i.
(9) Gen. XXXIX, 1—10.
(10) Ibid. XLIX, 11. «Filius accrescens Joseph, filius accres-
cens et decorus aspectu; Jfiliœ diseurrerunt super murum. » —
Ibid., XXXIX, 6. « Erat autem Joseph pulcra facie, et decorus as-
peetu. Cs. Remig. Autisiodor., in Gen. XLIX, 11, i5 (ap. D. Pez,
Thesaur., t. IV, P. I, p. 121). —Etc. Aussi saint Ephrem. (P. Grœc,
t. II, p. 11 ) l'appelle-t-il, comme par excellence, le beau Joseph
(. . OsaTpov toO 7i;ay/,à^o'j 'loxr^cp).
PLANCHE DIXIÈME. — IOSEPH.
i44- La touchante histoire cle Joseph n'a pas besoin d'être exposée en détail. Qui pourrait ignorer
une seule des circonstances du simple et pathétique récit que la Genèse (i) consacre à ce patriarche?
Nous n'aurons qu'à les rappeler en quelques mots pour faire comprendre les scènes du vitrail; et le
symbolisme pourra fixer notre attention plus utilement.
Dans la signature on reconnaît sans peine les tonneliers, les charpentiers, les cercliers, etc. Puis
l'histoire commence par les songes de Joseph (2). Onze gerbes s'inclinent devant la sienne, et le soleil
avec la lune, accompagnés de onze étoiles, s'abaissent comme pour lui rendre hommage : source des
jalousies qui causèrent ses malheurs, et figure prophétique en même temps de l'élévation qu'il devait
atteindre. Car Dieu conduit les événements à ses fins, par les voies môme que prennent les hommes
pour démentir la Providence divine. — Joseph est envoyé vers ses frères; il est chargé de pains qu'il
doit leur porter; mais, tandis qu'il s'approche, on l'a reconnu, et d'odieux projets s'élèvent déjà dans
les cœurs(3).
Le petit médaillon central, qui domine actuellement tout ce premier groupe, pourrait bien avoir
été déplacé. Si l'on admettait qu'il eût été échangé contre celui de l'étage supérieur, ce pâtre qui
garde des béliers et des chèvres me représenterait l'homme que Joseph rencontra tandis qu'il cherchait
ses frères, et dont l'indication dirigea ses poursuites vers Dothaïn(4). Ou bien ce pourrait être Joseph
lui-même, témoin de quelque indigne action de ses frères pendant qu'il les accompagnait aux pâtu-
rages (5). L'Écriture nous apprend qu'ayant informé son père de ce crime, il s'était ainsi attiré la
haine des coupables. Près de nous montrer leur vengeance perfide, le peintre aura voulu rassembler
toutes les causes qui avaient envenimé les cœurs : jalousie occasionnée par les songes du jeune homme
en même temps que par la tendresse particulière du vieux Jacob, et colère excitée par une censure
incommode. C'est, du reste, la marche qu'a suivie la Genèse dans son récit (6).
i45. Le centre du second groupe accuse bien plus clairement encore une méprise des rhabilleurs
modernes. Si, par la pensée, vous échangez le losange qui occupe aujourd'hui le centre contre celui
du groupe supérieur, tout se rejoint et se complète en un instant. Joseph est jeté dans la citerne pour
y être abandonné aux horreurs de la faim; mais, sur la représentation de Judas, on profite du pas-
sage des marchands ismaélites pour se défaire de ce jeune frère par quelque chose d'un peu moins
odieux qu'un fratricide. On le vend donc au lieu de le faire périr, et l'on porte sa tunique à Jacob
pour lui laisser soupçonner un horrible accident (7).
Cependant Joseph, conduit en Egypte par les marchands qui l'avaient acheté, est revendu à
Putiphar(8), l'un des principaux officiers du royaume. Dieu lui concilie la faveur de son nouveau
maître; mais sa chasteté le fait accuser par sa maîtresse, et Putiphar le fait jeter dans les fers(9).
Ici, en tenant compte du déplacement que nous avons supposé dans les petits médaillons circu-
laires, nous avons à rendre compte de la scène qui se trouve actuellement entre le premier groupe
et le second. Je crois y voir une allusion aux paroles de Jacob, lorsque, bénissant son fils Joseph, il
rappelle les premières années de cet enfant de prédilection, où sa beauté le faisait regarder avec des
yeux d'envie (10) en quelque endroit que le conduisissent ses pas. C'était réunir merveilleusement
tout ce qui peut concourir à un éloge accompli de ce vertueux jeune homme : la force de l'âge, un
extérieur plein de grâce qui attire tous les regards, des sollicitations pressantes, l'impunité à espérer
pour le crime, et la certitude d'une implacable animosité contre la vertu.
(1) Gen. XXXVII, XXXIX—XLVII.
(2) Gen.XXXVM, 5—n.
(3) Gen., IbicL, 11—14, 18—20.
(4) Ibid., /. cit., i5—17.
(5) Ibid., /. cit., 1.
(6) Ibid., /. cit., 1—11.
(7) Ibid., /. cit., 10—35.
(8) Ibid., /. cit., 36; XXXIX, i.
(9) Gen. XXXIX, 1—10.
(10) Ibid. XLIX, 11. «Filius accrescens Joseph, filius accres-
cens et decorus aspectu; Jfiliœ diseurrerunt super murum. » —
Ibid., XXXIX, 6. « Erat autem Joseph pulcra facie, et decorus as-
peetu. Cs. Remig. Autisiodor., in Gen. XLIX, 11, i5 (ap. D. Pez,
Thesaur., t. IV, P. I, p. 121). —Etc. Aussi saint Ephrem. (P. Grœc,
t. II, p. 11 ) l'appelle-t-il, comme par excellence, le beau Joseph
(. . OsaTpov toO 7i;ay/,à^o'j 'loxr^cp).