PLANCHE TROISIÈME ET DIX-NEUVIÈME, JUGEMENT DERNIER. 177
leçon , la séparation se consomme à la mort : l'âme du vrai chrétien est reçue par les anges, tandis
que le riche avare va expier parmi les démons cet amour de l'or qui l'a précipité à sa perte.
L'enseignement est complet : le jugement, qui doit rendre à chacun selon ses œuvres; la mort, qui
fixe l'issue du jugement; et les sacrements qui peuvent, même après une mauvaise vie, procurer une
bonne mort. Instruction pleine de grandeur, où les vérités s'enchaînent avec un majestueux ensemble.
Tout l'avenir de l'homme est là. Perspective sévère, mais non point fatale : un jour, un mot, doit
statuer irrévocablement sur nos destinées éternelles; mais cet arrêt suprême est entre nos mains ici-
bas. Car la fin de la vie prélude pour chacun de nous à la fin du monde (1); et, à ce point de partage
entre les deux avenirs, l'Église par son jugement peut fixer celui du Fils de l'homme. Tant que dure
ce délai qui s'appelle aujourd'hui (Hebr. III, i3), l'homme peut se pourvoir en grâce; et tout ne lui man-
quera que lorsque lui manquera l'Église, c'est-à-dire s'il vient à franchir sans elle ce moment de la
mort d'où dépend l'éternité.
Voilà ce que l'on savait dire avec ces vieilles peintures, et comment on savait alors comprendre le
ministère public de l'artiste. Mais n'exagérons pas; bien qu'on ne puisse méconnaître un talent vrai-
ment supérieur dans plusieurs œuvres d'art que nous ont laissées ces maîtres du moyen âge, il est évi-
dent qu'on se tromperait beaucoup en faisant honneur à leur talent des grandes conceptions que nous
rencontrons presque à chaque pas dans l'étude de leurs ouvrages. Veut-on savoir ce qui fait leur
supériorité? c'est le bon sens, si je ne me trompe. Beaucoup plus occupés d'estimer leur profession que
de s'estimer eux-mêmes, il ne paraît pas qu'il se soient crus capables d'imaginer tout d'un coup
l'ensemble et la marche de la première composition venue. La recherche de l'originalité semble avoir eu
peu d'empire sur leur esprit. Ils étaient d'ailleurs sauvés de ce travers par l'espèce d'étiquette qui réglait
d'avance une bonne partie de leur sujet; car la chrétienté faisait le programme aussi bien que la
commande. Ainsi disciplinés, en quelque sorte, ils étaient forcés tout d'abord de s'oublier eux-mêmes
quelque peu pour se mettre au service d'une grande pensée sociale qu'on les chargeait de transcrire.
De cette façon, comme le grand poëte de l'antiquité, ils écrivaient sous la dictée de Dieu; et se trou-
vaient avoir laissé des chefs-d'œuvre, sans pouvoir précisément s'en attribuer la gloire. De là vient
qu'ils ont peu songé à nous transmettre leurs noms, sentant bien qu'ils s'en seraient fait accroire en
ne tenant point compte à autrui des inspirations qu'ils en recevaient : de la chaire, de la foi publique,
de la liturgie, des écrivains qui forment le patrimoine de l'Église, des conseils du cloître, etc., etc.
Plus tard, on a cru que l'artiste pouvait s'isoler de tout cela, c'est-à-dire que la plante pouvait s'isoler
du sol et de l'atmosphère; et cet enthousiasme, ce génie, cette influence du ciel, que la Grèce croyait
devoir supposer même dans celui qui avait habilement modelé une génisse, on l'a sécularisé au point
de croire que la piété, ou même la foi, était la chose du monde la moins nécessaire pour traiter en
artiste (c'est-à-dire avec inspiration) les choses de Dieu. Arrivé à ce point, je me retire, et, pour qu'on
Latran (1215) pour obtenir des chrétiens au moins la communion
pascale, et de rappeler l'anathème lancé par le même concile con-
tre les réfractaires. L'avare repoussé, que caractérise la bourse
pendue au cou, est là probablement pour rappeler les peines sé-
vères portées par le droit canon contre l'usure. Ou sait que, outre
l'excommunication, ce délit entraînait l'infamie, l'incapacité de
tester, la privation de sépulture ecclésiastique, etc. Cs. C. XIV,
qu. 3—5. —H. tit. — Etc.
Si je parle de l'excommunication comme d'un fait passé, c'est
qu'il n'est plus d'Etat où elle ait conservé toute son ancienne va-
leur relativement à la société civile. Dieu a pris soin plus d'une
fois de nous apprendre qu'à ses yeux rien n'était changé; mais le
monde a passé outre, et ne comprend plus ces choses. A-t-iï lieu
de s'en louer? C'est son affaire.
Quant à l'absolution, que je crois voir dans ces peintures, celui
qui révoquerait en doute mon assertion, peut recourir au savant
ouvrage de Binterim, qui a pour titre : Die vorzùglichsten Denk-
wûrdigkeiten der Christlich-Katholisch. Kirche, 3e partie du Ve
volume, p. 4? etc, 2.57, etc. Quel que puisse être l'intérêt d'une
digression sur la manière dont le sacrement de pénitence s'admi-
nistrait durant le moyen âge, je dépasserais trop facilement les
bornes en me laissant aller à l'entreprendre. Le silence même du
savant Trombelli sur cette matière exige qu'on la traite à fond
quand on sera conduit à l'aborder.
(1) En consultant les passages de l'Écriture sainte et des Pères
les plus anciens, que nous avons marqués sommairement, on se
remettra de plus en plus devant les yeux ce que l'on ne saurait
avoir trop présent à l'esprit, savoir : que l'enseignement de l'Eglise
est toujours singulièrement conforme à lui-même, c'est-à-dire,
toujours apostolique. Ici, par exemple, que dit-on autre chose que
ce que disait saint Clément de Rome, présentant aux chrétiens de
Corinthe (Epist. II, cap. 6—9, 12 ; Galland, I, 40, sq.) les enseigne-
ments du jugement et de la mort? Ùq ouv êo-fxev iizl -)fîjç, [xeTavo^ato/xev.
Tltlkbq -yàp èa-fxsv etç TYjv ftl^a, toD itjy'nox). Ov TpoTtov yàp 0 /.epa^sùç èàv
7C01Y] ax,£Îioç, jcoù sv rat; ^spcriv aùxoû Stac-Tpacp^, 77 auvTp'.^, Ttàl'.v aùzb
àva^àao-s!,' êàv Se 7:po<pGàa7] et? tï)V x,à{xtvov too Ttupoç aùxo (3a>.scv, oùxixi
(3ûYiGvi<7ei auxw. Ouxcoç xal •squ.elç swç eajxb èv xouxco tw /.oafxw, êv rîj Gupx,i à
én:pa4a[i,sv uovTjpà |xexavo7)<7(Ofxsv è£ ôTaiçxrjç xap&aç, tva aw9â»(j!.sv utco tou
Kupi'ou, gwç lyo\L& jcatpov (xexavoi'aç. Mexà yàp xo eçe^Geïv r\\Lo\q va xoû
x.Ô(7|aou, oùxixt, SuvàfJLsOa èxst s^ofio^oyTÎaacrGat, ri [xexavoeïv ê'xi.— ÉjcSs^m-
[xsOa ouv jtaO' capxv xr,v (3aa&stav xoD ©soû êv àyà-tcy] x,aî SwcaicxruvY], èizvM,
oùx, oiSa^sv tyjv iQfxspav xvjç êiuçave'iaç toD ©eoO, x,. t. >..
C'étaient là des prédications jetées dans le monde par la parole
des apôtres, et qui ne demandaient qu'à se produire sous toutes
les formes. Je le dis et le redirai, pour qu'on fasse bien attention
qu'il s'agit de la doctrine de Jésus-Christ, et non pas de pensées
nées au moyen âge. Ainsi, tout cela est bon de nos jours comme
aux temps de Néron, de Philippe-Auguste et de saint Louis.
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leçon , la séparation se consomme à la mort : l'âme du vrai chrétien est reçue par les anges, tandis
que le riche avare va expier parmi les démons cet amour de l'or qui l'a précipité à sa perte.
L'enseignement est complet : le jugement, qui doit rendre à chacun selon ses œuvres; la mort, qui
fixe l'issue du jugement; et les sacrements qui peuvent, même après une mauvaise vie, procurer une
bonne mort. Instruction pleine de grandeur, où les vérités s'enchaînent avec un majestueux ensemble.
Tout l'avenir de l'homme est là. Perspective sévère, mais non point fatale : un jour, un mot, doit
statuer irrévocablement sur nos destinées éternelles; mais cet arrêt suprême est entre nos mains ici-
bas. Car la fin de la vie prélude pour chacun de nous à la fin du monde (1); et, à ce point de partage
entre les deux avenirs, l'Église par son jugement peut fixer celui du Fils de l'homme. Tant que dure
ce délai qui s'appelle aujourd'hui (Hebr. III, i3), l'homme peut se pourvoir en grâce; et tout ne lui man-
quera que lorsque lui manquera l'Église, c'est-à-dire s'il vient à franchir sans elle ce moment de la
mort d'où dépend l'éternité.
Voilà ce que l'on savait dire avec ces vieilles peintures, et comment on savait alors comprendre le
ministère public de l'artiste. Mais n'exagérons pas; bien qu'on ne puisse méconnaître un talent vrai-
ment supérieur dans plusieurs œuvres d'art que nous ont laissées ces maîtres du moyen âge, il est évi-
dent qu'on se tromperait beaucoup en faisant honneur à leur talent des grandes conceptions que nous
rencontrons presque à chaque pas dans l'étude de leurs ouvrages. Veut-on savoir ce qui fait leur
supériorité? c'est le bon sens, si je ne me trompe. Beaucoup plus occupés d'estimer leur profession que
de s'estimer eux-mêmes, il ne paraît pas qu'il se soient crus capables d'imaginer tout d'un coup
l'ensemble et la marche de la première composition venue. La recherche de l'originalité semble avoir eu
peu d'empire sur leur esprit. Ils étaient d'ailleurs sauvés de ce travers par l'espèce d'étiquette qui réglait
d'avance une bonne partie de leur sujet; car la chrétienté faisait le programme aussi bien que la
commande. Ainsi disciplinés, en quelque sorte, ils étaient forcés tout d'abord de s'oublier eux-mêmes
quelque peu pour se mettre au service d'une grande pensée sociale qu'on les chargeait de transcrire.
De cette façon, comme le grand poëte de l'antiquité, ils écrivaient sous la dictée de Dieu; et se trou-
vaient avoir laissé des chefs-d'œuvre, sans pouvoir précisément s'en attribuer la gloire. De là vient
qu'ils ont peu songé à nous transmettre leurs noms, sentant bien qu'ils s'en seraient fait accroire en
ne tenant point compte à autrui des inspirations qu'ils en recevaient : de la chaire, de la foi publique,
de la liturgie, des écrivains qui forment le patrimoine de l'Église, des conseils du cloître, etc., etc.
Plus tard, on a cru que l'artiste pouvait s'isoler de tout cela, c'est-à-dire que la plante pouvait s'isoler
du sol et de l'atmosphère; et cet enthousiasme, ce génie, cette influence du ciel, que la Grèce croyait
devoir supposer même dans celui qui avait habilement modelé une génisse, on l'a sécularisé au point
de croire que la piété, ou même la foi, était la chose du monde la moins nécessaire pour traiter en
artiste (c'est-à-dire avec inspiration) les choses de Dieu. Arrivé à ce point, je me retire, et, pour qu'on
Latran (1215) pour obtenir des chrétiens au moins la communion
pascale, et de rappeler l'anathème lancé par le même concile con-
tre les réfractaires. L'avare repoussé, que caractérise la bourse
pendue au cou, est là probablement pour rappeler les peines sé-
vères portées par le droit canon contre l'usure. Ou sait que, outre
l'excommunication, ce délit entraînait l'infamie, l'incapacité de
tester, la privation de sépulture ecclésiastique, etc. Cs. C. XIV,
qu. 3—5. —H. tit. — Etc.
Si je parle de l'excommunication comme d'un fait passé, c'est
qu'il n'est plus d'Etat où elle ait conservé toute son ancienne va-
leur relativement à la société civile. Dieu a pris soin plus d'une
fois de nous apprendre qu'à ses yeux rien n'était changé; mais le
monde a passé outre, et ne comprend plus ces choses. A-t-iï lieu
de s'en louer? C'est son affaire.
Quant à l'absolution, que je crois voir dans ces peintures, celui
qui révoquerait en doute mon assertion, peut recourir au savant
ouvrage de Binterim, qui a pour titre : Die vorzùglichsten Denk-
wûrdigkeiten der Christlich-Katholisch. Kirche, 3e partie du Ve
volume, p. 4? etc, 2.57, etc. Quel que puisse être l'intérêt d'une
digression sur la manière dont le sacrement de pénitence s'admi-
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savant Trombelli sur cette matière exige qu'on la traite à fond
quand on sera conduit à l'aborder.
(1) En consultant les passages de l'Écriture sainte et des Pères
les plus anciens, que nous avons marqués sommairement, on se
remettra de plus en plus devant les yeux ce que l'on ne saurait
avoir trop présent à l'esprit, savoir : que l'enseignement de l'Eglise
est toujours singulièrement conforme à lui-même, c'est-à-dire,
toujours apostolique. Ici, par exemple, que dit-on autre chose que
ce que disait saint Clément de Rome, présentant aux chrétiens de
Corinthe (Epist. II, cap. 6—9, 12 ; Galland, I, 40, sq.) les enseigne-
ments du jugement et de la mort? Ùq ouv êo-fxev iizl -)fîjç, [xeTavo^ato/xev.
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C'étaient là des prédications jetées dans le monde par la parole
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qu'il s'agit de la doctrine de Jésus-Christ, et non pas de pensées
nées au moyen âge. Ainsi, tout cela est bon de nos jours comme
aux temps de Néron, de Philippe-Auguste et de saint Louis.
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