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Martin, Arthur
Monographie de la cathédrale de Bourges (Texte): 1. Partie. Vitraux du XIIIe siècle — Paris, 1841-1844

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https://doi.org/10.11588/diglit.18781#0288

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VITRAUX DE BOURGES.

sauvages d'un juge qui ne se trouvait pas assez compris par la férocité des bourreaux; si, au retour
de ces scènes barbares, dis-je, il eût encore retrouvé devant ses yeux ce dont son imagination était
nécessairement obsédée. Sous la compression d'une si odieuse tyrannie, sans cesse présente à leurs regards,
comment les fidèles eussent-ils pu résister à cette exaltation fébrile qui fait dévier les courages, en les
poussant aux résolutions extrêmes? Plus les peines d'esprit et de cœur étaient poignantes, plus le des-
potisme était odieux, plus aussi, par là même, il convenait aux guides du troupeau de dériver les
sentiments et les pensers vers les objets d'amour et de consolation; de même que l'écuyer habile sait
calmer par des caresses le coursier ardent dont il voit l'œil prendre feu. De ce point de vue, qui est
incontestablement le vrai, on s'explique pourquoi l'art des catacombes chérit tout particulièrement les
images riantes et propres à épanouir doucement les âmes. Mars il faut se déplacer si l'on veut aperce-
voir un autre horizon.

Cette sainte paix, ce baume bienfaisant que les docteurs chrétiens versaient alors si volontiers dans
les âmes — et il ne faut pas oublier que l'artiste religieux doit absolument tenir du docteur (i),—
c'était pour chaque fidèle un avant-goût du repos qui l'attendait au terme de sa dure carrière; et, pour
l'Église elle-même, comme un pressentiment des temps plus calmes où elle était destinée à recueillir
paisiblement le fruit de ses pénibles semailles. Plus tard, d'autres âges ont besoin d'un enseignement
plus approprié à un monde qui a changé de face. Car, comme il faut une main douce pour plier et
assouplir le cheval ombrageux qu'un écart peut jeter hors de la voie, il faut aussi que l'éperon près-
sant sollicite la lenteur de celui qui risque de s'accoutumer au repos. Si donc l'Eglise fut très-sage
d'offrir surtout aux premiers chrétiens la consolation et la joie de l'espérance durant leurs cruelles
épreuves, la même sagesse voulait que plus tard elle portât d'un autre côté sa sollicitude. Lorsqu'une
paix extérieure, à peu près constante, menaçait d'assoupir les âmes, il convenait désormais d'aiguillon-
ner la foi trop calme, peut-être, du chrétien, par le souvenir vivement renouvelé de ce qu'avait coûté
cette foi à ses pères (2).

Ainsi, ni le petit nombre de ces austères enseignements au premier âge du christianisme, ni leur
multiplicité par la suite, ne devraient nous étonner. Mais que ce soit pourtant une invention moderne,
et que les siècles des Pères aient écarté ces tableaux des assemblées ecclésiastiques, c'est ce qu'on ne
saurait soutenir sans recevoir les démentis bien formels que proclamerait la voix de ces grands
témoins. Je laisse de côté les catacombes, m'étant imposé de ne point mêler leur langage à celui des
temps qui m'occupent dans cet ouvrage; mais sitôt que les persécutions ont fait cesser le spectacle
vivant du martyre, nous le trouvons rappelé par toute la puissance d'évocation que possédait l'art.
Prudence, saint Astère et saint Basile nous en seront des garants (3) assez graves pour attester l'ancien

(1) Cs. nos i43,100, 99, 98, 57, i5 (p. 238, 181, 180, 177, 110,
35), etc.

(2) C'est bien ainsi que l'entend le moine Théophile (Divers, art.
sched.} Prolog., libr. [II; éd. C. de l'Escalopier, p. i23),et précisé-
ment en faisant allusion aux vitraux, si je ne me trompe. «Si... .
conspicatur fidelis anima. . . . quanta sancti pertulerint in suis
corporibus cruciamina, quantaque vitaî aeternae perceperint prae-
mia conspicit, vitœ melioris observantiam accipit. » Pensée tout
à fait conforme à celle que rapporte Jacques de Varazze, quand il
aborde l'histoire de saint Vincent : «Ut cum omnibus erroribus,
amoribus et timoribus vincatur hic mundus, sanctorum martyria
docent et docuerunt. »

(3) Prudent., Peristephan. IX, v. 5, sqq. (p. io5i, sqq.; t. II).

« Slratus humi Uimulo advolvebar quem sacer ornât

Martyr dicato Cassianus corpore.
Dura lacrymans mecum reputo mea vulnera, et omnes

Vitœ labores,ac dolorum acumina;
Erexi ad cœlum faciem, stelit obvia conlra

Fucis colorum picta imago martyris :
Plagas mille gerens, lotos iacerata per art us,

Ruptam minutis praferens punclis cutem.
Innumeri circum pueri, miserabile visu!

Confossa parvis membra figebant stilis.

jEdituus consultus ait : Quod prospicis, hospes,

Non est inanis aut anilis fabula.
Historiam pictura refert, etc., etc. »

Id., Pemfô/;A.,XI(depass.s.Hippolyt.),v. 123, sqq. (p. 1175, sq.).

« Exemplar sceleris paries babet illitus, in quo

Multicolor fucus digerit omne nefas :
Picta super tumulum species liquidis viget umbris,

Effigians tracti membra cruenta viri.
Rotantes saxorum apices vidi, oplime Papa,

Purpureasque notas vepribus imposilas.
Docta manus virides imitando effingere durnos,

Luserat e minio russeolam saniem.
Cernere erat, ruptis compagibus, ordine nullo

Membra per incertos sparsa jacere silus.
Etc. »

Voilà, ce semble, d'horribles supplices peints dans toute leur
crudité, longtemps avant le Ménologe de l'empereur Basile. Cs.
Arevalo, Not. in Peristeph. hymn. II, p. g32, 936,937.

Basil. M., Homil. 17, in Barlaam (t. II, 141) : Âvàar/iTÉ uoi vOv, à
latAizpol... ÇwYpà<poi... EyypacpfsOco tw TÛvax,i Jtai ô... âywvoGeTYiç XpicrToç.
Je sais que Combefis a prétendu n'apercevoir ici qu'une figure de
rhétorique et un simple appel aux orateurs. Il m'est impossible
de trouver cela convaincant, et de n'y voir tout au moins une
allusion irrécusable à l'usage de peindre les combats des martyrs.
Ce qui peut rassurer dans cette diversité d'opinion, c'est que le
septième concile général (IIe de Nicée, A. 787) a cité ces paroles
de saint Basile, entre autres, comme formant une preuve impo-
sante en faveur des saintes images. Cs.Concil. Nie. II, act. 4 (Coleti,
t. VIII, p. 919).

Cs. Aster.Amas., de s. Euphemia (ap. Coleti, ibid., p. 855—85g;
et ap. Ruinart, A A... MM. sincera, ed. Amstel., 1713, p. 490, sq.).
—Greg. Nyssen., de s. Theodoro(<\p.Ruinart, ed.cit., p. 482).—Etc.
 
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