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SCÈNE D'INITIATION AUX MYSTÈRES D'ISIS
Les documents, textes ou monuments, relatifs aux mystères des anciens, sont si
rares ou si incomplets, que la découverte d'un monument nouveau qui éclaire un peu ces
mystères, peut passer pour une bonne fortune. Le relief de Hiérapytna comble une
importante lacune clans notre connaissance si imparfaite des mystères antiques. En le
voyant, on se fait uns idée plus nette et plus précise de l'état d'âme avec lequel le
myste abordait les mystères, mystères réconfortants et consolateurs qui enseignaient
déjà la résurrection et l'immortalité. Ce sont bien là les croyances qui brillent dans le
regard ému du jeune myste, dans son recueillement respectueux et touchant. Il est
impossible, en présence de cette scène, de ne point songer à la scène figurée sur l'admi-
rable relief d'Eleusis. L'enfant aux longs cheveux, debout entre Déméter et Coré, ne
serait-il point, lui aussi, un myste, le myste divin, le premier initié à cette Eucharistie
païenne, et la scène d'initiation aux mystères isiaques ne pourrait-elle pas servir de
point de départ pour tenter une interprétation nouvelle et plus juste du bas-relief
d'Éleusis ? Je me contente d'indiquer ce rapprochement, sans vouloir, pour le moment,
pousser plus loin une analogie qui pourrait entraîner à des conclusions trop incertaines.
Il est difficile de déterminer avec précision la date de ce monument. Le caractère de
l'architecture, le style et le vêtement des personnages sont les seuls indices qui nous
permettent d'en fixer à peu près l'âge. L'Horus militaire se trouve, nous l'avons vu, sur
des monnaies, dès l'époque de Trajan. Les personnages du relief sont habillés à la mode
des Romains de la fin du Ier siècle et du commencement du IIe. C'est à peine si l'on
peut parler du style de cette sculpture, et si au Ier ou au IIe siècle de notre ère l'on peut
chercher dans le style des sculptures un indice caractéristique de leur époque. Les per-
sonnages de notre relief ont peu de style, et l'Horus avec sa tête de pigeon débonnaire
n'est pas l'œuvre d'un bien grand artiste. Pourtant la tête du myste est traitée avec
soin et le sculpteur s'est efforcé avec une conscience touchante de rendre l'air inspiré
du jeune homme. Le règne d'Hadrien coïncida avec une renaissance artistique qui mit
à la mode les choses et les monuments d'Egypte. Je rapporterais volontiers à cette
époque le relief de Hiérapytna. Ainsi, il serait apparenté à toute la classe de monuments
qui, comme les peintures de Pompéi, nous avaient montré l'importance de la religion
alexandrine en Occident au Ier siècle. La religion d'Isis s'était aussi répandue dans tout
l'Orient. Les textes nous montraient déjà le culte alexandrin établi en Crète, à Phaistos 1,
à Poikilassos\ à Phœnice3, au mont Ida4. Notre relief nous le montre établi aussi à
Hiérapytna. 11 ne serait pas même étonnant que ce fût à Hiérapytna, en raison de la
situation de la ville sur la côte méridionale de l'île, en face d'Alexandrie, que les dieux
alexandrins abordèrent pour la première fois dans l'île et l'on peut croire que c'est cle là
qu'ils se répandirent ensuite dans le reste de la Crète.
1. Ovide, Métam., IX, 665-796.
2. Spratt, Tracels in Crète, n. 16, pl. 2.
3. C. I. L., 33.
4. Ath. Mitth., 1885, p. 69.
SCÈNE D'INITIATION AUX MYSTÈRES D'ISIS
Les documents, textes ou monuments, relatifs aux mystères des anciens, sont si
rares ou si incomplets, que la découverte d'un monument nouveau qui éclaire un peu ces
mystères, peut passer pour une bonne fortune. Le relief de Hiérapytna comble une
importante lacune clans notre connaissance si imparfaite des mystères antiques. En le
voyant, on se fait uns idée plus nette et plus précise de l'état d'âme avec lequel le
myste abordait les mystères, mystères réconfortants et consolateurs qui enseignaient
déjà la résurrection et l'immortalité. Ce sont bien là les croyances qui brillent dans le
regard ému du jeune myste, dans son recueillement respectueux et touchant. Il est
impossible, en présence de cette scène, de ne point songer à la scène figurée sur l'admi-
rable relief d'Eleusis. L'enfant aux longs cheveux, debout entre Déméter et Coré, ne
serait-il point, lui aussi, un myste, le myste divin, le premier initié à cette Eucharistie
païenne, et la scène d'initiation aux mystères isiaques ne pourrait-elle pas servir de
point de départ pour tenter une interprétation nouvelle et plus juste du bas-relief
d'Éleusis ? Je me contente d'indiquer ce rapprochement, sans vouloir, pour le moment,
pousser plus loin une analogie qui pourrait entraîner à des conclusions trop incertaines.
Il est difficile de déterminer avec précision la date de ce monument. Le caractère de
l'architecture, le style et le vêtement des personnages sont les seuls indices qui nous
permettent d'en fixer à peu près l'âge. L'Horus militaire se trouve, nous l'avons vu, sur
des monnaies, dès l'époque de Trajan. Les personnages du relief sont habillés à la mode
des Romains de la fin du Ier siècle et du commencement du IIe. C'est à peine si l'on
peut parler du style de cette sculpture, et si au Ier ou au IIe siècle de notre ère l'on peut
chercher dans le style des sculptures un indice caractéristique de leur époque. Les per-
sonnages de notre relief ont peu de style, et l'Horus avec sa tête de pigeon débonnaire
n'est pas l'œuvre d'un bien grand artiste. Pourtant la tête du myste est traitée avec
soin et le sculpteur s'est efforcé avec une conscience touchante de rendre l'air inspiré
du jeune homme. Le règne d'Hadrien coïncida avec une renaissance artistique qui mit
à la mode les choses et les monuments d'Egypte. Je rapporterais volontiers à cette
époque le relief de Hiérapytna. Ainsi, il serait apparenté à toute la classe de monuments
qui, comme les peintures de Pompéi, nous avaient montré l'importance de la religion
alexandrine en Occident au Ier siècle. La religion d'Isis s'était aussi répandue dans tout
l'Orient. Les textes nous montraient déjà le culte alexandrin établi en Crète, à Phaistos 1,
à Poikilassos\ à Phœnice3, au mont Ida4. Notre relief nous le montre établi aussi à
Hiérapytna. 11 ne serait pas même étonnant que ce fût à Hiérapytna, en raison de la
situation de la ville sur la côte méridionale de l'île, en face d'Alexandrie, que les dieux
alexandrins abordèrent pour la première fois dans l'île et l'on peut croire que c'est cle là
qu'ils se répandirent ensuite dans le reste de la Crète.
1. Ovide, Métam., IX, 665-796.
2. Spratt, Tracels in Crète, n. 16, pl. 2.
3. C. I. L., 33.
4. Ath. Mitth., 1885, p. 69.