L' art: revue hebdomadaire illustrée (12.1886 (Teil 2))

peu importantes et assez gauches. Sans parler du grand paysage du Musée de Bruxelles dans
lequel ces figures qui nous paraissent avoir été ajoutées après coup sont d'une facture tout à fait
maladroite et comme enfantine, les personnages dans la plupart des ouvrages de l'artiste sont
tellement insignifiants ou médiocres que nous ne voyons pas quel avantage Hobbema aurait eu
à en confier l'exécution à des mains aussi inexpérimentées. Jusqu'à preuve du contraire, nous
croyons que le plus souvent c'est lui-même qui les a peints et qu'ils ne lui font pas grand
honneur.

On n'est guère fixé non plus sur les élèves ou les imitateurs d'Hobbema. Ceux qu'on lui a
longtemps attribués, sans grand souci de la chronologie : Cornelis Decker, Guillem du Bois et
van Kessel ont été ses prédécesseurs ou ses contemporains. Hobbema, en tout cas, était certaine-
ment l'ami de ce dernier puisque, d'après une indication que nous trouvons dans l'excellent
catalogue du Musée d'Utrecht1, il l'assistait comme témoin à la déclaration de naissance de son
second fils, Thomas, le i3 février 1675. Jan van Looten qui, autrefois, passait aussi pour son
élève, est né vingt ans avant lui. C'est à ce dernier peintre qu'il convient, suivant nous, de
restituer le beau et très important Paysage de Hollande du Musée de Nancy (n° 201), sur lequel,
après un soigneux nettoyage, le consciencieux directeur de ce Musée, M. Th. Devilly, a découvert
la signature jusque-là inaperçue d'Hobbema. Malgré cette présomption, et sans vouloir diminuer
en rien le mérite incontestable de l'œuvre, nous pensons qu'elle est de van Looten. Les forêts
de chênes percées de vastes perspectives et signées du nom de cet artiste, que nous avons pu
observer dans les Galeries de Londres, de Berlin, de Rotterdam et de Cassel, nous ont révélé,
non seulement des ressemblances positives de facture avec le tableau de Nancy, mais même des
analogies formelles de motifs. Ceux des deux tableaux de Cassel et de Rotterdam, entre autres,
ont été pris certainement dans la même localité, à quelques pas de distance l'un de l'autre, et
les figures dont ils sont animés sont également du même peintre et représentent les mêmes
types de personnages et d'animaux, des chasseurs à pied ou à cheval, accompagnés de leur
meute.

Malgré les récentes et précieuses découvertes des érudits hollandais, bien des obscurités, on
a pu le voir, régnent encore sur la vie d'Hobbema; il n'est guère probable qu'on arrive mainte-
nant à l'éclairer beaucoup plus. Nous nous étonnerions davantage des appréciations et des éloges
enthousiastes dont, jusqu'à notre temps, ses œuvres ont été l'objet, si l'histoire de l'art ne nous
fournissait fréquemment l'exemple de pareils malentendus. Avec une entière franchise, nous nous
sommes efforcé de juger ces œuvres et d'établir entre elles des distinctions qu'un talent aussi
inégal rendait surtout nécessaires.

Emile Michel.

1. Ce catalogue, paru en i885 et rédigé sur dos notes qu'avait laissées ]e regretté Al. A. de Vries, est dû à son ami M. Bredius, le
critique bien connu, assisté du concours de M. Muller, l'archiviste d'Utrecht.

Tome XLI.

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