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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Bosseboeuf, Louis-Auguste: Les sculptures de Solesmes et l'école de Tours, I-VII
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0243

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LES SCULPTURES DE SOLESMES ET L’ECOLE DE TOURS.

213

Sur le parement de droite, dans des niches de style
flamboyant d'une dimension d'environ 20 cent., sont figu-
rés de ravissants personnages tournés vers le bord extérieur.
Celui-ci porte une tunique descendant jusqu’à mi-jambe ;
cet autre est vêtu de la robe longue avec l’aumônière; un
troisième a un livre ouvert, et, au-dessous, un bourgeois
tient à la main droite un bâton ayant une boule aux deux
extrémités. Mais c’est surtout l’orfroi de gauche qui solli-
cite notre attention. Sous les dehors d’un vénérable ermite
à longue barbe, coiffé d’un capuchon, l’artiste s’est repré-
senté tenant, de la main droite, la règle de maître et, de la
gauche, une banderole sur laquelle on lit en belles capitales
romaines : RASIONE M. C. T., ce qui, en style du temps,
signifie, à n’en pouvoir douter : Michaelis ou Magistri
Columbi Turonensis. A propos d’un autre travail de sta-
tuaire exécuté par le même artiste, on retrouve en effet
dans un document les termes : « par l’art et l’industrie de
Michel Colombe de Tours »,
qui sont la traduction de la
légende que nous venons de
découvrir. Quant aux person-
nages représentés dans la par-
tie inférieure de l’orfroi, ils
portent soit la robe longue,
soit le costume de bourgeois.

Le dernier mérite d’être si-
gnalé : vêtu d’une tunique de
fourrure, il a derrière lui un
animal fantastique dont la tête
est levée, et il porte, à la main
gauche, une banderole oh
malheureusement l’inscription
est absente ; tout nous porte
à croire, en effet, que nous
sommes en présence d’une se-
conde figure d’artiste d’un
caractère bien personnel.

C’est donc un fait acquis,
d’après la signature du maître,

Michel Colombe a dressé les
plans et dirigé l’exécution de
ce grand œuvre de statuaire
dont il a réalisé les pièces prin-
cipales, taillant de sa main,
selon les termes d’un contrat
de cette époque, relatif à un
mausolée, « les visaiges, mains
et les vifz » ; il a laissé à des
ouvriers de choix, placés sous ses ordres, la tâche d’ache-
ver l’ornementation, soit du monument, soit des person-
nages. La comparaison de la statue de saint Pierre, signée
du maître et commandée pour être placée à part, avec
VEnsevelissement du Christ, considéré dans les moindres
détails, ne saurait laisser l’ombre d’un doute; surtout si
l’on rapproche, comme nous l’avons dit, la disposition et
la décoration des vêtements, et, pour ce qui est des per-
sonnages eux-mêmes, l’identité absolue entre la tête de
saint Pierre et celle du prophète David, placé dans la
niche de droite, à l’étage supérieur.

Nous avons parlé des collaborateurs de Michel Co-
lombe. Il avait, en effet, dans son atelier, comme orne-
manistes, des ouvriers d’une grande habileté, « tailleurs de
mazçonnerie entique », formés à toutes les délicatesses de

par D. Guéranger, ainsi que le piédestal sur lequel il a fait graver
l’antique inscription de la statue de bronze de saint Pierre, dans la
basilique vaticane. Le sens est : « Contemplez le Dieu Verbe, la
Pierre divinement taillée dans l’or; établi sur elle je suis inébran-
lable ». Pour compléter l’analogie, le pieux abbé a donné à l’Apôtre
un pied en cuivre, proposé à la vénération des fidèles.

l’art italien. Il serait intéressant de savoir quels ouvriers
ont travaillé, à Solesmes, avec Michel Colombe; et il nous
eût été agréable de découvrir, dans le voisinage et comme
à l’ombre de la signature du maître, les noms des artistes
qui l’ont aidé. Toutefois nous ne sommes pas complète-
ment privés de renseignements; des observations puisées
à d’autres sources nous permettent de suppléer au silence
des documents ayant trait directement à ce travail.

Après avoir reçu la commande, Colombe fait le
patron, suivant les indications qui lui ont été données.
La maquette une fois acceptée définitivement, le maître
de l’atelier de la rue des Lilles-Dieu se transporte, à
l’époque convenue, à Solesmes, oh il doit trouver la
pierre de tuffeau toute prête pour l’œuvre qu’il exécutera
« selon la possibilité de son art et industrie ». Il emmène
avec lui ses collaborateurs, qu’il proclame « gens meurs,
graves, savans, seurs, certains, expérimentez et bien con-

dicionnez». Bastien Lrançoys,
son petit-neveu, maître des
œuvres des églises Saint-Mar-
tin et Saint-Gatien, à Tours,
qui édifiera, quelques années
plus tard, la superbe flèche du
nord avec son incomparable
escalier en spirale, se charge
de la construction de ladite
chapelle ; il s’en acquitte à
merveille, car il est, selon la
remarque même de Colombe,
« souffisant quant à l’art de
massonnerie et architecture ».
La partie la plus difficile, après
la tâche du maître, est réservée
à son neveu, Guillaume Ré-
gnault, marié à Loïse Colombe,
nièce du statuaire, et beau-
père de Bastien Françoys dont
nous venons de parler. Entré
dans l'atelier de Colombe vers
1470, il y travailla comme
premier ouvrier jusqu’à la mort
de son oncle et mérita que ce
dernier écrive de lui qu’il l’a
« servy et aidé l’espace de qua-
rante ans environ, en toutes
grandes besoignes, petites et
moyennes ». A Solesmes, Ré-
gnault montra sans doute une
fois de plus qu’il était « tailleur d’ymaiges souffisant et
bien expérimenté ». Parmi les « aultres serviteurs dont il
répondoit de leur science et preudomie », se trouve encore
probablement Jehan de Chartres, qui fut « disciple et ser-
viteur » de Michel Colombe à partir de 1492, et était,
en 1 5 11, « tailleur d’ymaiges de Madame de Bourbon1 ».

Nous avons eu tort de parler de silence absolu; ce
n’est pas la faute des artistes si leur nom ne vient pas sans
réserves sur nos lèvres. Ici encore, c’est la chape de saint
Pierre qui s’est chargée du soin de nous en transmettre
l’écho, d’ailleurs affaibli par le temps. Sur le parement du
manteau du personnage principal dont nous avons parlé,
on lit, en effet, des lettres du genre de celles que nous
avons signalées. Aussi quelle ne fut pas notre joie quand
nous découvrîmes cette seconde inscription, qui doit ren-
fermer le nom ou les initiales du nom du principal sculp-
teur qui a travaillé sous la direction de Michel Colombe
de Tours, Rasione M. C. T. Par malheur, les lettres sont
à demi effacées et il est malaisé d’en découvrir le sens.

1. Le Glay, Analectes historiques.

Statue de saint Pierre.

Signée de Michel Colombe. — Dessin de L. Le Riverend.
 
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