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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Bosseboeuf, Louis-Auguste: Les sculptures de Solesmes et l'école de Tours, I-VII
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0244

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L’ART.

2 14

Nous pensons qu’il faut y voir GhSAR : peut-être G et R
sont-ils les initiales du grand artiste Guillaume Régnault
dont il vient d’être question. Enfin, un lion, accroupi der-
rière un des personnages de l’orfroi, ne serait-il pas la
signature parlante du sculpteur italien Jérome Pascherot
(Paschiarotti), qui « besoignoit » à Tours sous Char-
les VIII ? Quoi qu’il en soit, nous livrons notre trouvaille
aux critiques d’art en faisant appel à leur connaissance des
signatures de statuaires.

III

Il nous reste maintenant à indiquer l’époque de ce tra-
vail et le personnage dont la faveur et les deniers ont con-
tribué à son érection, qui était évidemment au-dessus des
moyens du modeste prieuré de Solesmes.

Ici, la tâche nous est rendue facile par la présence de
plusieurs documents d’une netteté indiscutable. Au milieu
de ces nervures et de ces arcatures de style flamboyant,
mariées à des rinceaux où point l’aube de la Renaissance,
— signe évident de la fin du xve siècle, —■ on aperçoit en
effet des blasons qui achèvent de préciser la date du mo-
nument. La frise montre trois écussons couronnés : au
centre, celui de France; à droite, le blason mi-partie de
France et de Bretagne (Michel Colombe eut la qualité de
« tailleur d’ymaige de la royne Anne de Bretagne ») ; et, à
gauche, celui du Dauphin. Notons, en passant, que ces
armoiries, grattées durant la Révolution, ont été rétablies
d’après une description détaillée de l’édifice, qui a été
retrouvée à la Bibliothèque nationale. S’il pouvait s’élever
le moindre doute sur l’époque exacte, il s’évanouirait sur-
le-champ devant l’inscription placée à la base des deux
colonnes Renaissance. Deux banderoles, en capitales fleu-
ries, analogues à celles qui courent sur la bordure des
vêtements, portent, à droite, M° CGCC. 111Ix XVI0 ; — à
gauche, KAROLO VIII0 REGNANTE. Évidemment il
s’agit ici de la date même de l’achèvement du travail.

Après cela, nous ne sentons pas le besoin de préciser
davantage et, pour l’avouer sans détours, nous ne voyons
pas trop ce que signifie cette réflexion d’un écrivain, d’ail-
leurs érudit, de Solesmes : « le premier (des enfants de
Charles VIII) étant mort en 1495, les armoiries des Dau-
phins n’ont dû être placées ici qu’en l’honneur du second
fils du roi et de la reine, né en 1490; et, comme ce petit
prince n’a vécu que vingt-cinq jours, du 8 septembre au

3 octobre, on est en droit de conclure que le monument a
été terminé entre ces deux dates si rapprochées L » A notre
avis, on n’est aucunement en droit de tirer cette conclu-
sion; au contraire, la logique impose le devoir de se gar-
der d’une pareille conséquence. La construction et la
décoration d’une œuvre aussi considérable n’ont pas été
effectuées en une année ; l’écu du Dauphin a donc pu être
placé non pas seulement pendant la courte existence de
« Monseigneur Charles, segond fils » de Charles VIII,
qui mourut, âgé de vingt-cinq jours, « le second jour
d’octobre », ainsi que l’indique son épitaphe, — ce qui
d’ailleurs est assez invraisemblable en raison de la place
occupée par le blason, — mais du vivant de « Charles
Orland aisné », qui « décéda au chasteau d’Amboise, le
xvie jour de décembre, l’an mil quatre cens quatre vingt
et quinze », selon l’inscription du mausolée, dans la cathé-
drale de Tours. Il nous suffit de savoir que le monument
de la Mise au tombeau du Christ a été terminé en 1496,
trop heureux si nous possédions pour vingt autres œuvres
de premier ordre une telle précision de date.

Nous avons également la bonne fortune de connaître

1. D. Guépin, Description des églises abbatiales de Solesmes,
page 17.

le nom du gentilhomme dont les libéralités ont orné le
couvent Solesmien d’un semblable joyau. Fondé et doté,
en 1010, par Geoffroy, seigneur de Sablé, le prieuré de
Solesmes, qui dépendit dès lors de l’abbaye bénédictine
de Saint-Pierre-de-la-Couture, au Mans, continua d’être
l’objet des largesses des propriétaires de cette terre impor-
tante dont l’histoire a été mêlée, tout près de nous, à de
piquantes anecdotes. A la fin du xve siècle, la seigneurie
de Sablé était aux mains de Jean d’Armagnac, duc de
Nemours'. Poussé par sa piété, celui-ci songea à édifier,
dans son prieuré de prédilection, un de ces tombeaux ou
Ensevelissements du Christ dont le but était alors de
réveiller la dévotion qu’entretenaient naguère les pèleri-
nages en Terre-Sainte désormais abandonnés.

Les d’Armagnac avaient des racines en Touraine et
étaient unis par des liens d’amitié à la famille d’Am-
boise. Les uns et les autres étaient renommés pour la
noblesse de leur race, pour leur influence à la cour, pour
leur amour profond des arts et la protection qu’ils accor-
daient aux lettrés et aux artistes. Le cardinal Georges
d’Amboise, en particulier, s’était constitué le Mécène de
l’Ecole de Tours, et ce fut son protégé, Michel Colombe,
qui décora en partie le magnifique tombeau du cardinal-
archevêque dans la cathédrale de Rouen. Dès lors, à qui
s’adressera Jean d’Armagnac pour l’exécution de son plan,
sinon au chef de l’atelier tourangeau ?

Que Michel Colombe soit originaire de Tours ou du
diocèse de Saint-Pol-de-Léon, nous n’avons pas à étudier
ici cette question2 ; qu’il ait fréquenté plus ou moins long-
temps les ateliers bourguignons de Claux et d’Anthoniet,
« souverains tailleurs d’imaiges dont j’ay autreffois eu la
cognoissance », écrivait-il en i5ii3, toujours est-il que
vers l’âge de quarante ans, — il était né en 1480 ou 1481,
— Colombe vint se fixer à Tours, dont il fit sa patrie
d’adoption et où il mourut après avoir élevé cette ville au
rang de métropole de la sculpture en France, sous les
règnes de Charles VIII et de Louis XII. Dès 1467,
Colombe est qualifié supremus regni Franciœ sculptor!i ;
Louis XI lui fit des commandes; il devint le « tailleur
d’imaige » préféré d’Anne de Bretagne et reçut le titre de
« sculpteur du roi ». Jean d’Armagnac, dans ses fréquents
voyages, entendit parler du grand artiste ; peut-être même
le vit-il au Plessis-les-Tours, à la cour de Louis XI, et
fut-il tenté de visiter les ateliers, célèbres dans la France
entière, de la rue des Filles-Dieu (aujourd’hui de Bernard
Palissy). L’admiration que lui inspirèrent le talent du
maître et la beauté de ses œuvres, le porta tout naturelle-
ment à lui confier l’exécution de la chapelle et du groupe
de VEnsevelissement du Christ.

Colombe, s’inspirant à la fois des traditions chré-
tiennes, du souffle artistique qui commençait à vivifier
l’art gothique et des nobles conceptions de son génie, fait
d’idéal et de vérité, mit au jour le chef-d’œuvre que nous
avons étudié. Quelle œuvre exécuta d’abord son sublime
ciseau, la statue de saint Pierre, patron du prieuré, ou

1. Dans la seconde moitié du xve siècle, la terre de Sablé appar-
tint aux princes de la maison d’Anjou. Louise d’Anjou, sœur de
Charles, comte du Maine, enterré dans la cathédrale du Mans, épousa
Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, qui fut décapité, à Paris, en
1477. Leur fils aîné, Jean d’Armagnac, duc de Nemours, paraît en
possession de ce domaine à partir de 1488. L’historien de Sablé fait
remarquer d’autre part que René II, héritier de Charles d’Anjou,
éleva des réclamations et se fit adjuger la seigneurie. (Cf. Ménage,
Histoire de Sablé.)

2. Voir pour cette question, que nous espérons reprendre quelque
jours, Dr Giraudet, les Artistes tourangeaux ; D. Morice, Histoire de
Bretagne; L. Palustre, Étude sur Michel Colombe; A. Rouilliet,
Michel Colombe et son œuvre.

3. Le Glay, Analectes historiques.

4. Bulletin de la Société archéologique de Touraine, tome VII,
page 201.
 
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